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Jonathan Chimier: «Inculquer la passion est une chose, construire une carrière en est une autre»

27 février 2020, 11:15

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Jonathan Chimier: «Inculquer la passion est une chose, construire une carrière en est une autre»

Comme un météore qui illumine la nuit et puis disparaît, Jonathan Chimier a propulsé le saut en longueur mauricien en finale des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004. Il y prendra la dixième place avec un bond de 8m03 après avoir réussi l’exploit durant les qualifications d’atteindre 8m28, record national jamais égalé à ce jour. Une année après, il tournait une nouvelle page de sa vie en s’installant à Paris. Un choix mûrement réfléchi qui découle, pour utiliser ses mots à lui, des « saisons de la vie ».

Vous avez disparu de la scène nationale de l’athlétisme il y a une dizaine d’années. Y a-t-il une raison particulière à cela ?
Disparu ? Pas vraiment. Je dirai qu’une saison était terminée. Il y a un temps pour tout. La vie de l’Homme sur Terre passe par des saisons. Une autre saison de ma vie avait débuté. Celle de fonder une famille.

Le hasard a voulu que nous échangions à nouveau quelques mots au mois d’octobre. C’est en qualité de coach d’athlétisme à Paris que vous vous exprimiez alors. Pourriez-vous nous raconter les épisodes que nous avons manqués ?
C’était le temps pour nous d’échanger. En effet, juste après ma carrière, j’ai poursuivi mes études afin de valider mes diplômes dans le domaine du sport. J’ai effectué une carrière de haut niveau pendant plus d’une dizaine d’années avec fierté sous les couleurs de l’île Maurice. Je devais un moment réfléchir à mon après-carrière. Il était difficile pour moi de poursuivre le haut niveau avec dix à douze séances d’entraînement par semaine puis de fonder une famille avec d’autres responsabilités. Juste après que ma saison de sport de haut niveau s’est terminée, j’ai enchaîné avec les études. Il m’a fallu deux ans pour obtenir un diplôme dans le perfectionnement du sport en parallèle avec ma vie de famille. Je suis heureux d’avoir eu l’opportunité de pouvoir compter sur des personnes formidables pour m’encourager et me propulser.

Pourquoi avoir choisi de partir, de changer de vie ?
Ma vie avait changé avant même que ma carrière ne débute. C’est la suite d’un projet préparé d’avance. La saison qui se terminait était surtout liée à celle d’après. C’est-à-dire fonder une famille et débuter une autre carrière professionnelle.

En quelle année avez-vous pris votre retraite sportive ?
La retraite sportive ne se prend pas réellement. La saison des activités physiques de haut niveau s’est terminée. Néanmoins une autre a pris le relais. Une vie sportive en famille.

Comment avaient été vos débuts en athlétisme à Port-Louis ?
J’ai débuté la pratique de l’athlétisme à Port-Louis, précisément au Champ de Mars, à l’âge de 12 ans. Nous avions à l’époque deux séances par semaine pour la catégorie benjamine. Je n’avais aucune notion des règles de l’athlétisme. Je devais apprendre et comprendre les règles de la discipline.

Vous étiez sprinter et sauteur. Quand est-ce que vous choisissez de vous orienter plutôt vers le saut en longueur ? Et pour quelles raisons ?
J’ai débuté mon apprentissage par les trois familles d’épreuves de l’athlétisme : les courses, les sauts et les lancers. Puis nous avons passé avec mon entraîneur de l’époque, Hervé Seerunghen, à une orientation en fonction de mes capacités et qualités de base. Les capacités d’un sauteur, notamment au saut en longueur, ont été visibles lors de ma première compétition à l’île de La Réunion en 1997. Mes performances en saut étaient plus visibles que celles en sprint.

Quand prenez-vous vraiment conscience de votre potentiel ?
Je dirai que les personnes qui m’ont entraîné à mes débuts au Champ de Mars avaient déjà vu mon potentiel d’athlète. Grâce à leurs encouragements et aux conseils de ces entraîneurs, ma carrière avait pris le chemin vers le haut niveau.

Quelles sont les performances qui marquent cette progression ? Que valiez-vous à vos débuts ? Que valez-vous quand vous sortez du lot au début des années 2000 ?
Les performances réalisées en cadets marquaient un tournant au niveau mondial. Le record cadet, réalisé en 1999 (Ndlr : 7m53), me permettait déjà d’être sur la liste des dix meilleures performances au monde chez les moins de 18 ans et de participer aux championnats du monde cadets à Bydgoszcz en Pologne. Puis en 2000, mes performances au 100 m m’ont permis d’avoir ma place au sein de l’équipe de relais 4x100m aux Jeux Olympiques de Sydney.

