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L’'autonomie' de Rodrigues: reconnaître officiellement la contribution de Bérenger

3 octobre 2020, 20:05

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L’'autonomie' de Rodrigues: reconnaître officiellement la contribution de Bérenger

À quelques encablures de la commémoration marquant le 18ème anniversaire de la mise en place de l’Assemblée régionale de Rodrigues le 12 octobre 2002, il paraît important de remettre certains éléments en perspective. Ceci afin de rafraichir des mémoires et, sans prétention aucune, préciser certains faits relevant de la vérité historique.

Commençons par une omission qui, à ce jour, relève d’une anomalie : hiatus qui ressemble fort à une forme d’oblitération du rôle important pour ne pas dire, la force motrice au plan de l’évolution du statut politique de l’île au sein de la République de Maurice.

Évolution qui se matérialisera à travers la présentation du Rodrigues Regional Assembly Bill et son adoption à l’unanimité par le Parlement national. Il est bon de noter que c’est par le truchement d’une loi constitutionnelle que ce projet s’est concrétisé – donnant ainsi au-delà de la symbolique politique une assise des plus solides - la procédure parlementaire requérant une majorité de trois quarts des votes au Parlement pour tout amendement apporté à notre loi fondamentale qu’est la Constitution.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette omission concerne la dynamique insufflée au processus d’accélération de l’Histoire par nul autre que le MMM sous l’impulsion de Paul Bérenger alors Deputy Prime Minister  du gouvernement MSM-MMM avec Anerood Jugnauth comme Premier ministre à l’issue du scrutin du 11 septembre 2000.

Cette législature ayant été marquée par une première politique et institutionnelle soit un partage annoncé du primeministership au bout de trois ans de mandat au profit du leader du MMM. Jugnauth père démissionnant comme Premier ministre et aussi comme député pour se retirer à la State House, comme président de la République. Cela non sans avoir transmis à son fils Pravind le leadership du MSM. La suite fait partie de notre histoire contemporaine récente.

Dans le sillage des élections de 2000,  le chantier de la préparation du Rodrigues Regional Assembly Bill a démarré au quart de tour. Il est important de rappeler que le dossier avait été confié à Joe Lesjongard, alors ministre des Collectivités locales et de Rodrigues. Une nomination restée au travers de la gorge du leader historique de l’OPR, Serge Clair, qui avait cette fois comme colistier Alex Nancy, un ancien député correctif du Mouvement Rodriguais aux dépens de Benoît Jolicoeur, élu deux fois député en tête de liste sous la bannière de l’OPR , avant d’être nommé Junior Minister, puis ministre de Rodrigues au sein du premier gouvernement de Navin Ramgoolam, de1995 à 2000.

L’express rapporte à la suite de la constitution du gouvernement issu des élections du 11 septembre : « Georges (Joe) Lesjongard ministre des Administration régionales, de Rodrigues et du développement urbain et rural. Il est le premier non- Rodriguais nommé à ce poste depuis 1976. Au lendemain de la composition du cabinet MMM/MSM,  le leader de l'OPR Serge Clair déclare que 'c'est un recul pour Rodrigues' malgré le fait que le gouvernement a annoncé que si Rodrigues n'aura pas un ministre de souche, elle sera néanmoins dotée d'un Island Council élu au suffrage universel.» 

Une disposition figurant effectivement au programme de l’OPR depuis sa première participation à des élections générales en 1976 et bénéficiant de tout temps du soutien politique du MMM. Lors d’une visite officielle à Rodrigues d’Anerood Jugnauth alors Premier ministre, une manifestation «spontanée » de l’aile féminine de l’OPR était prévue à Mont-Lubin réclamant la nomination de Serge Clair comme ministre de Rodrigues. Cela obligea le cortège premierministériel de passer par Saint-Gabriel pour rejoindre Palissade et ainsi contourner Mont-Lubin et rallier tranquillement l’hôtel Pointe Coton où il résidait lors de ses déplacements sur l’île.

