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*Samuel, 3 ans, et *Faith, 2 mois: leur fête derrière les murs de la prison

25 décembre 2019, 16:30

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*Samuel, 3 ans, et *Faith, 2 mois: leur fête derrière les murs de la prison

Journée mouvementée à la prison de Beau-Bas- sin. Il y a foule sous le petit abri devant l’entrée du pénitencier. Les parents des détenus n’ont tous qu’une envie : voir leurs proches en marge des fêtes. Il est un peu plus de 11 heures. Après des démarches auprès du commissaire des prisons et des fouilles, procédures normales, nous accédons à l’aile féminine du centre pénitentiaire. Pas habitués au protocole, nous frappons à la grande porte en fer, comme nous l’aurions fait en allant chez le voisin. Et là, vous devinez bien : aucun retour.

Nous voyons arriver des policiers dont une policière. Elle est la seule à pouvoir accéder à l’aile féminine de la prison. Son collègue tire deux fois sur un levier en métal. Ce qui sollicite la mobilisation rapide d’une vigile. «Qui a fait ça ? On ne fait jamais ça ! C’est un code pour annoncer la venue d’un haut gradé de la prison ou de la police», rétorque la surveillante en nous voyant à la porte. Nous lui expliquons que ce sont les policiers qui sont déjà partis qui ont «frappé». La gardienne se calme et nous explique qu’il y a des codes au sein de la prison. Elle nous laisse entrer. Il nous faut patienter le temps qu’une Welfare Officer vienne à notre rencontre. Nous sommes ici, munis de papier et d’un stylo. Ici, les téléphones portables sont, évidemment, interdits. Nous saurons plus tard que c’est également ici que vivent *Samuel, 3 ans, et *Faith, un bébé de deux mois.

Nous sommes rejoints par la Welfare Officer Amrita Jeetun. Elle connaît cette prison comme sa poche. Un de ses rôles consiste à veiller à ce que les enfants des détenues qui vivent dans la prison ne manquent de rien. Et en cette période festive, c’est encore plus de travail. L’aile féminine de la prison compte quatre petits bouts de chou. Le tout dernier vient de naître il y a quelques jours. Il est toujours à l’hôpital. «Nous sommes conscients que ces enfants n’ont rien fait. Ils sont là parce qu’ils ont besoin de leur maman et, d’ailleurs, elles n’ont pas encore été condamnées. Elles sont en attente. Notre rôle consiste à ne pas avoir de préjugés. Nous nous assurons que ces enfants ne manquent de rien et qu’ils puissent vivre à la prison sans être dans la prison», explique Amrita Jeetun.

Le plus grand des enfants c’est Samuel. Il a trois ans. Il était dans le ventre de sa mère lorsqu’ils sont arrivés à Beau-Bassin. Le cas de Samuel est particulier. Ses deux parents sont à la prison. Son père, qui n’est physiquement jamais très loin de lui, il ne le voit que très rarement. «Lorsque c’est son anniversaire ou l’anniversaire de son père, les parents font une demande pour que l’enfant puisse voir son père. Le commissaire des prisons a quand même à cœur le bien-être des enfants», poursuit la Welfare Officer.

«Je peux comprendre…»

*Annabelle, la mère de Samuel, a 29 ans. Samuel est son seul enfant. «Je suis là pour des allégations de trafic de drogue. Mon fils est né ici. Il me pose souvent des questions mais son père pense qu’il est trop tôt pour que nous lui disions réellement ce qui se passe. Donc, je dis que nous vivons ici parce que maman travaille ici», explique Annabelle. Sauf que Samuel est étonnamment développé pour son âge.

À un moment, il a remis en question l’explication de sa mère. «Un jour, alors qu’il revenait d’une visite avec son papa, il m’a dit que nous portions tous les deux des vêtements de détenus alors que je lui disais tout le temps que nous travaillons ici», raconte la jeune femme. «C’est alors qu’il m’a sorti une phrase qui m’a choquée. Il m’a dit : ‘Il ne faut pas me mentir, maman ! Je peux comprendre’…» Elle affirme qu’elle s’étonne toujours de la perspicacité de son fils.

