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Somduth Dulthumun: «Pravind Jugnauth est un peu le Modi mauricien»

1 mars 2020, 22:30

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Somduth Dulthumun: «Pravind Jugnauth est un peu le Modi mauricien»

En s’octroyant de longues minutes d’antenne à la MBC à 48 heures des élections de 2019 pour commenter l’affaire Katori, il est, selon certains, une des raisons de la victoire de Pravind Jugnauth. Il scande aussi «Hindutva» - terme litigieux et à connotation fasciste – partout. Somduth Dulthumun est-il un extrémiste qui arrive à toujours se faufiler jusqu’aux portes du pouvoir ? La rédaction de «l’express» a toujours une opinion très peu favorable de Dulthumun, qui avait brûlé une copie de l’édition du 9 septembre 2010 du journal, mais il fallait bien, en 2020, mesurer sa dangerosité ou bien démystifier le personnage et le ramener à sa juste valeur.

Sans détours, allons droit au but. Vous pensez avoir joué un rôle important dans la victoire de l’Alliance Morisien aux dernières élections ?
Je ne sais pas. Certains pensent que c’est le cas. Mais… (Il nous regarde dans les yeux et ne finit pas sa phrase.)

Mais sur votre page Facebook vous publiez fièrement une vidéo de votre accolade avec Pravind Jugnauth après la proclamation des résultats au numéro 8.
Oui j’en suis fier. L’enjeu était grand. Quand nous avons remporté ces élections, oui, j’ai sans doute exprimé ma joie.

Vous vous êtes dit quoi à ce moment-là ? Pravind Jugnauth vous a dit merci pour votre contribution ?
Merci pourquoi ? Je n’ai rien fait, moi. Mais je ne me souviens pas de ce qu’il m’a dit.

Si ! Vous avez en fait des choses. Dans les dernières heures avant les élections, vous commentez durant de longues minutes dans le JT de la MBC la fameuse phrase «katori» de Navin Ramgoolam. C’était ingénieux non ?
J’ai été président de la Mauritius Sanhattan Dharma Temples Federation. Aujourd’hui je préside le «Hindutva Movement». Quand quelqu’un déforme ce qui est écrit dans les livres sacrés, il est de mon devoir de mettre les points sur les i. Je suis venu dire que ce n’est pas vrai et que les hindous ne se livrent pas à de telles pratiques. Et il dit surtout «hindou lakanpagn». Ce faisant il divise les hindous.

Mais ce qu’il a dit c’est que «les hindous de la campagne sauront de quoi je parle.» Il y a une nuance.
Il faut que je réécoute cet enregistrement. Moi, quand je l’ai écouté, personne ne m’a pas parlé de cette nuance et voilà pourquoi je ne l’ai pas vu sous cet angle. Mais pour moi, il était clair qu’il disait que c’est une pratique à laquelle s’adonnent les «hindou lakanpagn».

Mais vous savez qu’il di sait cela pour SAJ non ?
Quand j’ai vu la vidéo, non je ne savais pas. Je ne savais pas que ce n’était qu’un extrait censuré.

Et maintenant que vous le savez, vous regrettez votre prise de position ?
Non, mon opinion ne change pas car même s’il l’a dit à l’encontre de SAJ, je ne trouve pas cela correcte. On ne formule pas de telles critiques contre un être humain.

Mais comment vous faites pour obtenir un temps d’antenne aussi conséquent à la MBC dans le dernier tour nant de la campagne ?
J’avais convoqué la MBC dans ce même bureau pour parler des élections.

Vous avez le pouvoir de convoquer la MBC ? Ce n’est pas donné à tout le monde.
J’ai envoyé une convocation le matin ou la veille tout simplement.

Ce faisant, vous avez clairement fait le jeu de l’Alliance Morisien.
En tant qu’un individu, en tant qu’électeur, j’ai une opinion, non ? Je ne sais pas à quel point cela influencera les électeurs. J’avais choisi l’Alliance Morisien selon mes propres convictions.

Quand vous dites ce que vous avez dit à la MBC à 48 heures des élections, vous essayez de décrédibiliser Navin Ramgoolam…
Il a une crédibilité, lui ?

Là n’est pas la question. Vous êtes un ancien membre de l’IBA – grâce à Navin Ramgoolam en passant – et vous connaissez les règles du jeu. Que la MBC vous accorde du temps d’antenne à la veille des élections pour dire ce que vous avez dit, ce n’est pas impartial, ça.
Attention. La MBC avait bien le droit de diffuser mes propos. Nous étions à 48 heures des élections. Pas à 24 heures. Ce n’est qu’à partir de là que les discours politiques doivent être tus.

Navin Ramgoolam n’a pas eu un droit de réponse.
Ça, je ne sais pas. Ce n’est pas de ma faute. Moi j’ai parlé 48 heures avant les élections. S’il avait eu un droit de réponse ç’aurait été le lendemain. Mais nous serions alors à 24 heures des élections. La MBC ne pou vait plus le solliciter.

C’est tellement mesquin, malin et bien orchestré qu’on se demande si ce n’est pas l’équipe de campagne de Pravind Jugnauth qui a monté le coup avec vous et la MBC.
Non. Je suis un homme de conviction. Si j’ai une conviction personnelle et que la terre entière estime que j’ai tort, j’irai au bout de mes convictions.

Mais tous les éléments sont réunis pour démontrer une connivence. Non ce n’est pas une conni vence.
J’ai convoqué la MBC…

(On l’interrompt.) L’équipe de campagne de Pravind Jugnauth ne vous a pas demandé de tenir une conférence de presse sur ce sujet-là ?
Non non non…

Je ne digère toujours pas. Comment vous faites pour avoir la MBC, sans intervention en haut lieu, à 48 heures des élections, alors que sa rédaction est sans doute débordée…
Écoutez, je la MBC et les radios privées couvrent mes conférences de presse parce que je suis élégant, et je ne diffame personne. L’express ne me donne pas de couverture. On est dans un pays libre.