Voilà pour la petite histoire à l’image de ces anecdotes, fort révélatrices par ailleurs de l’Histoire. Rappelons également comme cité, toujours dans l’express,  «qu'en mars 1999 la formule Ramgoolam de l'Island Council préconisait que Rodrigues soit divisée en six zones qui devaient élire chacune 4 membres au suffrage universel comme c'est le cas lors des élections municipales à Maurice. D'ailleurs le précédent régime était en présence, depuis plus de huit mois, d'une ébauche du projet de loi. Le 25 juillet 2000 à l'Assemblée nationale, Benoit Jolicoeur avait évoqué les 'fine tunings' qui doivent être apportes au niveau du Parquet et de la Commission électorale. Aussitôt installé, son successeur Joe Lesjongard réactive tout et se donne comme priorité la présentation du projet de loi en première lecture lors de la nouvelle session de l'Assemblée nationale. Il fait également appel aux forces vives et aux élus de Rodrigues pour qu'ils lui accordent leur soutien, un appel mal pris par Serge Clair qui déclare que les deux membres élus de l'OPR ne sont pas des employés de Joe Lesjongard.» 

Déclaration qui donnait le ton des rapports empreints d’amabilité entre le leader de l’OPR et Lesjongard. Ce dernier conservera d’ailleurs le poste de ministre de Rodrigues après la mise en place de l’Assemblée régionale de Rodrigues. Nous connaissons la suite.  Après une défaite aussi résonnante que mélodramatique aux premières élections régionales dans la Région No. 1 – La Ferme avec Bernardin Meunier comme colistier, Serge Clair se fera élire par une élection de remplacement à Grande-Montagne à suite de la démission de Robert Speville.

Remis de ses émotions et une fois Chef commissaire et requinqué,  rapporte toujours l’express,  «une des premières déclarations de Serge Clair est que le ministre de Rodrigues n'a pas le droit de s'ingérer dans les affaires de l'ARR ».

L’on ne saura jamais si cette posture aurait été sienne s’il avait été au préalable nommé au poste de ministre de Rodrigues à la place du bon Joe (Georges)  Lesjongard. Il est d’ailleurs notable que depuis ces dernières années,  ces  vociférations juridictionnelles se soient atténuées face au titulaire du portefeuille de Rodrigues, qui n’est nul autre que le Premier ministre en exercice. Sans doute que ceci explique ce changement de ton et de posture plus qu’éloquent et certainement révélateur d’un glissement inhabituel vers un état d’esprit à mettre de l’eau dans son vin plus accommodant si ce n’est docile…

Pour en revenir à l’Histoire justement,   il est utile de rappeler le rôle déterminant du MMM et de Bérenger dans la mise en route rapide du chantier institutionnel incluant Rodrigues et aussi la réforme des collectivités locales. Pour ce qui concerne l’évolution constitutionnelle à Rodrigues, c’est le leader du MMM qui demanda expressément à feu Robert Ahnee de se charger de faire des propositions menant au texte de loi final.

C’est également Bérenger la force motrice insistant sur la mise en place d’un système électoral comportant une dose de proportionnelle sous forme de l’Island List. Une avancée démocratique certaine qui dans sa forme initiale «reflétait à la virgule près» pour reprendre les mots du rédacteur du texte Robert Ahnee, les pourcentages recueillis par les partis participant à l’élection et permettant ainsi de réduire considérablement l’injuste sous-représentation parlementaire d’un pourcentage conséquent de l’électorat. Bérenger s’assura que feu Antoinette Prudence, première présidente du Rodrigues Local Council, de même que Serge Clair se rendissent à Trinidad et Tobago en visite d’information et d’observation du système de dévolution établie et fonctionnelle dans cet état insulaire des Caraïbes, un modèle qui demeure effectif à ce jour sous ces latitudes.

Objectivement donc, il paraît plus que nécessaire de reconnaître à Paul ce qui est à Bérenger et concéder de manière matérielle et officielle son apport qui ne fut pas des moindres dans l’évolution du statut de Rodrigues au sein de la République – quitte à continuer à faire le dos rond subordonné au chef du gouvernement du jour.  Ce qui mena à la posture qui consista à ne pas inviter Bérenger à l’occasion des 10 ans de l’autonomie  alors qu’il occupait la fonction constitutionnelle de leader de l’opposition. Sans doute pour ne pas offusquer le Prince du jour,  du moins officiellement pour la consommation d’un certain public et sauver les apparences.

Ne préjugeons surtout pas de ce qui pourrait bien relever d’exhortations antinomiques, de lamentations ombrageuses, furtives énoncées dans la pénombre d’alcôves âcres et ténébreuses.