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Médicaments: la menace d’une pénurie plane

28 avril 2020, 22:09

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Médicaments: la menace d’une pénurie plane

Fabriqués surtout en Inde, en Chine et en Europe, ces médicaments pourraient manquer sur le marché local. D’abord, car des Mauriciens ont eu recours au «panic buying» depuis que les premiers cas de Covid-19 ont été recensés dans le pays, mais aussi, car l’importation ne peut plus se faire normalement…

La semaine dernière, dans un centre de santé situé dans un village dans le nord, une employée du ministère de la Santé montre désespérément les différentes boîtes vides sur sa table à un homme qui lui a présenté une carte rose, la prescription d’un médecin opérant à l’hôpital, afin de récupérer du Metformin, un médicament réservé aux diabétiques. «Il me manque tous ces médicaments. Essayez d’aller au Mediclinic de Triolet», répond-t-elle. La veille, la même personne est allée à une pharmacie de la région pour acheter du Janumet 1000, également utilisé dans le traitement du diabète, mais le pharmacien lui a fait comprendre qu’il n’y en avait pas. Finalement, c’est au «dispensaire» de Triolet qu’il a pu en trouver.

Un peu plus près de la capitale, à Terre-Rouge, des difficultés se font aussi ressentir pour obtenir certains produits. Prakash Dewuth, employé à la pharmacie Florida, constate que le manque pour des médicaments commence déjà à se profiler. «Des comprimés aidant à contrôler le cholestérol sont en rupture de stock chez nous. D’autres médicaments contenant les mêmes composants ne peuvent être donnés aux clients sans l’avis de leurs médecins. Nous ne pouvons que les rassurer qu’ils auront bientôt leurs comprimés même si nous ne savons pas quand», dit-il. Parmi d’autres médicaments dont le nombre a drastiquement diminué sur le marché : ceux à base de chloroquine, et l’hydroxychloroquine qui sont utilisés actuellement pour traiter les patients atteints du Covid-19. «Ces produits servent aussi à aider ceux souffrant de rhumatisme et de lupus. Certains patients en dépendent depuis bientôt deux ou trois ans, et ils se font face à un manque», poursuit Prakash Dewuth.

Du côté des fournisseurs, même si on ne veut pas évoquer de pénurie pour le moment, on avance que la menace existe. Sadeck Vawda, le directeur général de la firme Unicorn, un des principaux importateurs de médicaments à Maurice, avance disposer d’un stock qui peut tenir plusieurs mois, soit un «buffer stock». Mais il ajoute qu’on pourrait se diriger vers une insuffisance en médicaments si des conditions ne changement pas d’ici deux ou trois mois.

En Inde par exemple, le gouvernement a interdit l’exportation de plusieurs produits médicamenteux, d’où la possibilité que ceux-ci ne soient pas présents sur le marché local pendant un moment. En Afrique-du-Sud, la situation est tout autre car les fournisseurs n’ont plus l’autorisation d’exporter des médicaments sans l’aval du gouvernement. En outre, les procédures pour obtenir cette autorisation prennent du temps. L’autre obstacle majeur : les liaisons aériennes sont suspendues.

 En revanche, pour les médicaments en provenance de la Grande-Bretagne et de la France, les difficultés sont moindres car ils sont acheminés par bateau. Un autre souci se dessine toutefois pour des médicaments particuliers. «Certains nécessitent d’être stockés au froid comme garder la chaîne de froid et doivent ainsi être transportés en avion. Dans le cas de ces produits, nous avons un problème car les vols réguliers ont été interdits en ce moment», souligne Sadeck Vawda.

 Quid des effets du «panic buying» ? Ce phénomène a définitivement débalancé le marché. Selon le directeur général de la firme Unicorn, juste après l’annonce des premiers cas confirmés de Covid-19 à Maurice, l’achat des médicaments «saisonniers» tels que le paracétamol ou encore des compléments de santé à base de vitamine C ont été achetés en grande quantité. Ensuite, des personnes souffrant de pathologies chroniques comme l’hypertension, le diabète, l’asthme ou encore de maladies cardiovasculaires ont choisi de constituer des «stocks» pouvant durer de trois à quatre mois. «Nous avons aussi constaté que plusieurs habitués des hôpitaux ne s’y sont pas rendus, de peur d’être contaminés. Ils ont choisi de s’approvisionner en pharmacies», ajoute Sadeck Vawda.

Au niveau du ministère de la Santé, l’on se veut rassurant. «Il n’existe aucune pénurie de médicaments dans les hôpitaux. Nos réserves couvrent une période de six à huit mois, dépendant de la durée de vie de certains médicaments. À ce stock, il faut en ajouter d’autres fraichement arrivés de l’étranger», déclare une source. Pour ce qui est de la chloroquine, le ministère affirme disposer d’un stock suffisant.

Le président de l’Association des cliniques privées, le Dr Dawood Oaris, indique que les cliniques comptent elles-aussi une quantité suffisante de produits médicamenteux pour les mois à venir. «Nous avons fait des réserves avant le confinement», explique-t-il. D’ajouter que très peu de malades se sont rendus en cliniques pendant le confinement. «Du coup, notre stock n’a pas diminué.»