Aux Jeux de la 28e Olympiade à Athènes en 2004, vous terminez dixième de la finale avec un bond de 8m03. Est-ce votre meilleur souvenir du haut niveau ? Ou est-ce votre record national de 8m28 réalisé quelques jours plus tôt durant les qualifications ?
Effectivement, c’est un peu le rêve de tout sportif de participer aux Jeux Olympiques et d’être finaliste, c’est encore mieux. Je dirai, Athènes est l’un de mes meilleurs souvenirs du haut niveau. La performance réalisée (Ndlr : 8m28) lors des qualifications est le record national à ce jour.

Vous êtes aussi champion d’Afrique en 2004 à Brazzaville grâce à un saut de 8m06. En 2008, vous terminez deuxième à ce niveau avec 7m99. C’est alors que vous décidez de tirer votre révérence ?
Tout à fait, en 2004 j’étais premier aux championnats d’Afrique puis deuxième en 2008. D’ailleurs, je me suis marié quelques semaines avant les championnats d’Afrique en 2008. Une nouvelle saison avait débuté pour moi et l’une de mes dernières compétitions.

A Maurice, il n’y avait plus rien pour l’ancien athlète que vous étiez devenu ?
Je ne dirai pas cela de cette manière. Car avec peu au début de ma carrière, j’ai pu atteindre et réaliser des choses que je n’aurais jamais imaginées. Je crois qu’il faudrait repenser l’accompagnement des athlètes dans leur carrière. Nous avons des athlètes talentueux à l’île Maurice. Cependant, le talent ne suffit pas. Les athlètes, la famille, les dirigeants et les différents acteurs doivent réfléchir ensemble pour une meilleure stratégie pour l’avenir du sport en général.
 
Il n’y a pas d’après-carrière possible ici ? Pas de reconversion envisageable ?
Tout est possible. Les questions seront comment construire ? Avec qui ? Avec quoi ? Quand ? Où ? La reconversion dépendra de plein de paramètres et d’éléments. Aujourd’hui, les moyens dont dispose l’île Maurice s’améliorent. Le changement prend du temps.

Comment s’est faite votre installation à Paris ? Comment avez-vous tracé votre sillon dans votre pays d’accueil ?
Mon départ vers Paris s’est effectué en octobre 2005. Mes débuts en métropole n’étaient pas faciles. L’adaptation, avec le froid, n’arrangeait pas forcement les choses. J’ai été cependant accueilli chaleureusement par des personnes formidables qui ont contribué à construire mon avenir.

 «Les athlètes, la famille, les dirigeants et les différents acteurs doivent réfléchir ensemble pour une meilleure stratégie pour l’avenir du sport en général.»

Où êtes-vous en poste aujourd’hui ? Que faites-vous précisément ?
Après avoir débuté ma carrière professionnelle dans l’animation et le sport, je suis aujourd’hui responsable du service enfance en mairie.

Et ce projet sur lequel vous travaillez ?
Depuis mon arrivée à Paris, la réflexion autour de ce projet était déjà vivante. Mais ce n’était pas encore le moment. Il a fallu que je gagne en maturité pour que cela se concrétise. Aujourd’hui, avec l’expérience et avec l’aide de ma famille et surtout avec l’aide de Dieu, le projet peut se mettre en place.

En quelques mots, de quoi s’agit-il au juste ?
Je travaille sur un projet d’écriture, sur ma biographie. D’où je viens, ce j’ai réalisé et ce que je suis devenu.  Il m’a fallu beaucoup de temps de réflexion en amont avant d’écrire mon histoire. 

Avez-vous gardé contact avec votre île natale, avec l’athlétisme mauricien ?
Bien sûr. Je suis fier d’être Mauricien et Français aujourd’hui. Je suis les actualités, je suis l’athlétisme, notamment les performances réalisées aux derniers Jeux des Iles.

Suivez-vous toujours la progression du sport mauricien via le net ?
Je suis occasionnellement la progression du sport à Maurice. Je suis fier de voir ce que font mes compatriotes à l’échelle locale et internationale.

Y a-t-il des performances qui vous ont marqué récemment ?
J’ai vu la progression de Jonathan Bardottier qui vient du même endroit que moi. Cela me fait penser à mes débuts.