Amrita Jeetun a une explication. «Le petit est entouré d’adultes. Il nous parle comme parlerait un adulte. Nous sommes comme sa famille. Il sait qu’il en a une à l’extérieur mais lorsqu’il a besoin de quelque chose, il vient nous voir.» La Welfare Officer ajoute qu’il lui arrive même de choisir les dessins animés pour Samuel.

Afin de rendre la période des fêtes un peu plus normale pour le petit mais aussi pour tous les autres enfants âgés de moins de 10 ans dont les parents sont détenus, la prison a organisé une fête. «Le père Noël était là. Il y avait de la musique, des gâteaux et de la pizza. Nous avons demandé aux proches des détenues d’apporter les enfants dont les mamans sont en prison. Mais nous ne pouvions pas le dire à tout le monde, donc nous avons fixé une limite d’âge. Nous avons acheté des cadeaux que les mamans ont donnés à leurs enfants», affirme Marie Annick Nelson, assistante commissaire. Elle se souvient, par exemple, de ce moment où une jeune mère détenue avait fait un témoignage pour remercier sa mère. «Elle disait que sa maman lui avait toujours pardonné toutes ses erreurs et qu’elle avait recueilli son enfant pendant qu’elle purgeait sa peine. Il y a des témoignages comme cela qui vous transpercent le cœur», soutient-elle.

«Horrible…»

Annabelle, qui se souvient de ce jour de fête, dit en être ressortie en réalisant à quel point elle était chanceuse d’avoir son petit Samuel à ses côtés pour un moment encore. «J’ai vu d’autres mamans qui devaient voir partir leurs enfants. J’ai compris que c’était une chance de pouvoir être avec le mien», avance la jeune femme.

Avec Samuel, elle vit dans une petite maison qui se trouve au sein de la prison. On ne parle pas là de cellule, mais bien de chambre avec des lits. Pour celles qui ont des nourrissons, leur chambre est équipée d’un berceau. Les bébés sont pris en charge par la prison.

*Nathalia, elle, vient d’Afrique du Sud. Il y a deux mois, elle mettait au monde Faith. Une adorable petite boule qui réclame sans cesse le sein à sa maman. D’ailleurs, durant l’entretien, Faith nous fait cadeau d’une quinzaine de minutes de tranquillité. Elle semble comprendre que maman est occupée. Mais ne tardera pas à s’impatienter.

Nathalia nous raconte qu’elle a deux autres enfants qui sont sous la charge de son frère et de sa belle-sœur en Afrique du Sud. Les deux enfants ne savent pas qu’elle est en prison. Ils croient que leur mère travaille à Maurice et qu’elle reviendra lorsque leur sœur «aura des empreintes». «C’est ce que j’ai dû leur dire. J’ai dit qu’elle est trop petite pour donner des empreintes, donc il faudra encore attendre pour rentrer. Mais ils ne veulent plus attendre. C’est horrible de vivre les festivités loin d’eux», soutient la jeune maman en larmes. Ils vivent avec leur oncle et leur tante car leur père est décédé.

Pour le moment, Faith est l’unique personne qui rend la prison un peu plus supportable à Nathalia. Elle est aussi détenue à Beau-Bassin pour une affaire de drogue. Entretemps, dans cette unité spéciale réservée aux mamans qui vivent avec leurs enfants, des liens se sont créés. «Du coup, Samuel a l’impression que Faith c’est sa petite sœur et que l’autre petit garçon, c’est son petit frère. Mais il sait que dehors il a une autre famille. J’essaie de faire en sorte qu’il ne l’oublie pas», ajoute Annabelle. Si elle insiste sur ce point, c’est que dans deux ans, lorsqu’il aura eu 5 ans, Samuel sera obligé de quitter sa mère. Il ira alors chez les proches de celle-ci… à Madagascar. Autre drame : Samuel refuse de parler malgache malgré les tentatives répétées de sa maman. «J’apprendrai à Madagascar maman…» répond-il.