Publicité

Son hôtel devient un centre de quarantaine: Asso Kuttur ou la résilience

21 mars 2020, 21:02

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Son hôtel devient un centre de quarantaine: Asso Kuttur ou la résilience

Asso Villa, situé à Belle-Mare, a été le premier hôtel à être transformé en centre de quarantaine, mercredi. Vu la situation critique, tous les clients, essentiellement Italiens et Mauriciens, avaient déserté cet hôtel familial de 30 chambres. Si la situation n’avait pas changé, Asso Villa aurait fermé ses portes.

Il y a 10 ans, alors qu’Asso Khuttur construisait Asso Villa, il n’aurait jamais imaginé que celui-ci deviendrait un centre de quarantaine. Pourtant, ce n’est pas le premier moment difficile que cet homme, âgé de 49 ans, aura connu dans sa vie.

Habitant de Quatre-Cocos, village de son enfance qu’il n’a jamais délaissé, Asso Khuttur a quitté l’école à l’âge de 12 ans. «Je n’étais pas porté pour les études», avoue-t-il, en toute sincérité. Faisant partie d’une fratrie de six enfants, il était impératif qu’il se mette à travailler. Il a donc suivi ses parents dans les champs de cannes. Un dur travail pour un enfant de 12 ans.

«Pendant une année, j’ai travaillé dans des plantations d’oranges et de citrons.»

Quelques années plus tard, alors que l’industrie touristique commence à se développer, Asso Khuttur a l’idée de chercher de l’emploi auprès des hôtels de la région. C’est ainsi qu'en tant que cleaner, Asso Khuttur fait ses timides premiers pas dans l’hôtellerie, à 19 ans.

D’un naturel plaisant et toujours prêt à aider, le jeune homme se fait vite des amis et bientôt il reçoit une proposition pour se rendre en Italie. Opportunité qu’il ne manque pas de saisir. Une fois là-bas, il se retrouve dans des métiers de la terre. «Pendant une année, j’ai travaillé dans des plantations d’oranges et de citrons», raconte-t-il.

Peu après, il trouve de l’emploi dans un restaurant. Il s’occupe de la plonge et devient également aide-cuisinier. C’est là qu’Asso Khuttur va apprendre l’italien et les secrets culinaires. C’est là aussi qu’on lui donne le surnom Asso. «Ashok est devenu Asso pour les Italiens», explique-t-il en souriant. Il fait venir sa fiancée en Italie, l’épouse et ils ont leur premier enfant, un fils. Après six ans passés en Italie, Asso Khuttur et sa petite famille décide en 1996 de revenir au pays. «Mo pann amenn larzan mé lexperians.» Tout est à refaire pour ce dernier. Afin de subvenir aux besoins de sa famille, Asso Khuttur va cumuler les petits boulots. Il se retrouvera ainsi vendeur ambulant sur la plage, chauffeur de taxi et guide touristique.

«Puis mes amis en Italie ont commencé à venir en vacances à Maurice. Ils se tournaient vers moi pour leur chercher des lieux de résidence. De bouche à oreille, ce travail est devenu plus conséquent», raconte-il. Il se met ainsi à louer des campements à des Italiens. «À un moment je louais deux emplacements de 10 chambres chacun», explique-t-il. En 2006, il devient le gérant d’un hôtel de 60 chambres. Toutefois les affaires ne sont pas bonnes et, bientôt, Asso Khuttur abandonne l’hôtel pour recommencer à louer ses emplacements de 10 chambres.

Une année plus tard, en 2008, il fait la demande auprès du gouvernement pour un terrain à bail et commence la construction d’Asso Villa. C’est en 2011 que l’hôtel familial voit enfin le jour. Mais, Asso Khuttur n’est pas au bout de ses peines. Ce n’est que trois ans plus tard qu’il aura le droit d’opérer. En attendant, il est placé deux fois en liquidation par deux différentes banques. «Cela a été un moment très difficile pour la famille. Heureusement que je pouvais encore vendre des excursions hors de l’hôtel aux touristes. C’est ce qui nous a permis de survivre», raconte Asso Khuttur. Ce qui lui a permis de garder la tête hors de l’eau, c’est également sa spiritualité et sa persévérance à toute épreuve.

Une fois remis de ses soucis financiers, l’hôtelier décide de donner un coup de neuf à sa villa. «J’ai pris un prêt l’année dernière pour la rénovation de l’hôtel.» Mais c’était sans compter sur le coronavirus. Une fois de plus, ce père de deux enfants n’a pas baissé les bras face à l’adversité. S’il ne sait pas ce que l’avenir lui réserve, Asso Khuttur compte bien continuer à se battre.