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Milan Meetarbhan: «…les projets de loi passeraient comme une lettre à la poste»

5 octobre 2020, 14:55

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Milan Meetarbhan: «…les projets de loi passeraient comme une lettre à la poste»

Quelles sont les conséquences possibles d’une démission en bloc des parlementaires de l’opposition sur les plans : (a) juridique (b) constitutionnel et (c) parlementaire ?

Sur le plan Juridique

Comme on l’a vu l’année dernière, après la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo, le pouvoir politique dispose d’une marge de manœuvre importante quant à la tenue d’élections partielles. Cela peut durer plusieurs mois et rien n’empêcherait le gouvernement d’attendre le délai maximal prévu par la loi pour organiser des partielles. Entre-temps, le Parlement siégerait sans la participation de l’opposition, ce qu’on n’a pas vu même après le 60-0 de 1982 ou celui de 1995.

Sur le plan constitutionnel

Aux termes de l’article 47 de la Constitution, les dispositions de la Constitution (sauf les articles 1 et 57(2)) ne peuvent être modifiées que sur un vote de deux tiers ou de trois quarts «of all the members of the Assembly». Au cas où l’Assemblée ne comprend qu’une quarantaine de membres après la démission des députés de l’opposition, il suffirait d’avoir les deux-tiers ou les trois-quarts de ceux qui sont toujours membres de l’Assemblée. Cela pourrait permettre à l’exécutif de modifier à sa guise toute disposition de notre Constitution.

Par ailleurs, aux termes de l’article 47 (3) de la Constitution, toute modification aux articles 1 et 57(2) doit être approuvée par une majorité de trois quarts des électeurs par voie de référendum et par la suite à l’unanimité par le Parlement. Donc, toute tentative de modifier l’article 1 qui stipule que Maurice est un État démocratique ou l’article 57 (2) qui limite la durée d’un mandat parlementaire à cinq ans ne peut réussir que si l’amendement est approuvé ou cours d’un référendum.

Toutefois, si la disposition qui exige la tenue d’un référendum peut elle-même être modifiée ou abrogée par une majorité de trois quarts des députés, il ne sera pas nécessaire de passer par un référendum. Donc, si tel est le cas, l’exécutif qui dispose d’une majorité de trois quarts à l’Assemblée après la démission de l’opposition pourrait adopter par exemple un amendement à la Constitution afin de renvoyer la tenue d’élections générales.

Sur le plan Parlementaire 

En cas de démission de tous les députés de l’opposition, la majorité gouvernementale aura les mains plus libres au Parlement. Il n’y aura pas de questions parlementaires gênantes et les projets de loi passeront comme une lettre à la poste. On a vu lors des débats cette année sur l’Appropriations Bill qu’après l’expulsion en bloc des députés de l’opposition par le speaker, que le Committee of Supply qui normalement permet aux députés de demander des explications aux ministres sur tous les détails budgétaires au cours d’un exercice qui dure souvent toute la nuit a cette fois été fast tracked en moins de 30 minutes. Même si la décision du speaker d’expulser en bloc les députés de l’opposition donne lieu à des interrogations sur le plan de la procédure, ce qui s’est passé au cours de cette séance donne une indication de ce que serait, un Parlement sans opposition.

Donc si la démission en bloc des parlementaires de l’opposition peut théorique- ment avoir des conséquences politiques voire morales, en raison de l’absence de fonctionnement démocratique des institutions elle n’entraîne sur le plan strictement juridique aucune obligation d’aller vers des élections générales. Au contraire, elle pourrait permettre à l’exécutif de modifier à sa guise toute disposition constitutionnelle car il disposera de la majorité requise pour le faire. Quant aux pressions politiques ou morales que cette démission pourrait exercer afin d’amener le pays aux urnes, elles ne peuvent atteindre ce but que dans la mesure où l’exécutif partage une vision de la politique ou de la morale qui repose sur un fonctionnement démocratique des institutions. À moins qu’elles n’émanent de la rue…