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Trafic de drogue: la police redouble de vigilance face à la complicité dans le port

16 octobre 2020, 22:00

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Trafic de drogue: la police redouble de vigilance face à la complicité dans le port

La fermeture de l’aéroport pendant plusieurs mois, due au Covid-19, a entraîné un changement de tactique pour l’introduction de la drogue dans le pays. Maintenant c’est par le port qu’elle fait son entrée, grâce à la complicité interne. Depuis le début d’octobre, les limiers de l’Anti-Drug & Smuggling Unit (ADSU) du port, en collaboration avec ceux de l’ADSU de la Metropolitan North, ont arrêté quatre suspects travaillant à la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL). Ils sont : Jean Roy Norbert Leguin, un lasher (employé qui sécurise les conteneurs avant leur embarquement) ; Mohammed Sameer Jummun, un general worker ; et Bryan Steven Vandamme, un autre lasher, dans le cadre d’une saisie de drogue d’une valeur de Rs 10 millions récupérée sur le cargo Kiara le 1er octobre. Le lasher Shakill Baulum est, lui, impliqué dans une affaire de drogue d’une valeur de Rs 30 millions saisie sur le LSS Success le 13 juin. D’autres arrestations sont d’ailleurs à prévoir. 

Une atmosphère pesante se dégage à la CHC depuis les dernières arrestations. Depuis quelques mois, des employés ont été impliqués dans des saisies de drogue provenant de l’étranger sur des navirescargo faisant escale à Port-Louis. Ces colis arrivent ou partent sur des bateaux qui transitent à Madagascar, en Afrique du Sud ou à La Réunion. En fait, ce trafic à travers le port n’est pas nouveau, car, en juillet 2018, le lasher Saravana Goinden avait réceptionné un colis de drogue d’une valeur de Rs 18 millions sur le MSC Jeanne et été arrêté. Un autre employé de la CHCL, Joseph Julien Michaud, avait aussi été arrêté, il y a trois ans, avec du cannabis, à son domicile à Quatre-Bornes. 

Mais les dernières arrestations, explique l’inspecteur Shiva Coothen du Police Press Office, ont alerté sur cette complicité interne et la nécessité de redoubler de vigilance à tous les niveaux. «Nos effectifs sont parés à toute éventualité. L’ADSU du port, la Port Police et la National Coast Guard vont resserrer les mailles du filet dans le port. Nous collaborons avec les autres acteurs du port, tels que la douane et les lanceurs d’alerte. Nous travaillons beaucoup sur la base d’informations crédibles et bien sûr, nous vérifions la véracité de ces informations avant les arrestations. Nous avons notre stratégie que nous ne pouvons dévoiler. Comme le dit l’adage, le ver est dans le fruit. Ce sont des personnes au sein du port qui se prêtent à ce petit jeu et cela profite aux trafiquants de drogue.» 

«Sécuriser un colis» 

Sous couvert de l’anonymat, une source portuaire nous explique que ces récentes arrestations n’impliquent pas des douaniers, pompiers ou policiers ou encore des employés de la Mauritius Ports Authority (MPA), mais des lashers employés par la CHCL. Ces personnes, qui sécurisent les conteneurs avant l’embarquement, y ont directement accès. Quand les conteneurs arrivent dans le port, la CHCL sait quel conteneur débarquer ou lequel va en transit. «Les employés connaissent le plan du bateau car il y a six niveaux. Il y a trois niveaux conteneurs dans la suite et trois en haut du navire. La plupart du temps, ce sont des lashers qui sont arrêtés car ils vont accrocher les filins aux grues. Ils connaissent le numéro du conteneur et l’endroit où la drogue est cachée.» 

Il ajoute : «Ces personnes ont plusieurs modus operandi pour sécuriser un colis de drogue. Elles reçoivent les informations sur l’endroit où la drogue est cachée à travers leur WhatsApp. Il arrive que des fois, ces individus cachent le colis sur le bateau et, après la fouille des douaniers, ils vont le récupérer. Dans la plupart des cas, le navire débarque une partie de la marchandise avant de quitter le port. Une fois le bateau à l’intérieur, les lashers récupèrent le colis. Le fait de travailler sur un shift system leur donne un gros avantage. Si le premier shift a eu vent que la douane ou les policiers ont mis en place une surveillance accrue, qu’ils appellent “serrage”, à travers leur mode de communication, le suspect demandera à son complice d’un autre shift de récupérer le colis. Zot ena zot networking zot osi.» 

Il faut savoir que les navires subissent un contrôle à quai ou au débarquement. Les limiers de l’ADSU et la section anti-narcotique de la douane veillent au grain, mais elles ne peuvent pas surveiller chaque conteneur ou chaque recoin des navires. C’est donc sur la base d’informations et grâce au contrôle de la livraison que ces agents sont pris la main dans le sac. Les syndicats de la CHCL restent eux motus et bouche cousue, même s’ils se disent surpris par ses cas avérés dans le port. Un dirigeant de la Port-Louis Maritime Employees Association, que nous avons interrogé, affirme qu’il y a une peur de représailles ou que certains suspects n’impliquent d’autres collègues. 

Au niveau de la direction, l’intransigeance est le maître mot. Le chairman de la CHC, Sanjeeven Permall, que l’express a contacté, affirme que la tolérance zéro sera appliquée. «Nous serons sans pitié. Les travailleurs ont une responsabilité. Nous collaborons pleinement avec la police et la MPA.»