Votre regard aujourd’hui sur le vivier mauricien, dont vous sortez vous-même et qui essaie tant bien que mal d’inculquer la passion du sport à d’autres générations ?
Le monde du sport a évolué depuis les années 2000. Les infrastructures se modernisent. Une réflexion avec les anciens athlètes, les dirigeants et les acteurs devrait plus que jamais se mettre en place parmi les locaux afin de poser les problématiques et trouver des solutions fiables. Travailler sur les possibilités à court, à moyen et long termes pour que les athlètes s’épanouissement au niveau local, international puis mondial. Inculquer la passion est une chose, construire une carrière en est une autre. Tout projet demande un investissement et un accompagnement sur les plans éducatif, économique, social et émotionnel. Nous avons tous à y gagner en apportant une pierre à la fois à l’édifice.





 

Carte de visite
Nom : Jonathan Chimier
Age : 37 ans
Situation familiale : marié (père de 2 filles et d’un petit garçon arrivé en août 2019)
Situation professionnelle : actuellement responsable du service enfance en mairie.
Jonathan Chimier : « Durant, ma carrière j’ai eu l’opportunité de voir d’autres cultures et de côtoyer différentes personnes venant de différents horizons dans le monde du sport. Ces rencontres m’ont permis de me construire, d’avoir une ouverture d’esprit sur le monde et d’acquérir des valeurs. »

 

 


Palmarès & parcours :

PALMARES ANNEE 2008
Saison hivernale
Championnat de France à Bordeaux : 7m85 - 3ème

Saison estivale
Championnat d’Afrique à Addis Abeba : 7m99 - 2ème

PALMARES ANNEE 2007
Saison estivale
Championnat de France N2 à Tours : 7m95 - 1er
Championnat de France N1 à Niort : 7m74 - 2ème
Jeux des Iles de l’Océan Indien : 7m86 - 1er

PALMARES ANNEE 2006
Saison estivale
Meeting de Pierrelatte: 8m07 vc - 2ème
Meeting de Pierre-Bénite: 7m90 - 1er

PALMARES ANNEE 2005
Saison estivale
QUALIFIE pour le CHAMPIONNAT DU MONDE A HELSINKI
Meeting de Malles (Italie) : 7m93 - 1er
Meeting de Prague : 7m85 - 4ème
Meeting de Maurice : 7m94 - 1er

Saison hivernale
Meeting de Stuttgart : 7m97 - 1er
Meeting de Tempera : 7m83 - 2ème

PALMARES ANNEE 2004 (ESPOIRS)
Saison estivale

Jeux Olympique d’Athènes : Qualifications : 8m28 (Record de Maurice)
Finale : 8m03 - 10ème
Championnat d’Afrique au Congo Brazzaville : Finale : 8m06 - 1er
Meeting International d’Algérie : 8m03 - 1er
Meeting International de Lugano : 8m10 - 1er

Saison hivernale
Championnat du Monde à Budapest : Qualifications : 7m78 - 8ème
Championnat de France à Clermont-Ferrand : 8m05 - 1er

PALMARES ANNEE 2003 (ESPOIRS)
Saison estivale

Championnat de France à Narbonne : 8m19 - 3ème
Meeting International de Sestrière : 8m26 - 1er
Meeting International de Marseille : 8m08 - 1er

PALMARES ANNEE 2002 (ESPOIRS)
Saison estivale

Jeux du Commonwealth à Manchester : Qualifications : 7m75
Meeting International de l’Ile Maurice : 7m74 - 1er

PALMARES ANNEE 2001 (JUNIORS)
Jeux de la Francophonie à Ottawa : 7m89 (Record Junior de Maurice) - 1er
Championnat de France à Saint-Etienne : 8m03 (VF) - 3ème
Meeting International de Côte d’Ivoire : 7m85 - 1er
Championnat d’Afrique junior à l’Ile Maurice : 7m49 - 1er

PALMARES ANNEE 2000-1999 (JUNIORS /CADETS)
Championnat d’Afrique Junior en Tunisie : Finale 7m44 - 2ème
Championnat du Monde Cadet en Pologne : Finale 7m47 - 5ème
Jeux Olympiques à Sydney en Australie : Relais 4x100m
 
DIVERS
2003 : Participation au Championnat du Monde à Paris : Blessure
2003: Meeting de Moscou sur 60 m : 6’’68
2002 : Meeting International de Bamako sur 100 m : 10’’36 - 3ème