Élégant et ingrat…
Comment ça ingrat ?

Ingrat vis-à-vis de Na vin Ramgoolam qui a fait de vous ce que vous êtes au jourd’hui. Arvin Boolell dans ces mêmes colonnes dit re gretter que le PTr a créé Somduth Dulthumun.
Ils disent ça ? Somduth Dulthumun n’a pas été créé par le PTr.

Somduth Dulthumun a bénéficié du PTr…
Non. J’ai plus contribué au PTr que le PTr ne m’a aidé. Que Navin Ramgoolam réévalue nos relations. J’ai aidé le PTr aux élections de 2003, 2005, et 2010.

Cela ne fait justement pas de vous le parfait «karapat» ou «vander» ? Vous faites campagne contre les Jugnauth en 2003 et 2005. Puis vous faites campagne pour le duo Ramgoolam-Jugnauth en 2010. Depuis 2014 vous faites campagne pour les Jugnauth.
Mon nombril n’est attaché à personne. Quand j’estime qu’un parti politique ne dessert plus mes convictions, je change.

Vous ne pensez pas qu’en étant toujours proche du pouvoir vous ne faites qu’irriter la population qui en a marre de voir un homme religieux se mêler aux affaires du pays ?
Je ne suis pas un homme religieux. J’occupais des fonctions administratives à la Sanhattan Dharma Temples Federation.

Sans être un homme religieux vous allez rétablir le contenu des textes sacrés à la MBC sous prétexte que Navin Ramgoolam les a mal cités ?
Je ne suis pas un homme religieux, mais je connais ma religion.

On vous décrit comme quelqu’un qui aide les politiques à diviser pour mieux régner. Vous êtes d’accord ?
Diviser pour mieux régner non. Ce n’est pas ce que je fais.

Mais quand vous sollicitez une fibre particulière à la MBC pour qu’un électorat précis sanctionne Ramgoolam pour ses propos. C’est la définition de «divide and rule», non ?
Écoutez, c’est une banalité. J’ai commenté cette phrase comme ça. Je n’ai pas explicitement dit de ne pas voter Ramgoolam. Je ne savais pas que cela allait être autant repris par la MBC et que plusieurs mois après, certains considèrent toujours cela comme un tournant des élections. Je ne suis qu’un individu comme les autres.

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de jouer la carte de la supériorité d’une religion pour pour subvenir à des besoins politiques ?
Je suis mal compris. En religion, il n’y a ni supériorité ni infériorité. Il n’y a que la paix. Je ne suis contre aucune religion. Je suis un grand défenseur de l’harmonie de ce pays.

Mais vous êtes à la tête d’un mouvement appelé Hindutva. C’est une philosophie invoquée en Inde ces jours-ci par les suprématistes hindous pour commettre les violences intercommunautaires. Vous jouez avec la précieuse paix sociale de ce pays, Somduth Dulthumun…
Ces violences ne sont pas revendiquées par Hindutva. Il y a d’autres raisons qui expliquent ces violences. Pas le Hindutva. Vous vous trompez.

C’est ce que je vois sur les chaînes de télé et les sites d’information. Allez sur Google et cherchez «Hindutva» et «New Delhi». Tous les experts de l’Inde disent que c’est le populisme et ce nationalisme de Modi nourris par la philosophie Hindutva qui sont la source de ces violences.
Non. Hindutva est une philosophie noble et non-violente axée sur le contrôle de soi. C’est le respect de l’homme, des plantes et des animaux. S’il y a une quelconque revendication Hindutva dans ces violences, le mouvement à Maurice s’en dissocie. C’est un Hindutva qui n’a rien à voir avec notre mouvement à Maurice.

Votre Hindutva ne revendique pas une quelconque suprématie ?
Non. Je vous rassure là-dessus. Hindutva veut simplement dire suivre les principes de l’hindouisme.

Vous condamnez les actes de violence commis contre les musulmans à New Delhi ?
Je condamne toute forme de violence, dont celle-ci. Cela dit, ma lecture c’est que la politique de Modi n’est pas responsable de ces violences. Le Premier ministre indien à mes yeux s’intéresse fortement à ceux qui sont au bas de l’échelle. Il est en train de développer l’Inde comme jamais auparavant.

Pravind Jugnauth en est un digne élève ?
Oui. Peut-être. Certains disent qu’il est le Modi mauricien. C’est sans doute pour le niveau de développement qu’il apporte au pays. Sur ce point-là, oui.

Pas pour son populisme et sa proximité avec le personnage Dulthumun ?
Non. Pas pour ça. Mais quand vous dites proximité, il faut faire attention. Je ne l’ai rencontré que lors de quelques événements officiels depuis sa réélection. N’allez pas croire que je vais le rencontrer au PMO.

Nous expliquerons aux lecteurs pourquoi, aujourd’hui, on vous donne la parole. Mais pourquoi vous acceptez de parler dans un journal que vous avez brûlé…
J’achète mon l’express tous les jours (et il sort l’édition du jour de son sac). J’ai brûlé une copie d’un journal qui contenait un article que j’estime offensant. Je n’ai pas mis le feu aux locaux de La Sentinelle. Je n’ai pas littéralement brûlé l’express.

Heureusement ! Tout en maintenant ce que nous avions écrit à l’époque, je vous donnerai une boîte d’allumettes avant de partir. Vous brûlerez l’édition qui contiendra votre interview sur deux pages…
(Il est gêné et d’une voix à peine audible.) Non non. Je suis un gentleman.