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Dr Deoraj Caussy: «Maurice n’est pas à l’abri du coronavirus malgré tout»

10 février 2020, 22:00

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Dr Deoraj Caussy: «Maurice n’est pas à l’abri du coronavirus malgré tout»

L’expert en épidémiologie met les points sur les «i» en ce qui concerne le coronavirus. Pour lui, c’est faux de garantir qu’il n’y a aucun cas à Maurice. Ou encore qu’avec les mesures prises par les autorités, notre pays est à l’abri.

À l’Assemblée nationale, le lundi 3 février, le député Ismaël Rawoo a fait la leçon au leader de l’opposition en affirmant que le virus se transmet uniquement par voie respiratoire. Qu’en est-il ? 
Certes, la voie de transmission est principalement respiratoire mais cela n’élimine pas d’autres formes de transmission. C’est un nouveau virus. On en sait peu sur ses moyens de transmission. Il n’y a pas eu beaucoup de publications là-dessus. La Chine n’a pas le temps de s’y mettre. Mais ce qu’on sait, c’est qu’un virus ne se transmet pas par une seule voie. 

Prenons l’exemple de la grippe aviaire. On croyait tous que son mode de transmission était respiratoire. Mais on a eu une grande surprise en apprenant que la maladie se transmet aussi quand on mange du poulet contaminé. Soit la voie de la consommation. On ne peut pas éliminer d’autres modes de transmission et, en l’absence de ces connaissances, on doit prendre des précautions universelles.

Et qui dit voie respiratoire, dit… ?
Il y a plusieurs possibilités. Primo, quand une personne tousse ou éternue, les gouttelettes sortant de sa bouche peuvent aller à une distance d’un mètre, et ainsi être inspirées par une autre personne en face. Ces gouttelettes contiennent des globules qui transportent le virus. 

Secundo, quand une personne éternue dans une salle, le virus reste suspendu dans l’air et les autres personnes présentes qui respirent cet air seront contaminées. Tertio, une personne contaminée éternue et passe sa main sur une porte. Un autre individu qui passe aussi sa main sur cette porte peut aussi être infecté.

Les autorités locales ont-elles pris les mesures nécessaires afin d’empêcher ce virus d’entrer chez nous ? 
Permettez-moi d’abord de souligner que les autorités ne cessent de répéter qu’il n’y a aucun cas de coronavirus à Maurice. Cette information n’est pas fondée. Les 5 000 passagers qui ont voyagé entre Maurice et la Chine avant qu’on ne mette en place les dispositifs nécessaires (ou pou dir mwa dan tou sa bann dimounn la pa ti éna ki kontaminé?) n’ont pas subi de tests. Sur quoi se base-t-on pour dire qu’il n’y a aucun cas ? Même si une personne a été placée en observation pendant 14 jours et que les symptômes ont disparu, elle peut toujours être porteuse du virus.

Si la méthode d’observation de 14 jours était adéquate, pourquoi fait-on maintenant le nécessaire pour trouver des réactifs en vue de tester des gens ? Cela veut dire que les autorités reconnaissent que sans des analyses on ne peut pas dire s’il y a ou pas des cas de coronavirus. Maintenant, le personnel est-il formé pour ? Est-ce qu’on observe les normes internationales ? Est-ce que les résultats obtenus localement sont validés par un laboratoire étranger ?

Qu’en est-il des moyens de prévention ? Suffit-il de porter un masque approprié ? 
Il faut porter le masque N95 ou son équivalent qui contient un filtre à l’intérieur. Le masque normal, par contre, lorsque vous l’ôtez, vous faites de l’auto-contamination. Cependant, à l’aéroport et au port, si le personnel ne le porte pas, il est à risque. 

D’ailleurs, il faut continuellement les tester pour le coronavirus si jamais ils ont été en contact avec un porteur du virus qui n’a pas présenté de symptômes. Car le virus se propage. Tôt ou tard, il va arriver chez nous. À travers nos ports d’entrée. On a fermé la destination chinoise, mais notre ciel reste ouvert aux autres, dont certains ont été affectés par le coronavirus.

Les premières victimes seront les personnes qui sont immédiatement en contact avec ces personnes, le personnel de l’aéroport et le port, les policiers, les inspecteurs sanitaires et le personnel soignant. À leur tour, ils vont le propager aux membres de leur famille. 

Puis, il est faux de dire que les personnes qui viennent chez nous par voie maritime ont passé 14 jours en mer et ne présentent aucun signe de la maladie. Il n’y a pas de contamination synchronisée. Une personne infectée a pu passer le virus à une autre dont les 14 jours d’incubation commencent à partir de ce moment-là.

Et la negative pressure room, en faut-il ou pas ?
Maurice est signataire d’un accord avec la Commission de l’océan Indien dans plusieurs domaines, dont la santé. Un expert nous avait été envoyé à cet effet. Il avait recommandé la construction d’une unité universelle pour l’isolement des personnes contaminées. 

Le site avait été identifié dans les environs de l’hôpital Jawaharlal Nehru. Un plan avait même été dressé par un expert réunionnais envoyé à Maurice. C’est maintenant le moment de réaliser ce projet car, lorsque le coronavirus aura disparu, on va de nouveau l’oublier. Jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle épidémie.

 


Bio express 

<p>Le Dr Deoraj Caussy a fait des études en épidémiologie et virologie au Canada. Il a ensuite travaillé pour le<em> &laquo;Centre for Disease Control and Prevention&raquo; </em>aux États-Unis en 1988. Avant de passer à l&rsquo;Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1995. Il est rentré à Maurice en 2009 et a servi en tant que conseiller pendant les dix années suivantes. L&rsquo;année dernière, il a pris sa retraite.</p>