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En Espagne, un hôpital face à la deuxième vague du coronavirus

20 octobre 2020, 13:50

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En Espagne, un hôpital face à la deuxième vague du coronavirus

A l’hôpital universitaire Severo Ochoa de Leganés, dans la banlieue sud-ouest de Madrid, l’un des plus touchés par la première vague de l’épidémie de Covid-19, l’unité de soins intensifs est déjà totalement remplie et les soignants craignent de revivre la même «horreur».

«Nous sommes pleins», lâche le chef de l’unité, le Dr Ricardo Diaz Abad, devant les douze lits occupés par des patients gravement atteints par le virus.

Equipés de combinaisons intégrales en plastique blanc, de lunettes de protection, d’un ou deux masques, de deux gants violets à chaque main et de sur-chaussures bleues en guise d’armure anti-Covid, les soignants entrent tour à tour au sein de l’unité.

A l’intérieur, règne un faux silence de plomb périodiquement interrompu par les assistants respiratoires de patients dénudés et illuminés par une mosaïque d’écrans.

La veille, «on a malheureusement perdu deux patients», raconte le Dr Diaz, en observant à travers un hublot les infirmiers en train de faire la toilette de ces femmes et hommes dont les moins âgés ont une cinquantaine d’années.

Contrainement à la première vague, lors de laquelle l’hôpital a vécu «l’horreur» de ne pas avoir assez de lits pour traiter les patients Covid, désormais «on peut les traiter, car on a crée l’espace pour», explique-t-il.

Soignants fatigués

Mais la crainte est maintenant d’être de nouveau dépassé par la deuxième vague de l’épidémie.

Au printemps, «les couloirs étaient remplis de patients avec leurs bouteilles d’oxygène, sur des chaises, des fauteuils», se souvient le médecin urgentiste Luis Diaz Izquierdo, vêtu d’une blouse verte et d’un bandana multicolore.

«On a toujours en tête la possibilité que ça se reproduise», confie-t-il.

«La première vague a demandé un grand effort physique et émotionnel (...) nous sommes plus fatigués, nous n’avons pas eu le temps de récupérer», témoigne l’urgentiste, qui a des poches sous les yeux.

Epicentre de l’épidémie, qui a déjà fait près de 34 000 morts dans le pays, la région de Madrid reste traumatisée par les images d’une patinoire transformée en morgue et des hôpitaux submergés au printemps dernier.

Près de l’aéroport, un régiment de grues s’active pour faire émerger un «hôpital des pandémies» que les autorités espèrent inaugurer en novembre.

Afin de tenter de limiter la propagation du virus, Leganés est, comme Madrid, bouclée partiellement depuis début octobre. Mais pour de nombreux soignants, ces restrictions sont insuffisantes pour faire baisser l’afflux de patients.

Collées à l’entrée de l’hôpital, des affiches appellent à manifester pour qu’il n’y ait «plus jamais de morts évitables».

«La charge de travail nous empêche parfois de réaliser tous les appels vidéos qu’on souhaiterait» entre les patients et leurs proches, regrette Sonia Carballeira, infirmière de 39 ans.

«Ne baisse pas la garde» face au virus

«On s’attendait à ce qu’une seconde vague se produise, mais pas si tôt, alors que la saison de la grippe et des infections respiratoires saisonnières n’a pas encore commencé», ajoute-t-elle devant la «zone Covid» de l’hôpital dans laquelle 48 patients sont soignés.

Derrière le grand panneau rouge marquant l’entrée de la zone, c’est l’heure du déjeuner et des appels vidéo pour les patients.

En mangeant son yaourt, Manuel Collazo Velasco n’en revient toujours pas: «il n’a pas de sucre, mais je le trouve très, très sucré, même chose avec le sel», s’étonne cet homme de 61 ans dont le sens du goût a été modifié par le virus.

Quelques chambres plus loin, Carmen Díaz Coello récupère, elle, l’usage de ses jambes et appelle ses compatriotes à la «responsabilité».

«Qu’ils ne se découragent pas (face au virus), qu’ils aillent chez le médecin quand il le faut et qu’ils aillent de l’avant», lance cette grand-mère de 72 ans, vêtue d’une blouse blanche et jaune, lors d’un appel vidéo sur tablette avec l’AFP.

Le bras de fer entre le gouvernement central et la région de Madrid sur les restrictions à adopter, tout comme le relâchement d’une partie de la population, suscitent l’incompréhension au sein de l’hôpital.

«Au niveau scientifique, on a beaucoup appris sur le traitement des patients (...) mais j’ai l’impression qu’on a peu appris au sein de la société», déplore le Dr Diaz Izquierdo.

Sur la facade de l’hôpital, une grande banderole, déployée après la première vague, est toujours là et clame: «ne baisse pas la garde» face au virus.