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Virus: les Chinois désertent les restos, les livreurs à la rescousse

23 février 2020, 20:00

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Virus: les Chinois désertent les restos, les livreurs à la rescousse

Le seul déjeuner consommé au Cindy’s Café à Pékin est celui d’une serveuse désoeuvrée... Paniqués par l’épidémie de coronavirus, les Chinois, terrés chez eux, désertent les restaurants et se nourrissent grâce à une armée de livreurs à domicile.

Au Cindy’s, restaurant d’un centre commercial pékinois, les convives sont rarissimes, les rentrées d’argent quasi-nulles, et seules les livraisons marchent un peu, soupire le patron Cai Yaoyang.

Et encore: «Nous pouvions gagner jusqu’à 1.000 yuans par jour (131 euros) avec les livraisons. Désormais c’est plutôt 200 à 300 yuans. L’impact est énorme», se désole-t-il. Non loin, le «Bellagio Café» fait état de recettes six fois plus faibles que d’habitude.

Soumis à des mesures locales de confinement ou paniqués par le risque de contagion, beaucoup de Chinois restent calfeutrés chez eux depuis un mois.

Pour la chaîne des Cindy’s (une dizaine de restaurants en Chine), les pertes pourraient se chiffrer en centaines de milliers d’euros, en raison des loyers et de provisions perdues, explique M. Cai. Certains employés pourraient finir en congé sans solde.

Un coup très dur pour le secteur de la restauration (610 milliards d’euros de revenus en 2019) et qui pourrait mettre en péril certaines entreprises.

Laoxiangji, une chaîne de 800 restaurants, a déjà essuyé au moins 66 millions d’euros de pertes, a assuré son président Shu Congxuan dans une vidéo diffusée par le groupe de restauration rapide.

«Héros»

Pour se nourrir, les Chinois passent commande pour se faire livrer à domicile, sur des applications mobiles dont la fréquentation explose.

Dans les rues quasi-désertes, les deux-roues électriques des livreurs sont omniprésents, de quoi en faire dans les médias publics des «héros» qui maintiennent l’approvisionnement des ménages.

Mais pour ces infatigables coursiers, les protocoles se compliquent: à Shanghai, Gao Yuchao, 30 ans, qui travaille pour la plateforme Ele.me («t’as faim?»), doit porter deux masques et prendre sa température dans des restaurants où il récupère les repas, ainsi qu’à destination.

Chaque commande est accompagnée d’une carte où est griffonnée la température des personnes qui ont cuisiné, emballé et livré chaque plat.

Pour désamorcer la défiance des consommateurs, Ele.me et Meituan, deux plateformes géantes de livraison de repas, proposent même des «livraisons sans contact». Les chaînes américaines McDonald’s, KFC et Starbucks leur ont emboîté le pas.

Le principe: les marchandises sont déposées à l’entrée de la résidence et le coursier s’en va avant que le client ne récupère sa commande... afin d’éviter toute contamination.

«C’est plus hygiénique (...) Il est compréhensible que certaines personnes aient la phobie des coursiers», indique M. Gao à l’AFP. «Moi, il faut bien que je sorte pour gagner ma vie».

En entendant arriver le livreur, certains clients inquiets lui crient parfois de déposer son paquet et de vite s’en aller, raconte le jeune homme.

Légumes frais

Outre les repas, les foyers se font livrer leurs courses, de l’épicerie aux produits d’hygiène.

Le géant du commerce en ligne JD.com a vu ses ventes de produits frais bondir de 215% durant le congé du Nouvel An chinois, lorsqu’a éclaté la crise: riz et produits laitiers sont très demandés, les désinfectants également.

Meituan Grocery (livraison de produits d’épicerie) a vu ses ventes quotidiennes à Pékin tripler au pic des congés, avec un envol des achats de farine et d’huile de cuisson.

En quête de bras, JD.com annonçait mi-février vouloir recruter 20.000 personnes comme manutentionnaires, coursiers ou chauffeurs... une aubaine pour les employés de restaurants au chômage technique.

Certains établissements y voient aussi une planche de salut: dans les restaurants de la chaîne Yunhaiyao (une centaine d’adresses), les tables sont chargées de légumes frais prêts à être livrés tels quels ou déjà coupés, au lieu des plats préparés figurant habituellement au menu.

Pour autant, «nos revenus ne représentent que 10% de ce que nous gagnons normalement», se désole Li Jianying, un responsable supervisant 10 restaurants Yunhaiyao. Asphyxiée par les charges, la chaîne a souscrit un prêt de 10 millions de yuans... auprès du géant Meituan.

Selon M. Li, «plusieurs centaines d’employés» ont signé des contrats temporaires avec des plateformes en ligne et des supermarchés afin d’assurer des livraisons.