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Les Ratgirls, motardes vénézuéliennes qui roulent contre le machisme

6 mars 2020, 15:36

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Les Ratgirls, motardes vénézuéliennes qui roulent contre le machisme

Quand elle sillonne seule Caracas sur son puissant deux-roues, Ana s’habille en homme pour éviter les agressions mais aussi les remarques machistes. Avec les Ratgirls, son groupe de motardes, elle se bat pour se faire accepter dans ce milieu d’hommes.

«Nous sommes constamment confrontées au machisme», explique à l’AFP Ana Julia Mosquera, qui porte cette fois, lors d’une sortie groupée, son gilet en cuir noir aux insigne du club, un jean et une chemise moulante à carreaux.

«Elle est trop puissante pour toi!» ou «Tu vas pas y arriver» (à piloter la moto), sont des remarques qu’elle entend régulièrement sur le bitume.

«Parfois, je préfère conduire en ressemblant à un homme, par sécurité», poursuit-elle, dans un des pays les plus violents au monde.

Le gouvernement du président socialiste Nicolas Maduro affirme que le taux d’homicides y a fortement chuté l’année dernière pour passer à 21 pour 100.000 habitants, après 33 pour 100.000 en 2018.

 

Mais l’ONG Observatoire vénézuélien de la violence contredit ces statistiques et affirme que le Venezuela a enregistré l’année dernière 16.506 morts violentes pour un taux d’homicides de 60,3 pour 100.000 habitants. Le taux moyen d’homicides dans le monde était de 6,1 pour 100.000 habitants en 2017, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Ana, qui a déjà été victime de trois tentatives de vol, doit ranger la batterie de sa moto sous clé.

Pour combattre le machisme et rendre leur présence banale sur les routes vénézuéliennes, les Ratgirls organisent aussi souvent que possible des sorties en groupe hors de la capitale, grâce au prix dérisoire de l’essence dans ce pays pétrolier.

Motardes mal acceptées

C’est un avantage «d’avoir une essence pratiquement gratuite», fait valoir Ana Julia, productrice audiovisuelle de 32 ans, à la tête de ce club de 23 membre fondé en 2014, qui conduit une Suzuki GS 500.

«Simplement, ce que nous faisons, c’est conduire des motos en tant que femmes (pour qu’il n’y ait plus) de distinction de sexe ou de race. Jusqu’à ce que nous arrivions à un point où l’être humain aura évolué et où nous serons tous égaux», explique-t-elle.

José Gonzalez, vice-président du Ratas MC, le pendant masculin des Ratgirls, admet volontiers la «culture machiste» qui règne au Venezuela et a du mal à accepter les femmes «bikers».

«Même si on va surement me critiquer (...), les Ratgirls font un meilleur travail, roulent davantage et font beaucoup plus d’activités que bien des motorclubs (masculins)», souligne ce photographe professionnel de 47 ans, corpulent et posé.

Maryelitza Sanchez, 48 ans et divorcée, se sent «puissante» depuis qu’elle a appris à conduire son scooter de 150 centimètres cube à cause des problèmes des transports à Caracas.

«Tous les jours, il m’arrivait quelque chose dans le métro. Il y avait un problème, j’arrivais en retard ou je n’arrivais pas», confie cette mère de deux enfants de 11 et 14 ans.

Derrière le guidon, «c’est une sensation unique de liberté, de contrôle, de puissance», ajoute Maryelitza.