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A Rome, Pompeo fait de nouveau la leçon au pape sur la liberté religieuse en Chine

1 octobre 2020, 08:39

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A Rome, Pompeo fait de nouveau la leçon au pape sur la liberté religieuse en Chine

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a appelé mercredi le pape François à faire preuve de «courage» pour combattre les persécutions religieuses en Chine communiste, une nouvelle injonction en pleine campagne électorale américaine qui hérisse la diplomatie vaticane sur le point de renouveler un important accord avec Pékin.

«J’appelle tous les chefs religieux à trouver le courage d’affronter les persécutions religieuses de leurs propres communautés», a déclaré Mike Pompeo dès son arrivée en Italie, parlant à un colloque organisé par l’ambassadrice américaine auprès du Saint-Siège.

«Les dirigeants chrétiens doivent défendre leurs frères et soeurs», a-t-il insisté, juste après une virulente charge contre Pékin accusé de réprimer ses minorités catholique et musulmane ouïghoure. «Nulle part ailleurs qu’en Chine la liberté de culte n’est aussi attaquée», selon Mike Pompeo, qui a loué avec insistance l’engagement de Jean-Paul II dans les années 1980 contre le bloc soviétique.

Le Vatican avait signé en septembre 2018 un accord «provisoire» historique avec Pékin sur la nomination d’évêques. Il vise à rassembler des catholiques scindés en deux (entre les Eglises officielle et clandestine) et donne le dernier mot au pape pour nommer des évêques chinois. Deux prélats ont été ainsi choisis depuis l’entrée en vigueur de l’accord.

En marge du colloque, le numéro deux du Vatican et grand artisan de l’accord, le cardinal Pietro Parolin, a confirmé que le Saint-Siège allait bientôt le renouveler. «Nous avons décidé d’aller de l’avant, c’est une décision mûrie, prise après tant d’années de cheminement», a-t-il commenté à des journalistes, en rappelant la «politique de petits pas» privilégiée par le Vatican.

Mgr Parolin doit recevoir Mike Pompeo jeudi au Vatican, l’occasion d’aborder en tête à tête ce qui a été perçu comme une brutale ingérence des Etats-Unis dans les affaires de l’Eglise catholique.

Dix jours avant son arrivée, M. Pompeo avait en effet pris très frontalement à partie la diplomatie vaticane en signant un article dans la revue religieuse américaine conservatrice «First Things». Critiquant son accord avec la Chine, il avait exigé du Saint-Siège son «témoignage moral» sur les persécutions religieuses de Pékin.

Ces commentaires ont été «fraîchement accueillis» au Vatican, a lâché mercredi l’archevêque britannique Paul Gallagher, chargé des relations du Vatican avec les autres Etats, sortant aussi de sa réserve en marge du colloque.

Le «ministre des affaires étrangères» du Vatican a jugé contraires «aux règles de la diplomatie» les propos publics de Mike Pompeo en amont de sa visite.

Mardi, le cardinal hondurien Oscar Maradiaga, proche conseiller du pape François, avait estimé encore plus clairement que les Américains «ne doivent pas s’immiscer dans nos relations avec la Chine». «Ils cherchent la réélection de Donald Trump et agissent en suivant seulement cette logique», avait-il assené.

- L’ombre de la présidentielle américaine -

Le chef de la diplomatie américaine, un fervent évangéliste, ne rencontrera pas le pape François. Sa demande avait été refusée dans le contexte des imminentes élections américaines, avant même ses attaques dans une revue américaine opposée régulièrement au pape François, a précisé le cardinal Parolin.

Pour Massimo Faggioli, historien et théologien italien enseignant à l’université Villanova aux Etats-Unis, le dossier chinois importe peu, «il y a actuellement une chasse aux votes des catholiques aux Etats-Unis».

L’Eglise catholique américaine est divisée en deux camps, entre pro-Républicains (majoritairement blancs) et pro-démocrates (beaucoup d’hispaniques). Ce vote est jugé décisif dans toutes les élections présidentielles.

«On assiste à la tentative de transformer un certain sentiment anti-pape François et anti-Vatican en votes pour Trump», avance cet expert à l’AFP.

Le pape argentin est attaqué par une frange ultra conservatrice catholique, tout particulièrement américaine, qui le traite de «communiste». Certains jugent qu’il parle trop d’inégalités sociales, de migrants et d’exclus, au détriment de points de doctrine traditionnels sur la famille ou la morale sexuelle.

Mercredi, Mike Pompeo a rencontré aussi son homologue italien Luigi di Maio, ainsi que le chef du gouvernement Giuseppe Conte, avec la volonté de dissuader les Européens d’acheter la technologie du chinois Huawei pour la 5G, décrite comme servant à des fins d’espionnage.

M. Pompeo a invité Rome «à examiner soigneusement le risque que représente les technologies» des entreprises qui ont des liens avec le Parti communiste chinois.

M. Conte avait cependant dès la semaine dernière promis des mesures plus fortes pour renforcer la sécurité nationale dans le domaine de la 5G.