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Avançons masqués

11 octobre 2020, 08:23

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Avançons masqués

 

Les masques font maintenant partis de notre vie depuis quelques mois. Ils servent à se prémunir et à prémunir les autres. Mais le masque a une longue histoire et une symbolique puissante. Il est d’ailleurs lié, étymologiquement, au mot de personne. Il désignait, à l’origine, le masque que portait les acteurs, du latin « per-sonare », qui veut dire « résonner au travers ». Comme nous sommes tous des personnes, cela veut-il dire que nous sommes tous masqués ? En ce moment, on peut dire que oui, surtout dans les endroits clos. Le masque est ce qui cache, ce qui travestit le visage, comme le célèbre carnaval de Venise nous le rappelle. Être masqué, c’est à la fois caché son propre visage en montrant un autre visage. C’est donc montrer ce que l’on n’est pas en cachant ce que l’on est. C’est aussi montrer le faux pour cacher le vrai, ou bien faire apercevoir le vraisemblable pour nous indiquer que le vrai existe, mais caché ou bien invisible. Ce que les yeux voient, l’âme ne le voit pas, mais l’âme peut voir ce qui se dérobe aux yeux. Le masque donc ne cache pas, du moins pas totalement. Il montre quelque chose, mais ce qu’il montre renvoie directement à ce qu’il cache : c’est toute sa force et son ambiguïté, toute sa symbolique et son ambivalence.

Descartes, au 17ème siècle, voulait entreprendre une critique assez totale de la philosophie scholastique toujours utilisée à son époque, et qui, d’après lui, ne donnait pas assez d’importance à l’observation et à l’explication scientifiques. Ainsi, voyant ce qui arrivait au mathématicien et physicien Galilée, et les problèmes qu’il avait avec l’Église catholique au sujet de sa théorie plaçant le soleil au centre de l’univers, puis sa condamnation le forçant à reconnaître devant l’Église que toute sa théorie était fausse, Descartes, qui voulait publier une explication du Monde, une théorie de l’Univers, renonça à ce travail. Pendant qu’il tentait de réformer le cadre philosophique hérité du Moyen-Âge, il fit sienne une phrase qui va le caractériser pour la postérité : « J’avance masqué ». A la fois je ne montre pas que je veux réformer la manière dont on fait de la philosophie et de la science à mon époque, et à la fois je le fais de manière rigoureuse et diffuse. Porter un masque, c’est supposer qu’il y a le vrai visage caché derrière. L’habit ne fait pas le moine, mais ce qui importe n’est-il pas, en fait, ce que l’on voit, à savoir le moine ?