Publicité

Qui paie pour l’assistance des experts ?

24 août 2020, 16:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Qui paie pour l’assistance des experts ?

N’est pas expert qui veut. On l’aura bien compris avec les récentes déclarations du Premier ministre, Pravind Jugnauth. Justement, une centaine de spécialistes ont été déployés à Maurice après que le MV Wakashio s’est échoué à Pointe-d’Esny. Leur mission… et ils l’ont acceptée : porter secours à Maurice, plonger dans une marée noire d’huile lourde peu de temps après le naufrage. Tous ces bons samaritains sont-ils à pied d’œuvre volontairement ? Quelles sont les modalités de cet apport d’expertise ?

Du côté de la France, on nous affirme qu’il s’agit d’une assistance d’État à État. «Sous ce plan en matière de pollution, l’Hexagone a mobilisé ses moyens de façon généreuse. Les experts appartiennent à la marine nationale. Qu’ils soient en France, à La Réunion ou à Maurice, ces spécialistes, qui sont des fonctionnaires, continuent à percevoir leurs salaires habituels», indique une source. Des 11 experts initialement dépêchés dans l’île, dix sont repartis. Trois autres sont arrivés tout récemment.

Pour sa part, Pierre Fallavier, Senior Development Coordination Adviser à la United Nations Resident Coordinator’s Office pour Maurice et les Seychelles, affirme que sept experts des Nations unies ont fait le déplacement à Maurice. Qui finance leur mission? Cette tâche incombe aux Nations unies, déclare-t-il. Quels frais sont compris au juste ? «Le temps pris et le transport de ces spécialistes vers le pays», répond-il.

Quant à l’Organisation maritime internationale (OMI), qui nous a envoyé un spécialiste britannique, une préposée nous indique que le financement de l’assistance dépend de l’expert en question. «Généralement, ceux des Nations unies, incluant celui de l’OMI, sont financés par leur organisation respective. En revanche, ceux attachés à des compagnies spécialisées en oil spill response peuvent être engagés par les représentants des propriétaires de bateaux ou l’assureur», soutient notre interlocutrice.

Les frais augmentent-ils face à l’urgence de l’intervention ? D’après l’OMI, le National Contingency Planning précise normalement comment les ressources sont déployées. À Maurice, le National Oil Spill Contingency Plan, qui existe depuis 2003, sera remis à jour tel qu’énoncé par Kavy Ramano, ministre de l’Environnement, au Parlement, au début d’août. En ce qui concerne les autres coûts relatifs aux interventions liées à la marée noire engendrée par le MV Wakashio, «ils peuvent être couverts par l’assureur, agissant de la part du propriétaire, en conformité avec la compensation et les liability regimes», poursuit notre source de l’OMI.

Dans la même veine, Richard Johnson, Technical Director de l’International Tanker Owners Pollution Federation (ITOPF), soutient que l’organisation a dépêché deux experts du Royaume-Uni. Contrairement aux autres organisations, les dépenses dans leur cas sont assurées par l’industrie maritime internationale. Ainsi, affirme-t-il, les revenus de l’ITOPF, organisation à but non-lucratif, proviennent essentiellement des cotisations d’adhésion des armateurs, versées en leur nom par des assureurs Protection et Indemnité (P&I). Depuis 1968, les techniciens de l’organisme sont intervenus dans plus de 800 accidents de navigation. «Nous apportons des conseils techniques pour limiter les dommages en matière de pollution. Parallèlement, nous avons été créés pour répondre sur une base 24/7. Aussi, il n’y a pas de coûts additionnels pour des interventions d’urgence», confie Richard Johnson. Il n’y a pas non plus de frais professionnels à payer puisque ceux-ci sont couverts à travers le mécanisme de financement susmentionné, soutient-il.

Qu’en est-il des frais de séjour sur place ? Dans le cas des experts français, ces dépenses sont à la charge de l’État mauricien, confirme une source. «Les frais d’hébergement, de nourriture et de transport sont pris en charge par le gouvernement mauricien comme c’est le pays qui les accueille», affirme-t-elle.

À ce sujet, Pierre Fallavier indique que les Nations unies peuvent soutenir ces frais mais qu’il se peut que ceux-ci soient entrepris par le gouvernement. «Des repas pré-emballés sont fournis par l’État durant la journée. Certaines dispositions pour le transport entre l’hôtel où séjournent les experts et la Blue Bay Fisheries Office sont aussi à la charge de l’État. D’autres arrangements pour le déplacement sont effectués par les Nations unies pour ses experts ainsi que ceux d’origine japonaise pour soutenir le gouvernement», explique-t-il.

Au sein de l’OMI, on nous affirme que ces frais sont générale- ment couverts par l’institut ayant déployé les experts en question dans l’île. Quant à Richard Johnson, il ajoute que les dépenses sur le terrain incombent aussi à l’établissement qui est à l’origine du déploiement des spécialistes. «Dans ce cas, ceci implique l’assureur de l’armateur. Il n’y a pas de coût additionnel au gouvernement de Maurice ni sur les citoyens et contribuables», déclare-t-il. Nous avons essayé d’en savoir plus auprès des établissements hôteliers mais en vain. Idem du côté de l’État où nos appels au conseiller Zouberr Joomaye sont demeurés sans réponse.

Néanmoins, une source proche du dossier indique tous ces frais peuvent être rajoutés à la compensation demandée par l’État mauricien. Notre interlocuteur évoque notamment des coûts fixes comme le recours aux hélicoptères, entre autres dépenses officielles. D’ailleurs, dans cette optique, une plateforme a été mise en place par l’État pour les individus. Mais il ne faut pas oublier les frais des autorités comme les conseils de district, le Blue Bay Marine Park, la Tourism Authority, les musées de Mahébourg et de Vieux-Grand-Port. Autant de considérations dans le calcul des dommages et réclamations. Du côté de la Nagashiki Shipping, le porte-parole déclare que l’entreprise est pleinement consciente des responsabilités des parties concernées et qu’elle répondra de bonne foi à tout dommage selon les lois applicables.

On se souvient que pour le naufrage du MV Benita en juin 2016, une compensation de Rs 110 millions avait initialement été évoquée par l’État mauricien. À une question parlementaire le 11 août 2020 du député Osman Mahomed sur le montant final de la réclamation, le ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo, a affirmé qu’il était de Rs 34 millions. Concernant le Wakashio, la plupart des organismes nous ont indiqué que l’estimation de leurs frais n’était pas encore effectuée.