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Arvin Boolell: «Pour la première fois de ma carrière, j’ai vu tant d’argent circuler»

11 novembre 2019, 22:30

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Arvin Boolell: «Pour la première fois de ma carrière, j’ai vu tant d’argent circuler»

Deux jours après le verdict rendu par des urnes, quel est votre état d’esprit ?
Tout d’abord, je dois dire qu’on respecte le verdict de l’électorat. Mais il y a des questions légitimes concernant des failles auxquelles la Commission électorale doit répondre. Plus de 6 000 personnes n’ont pas pu exercer leur droit fondamental. Je n’ai jamais vu la Commission électorale venir s’expliquer de la sorte. J’ai le sentiment qu’elle était sur la défensive. Je ne mets pas en doute sa bonne foi. Par contre, les démarcheurs (canvassers) chargés d’enregistrer des électeurs ont été nommés par la Public Service Commission. Est-ce que celleci a fait son travail en toute intégrité ? Les démarcheurs ont-ils accompli leur tâche avec diligence ? Il faut une enquête pour connaître le fond du problème car nous ne pouvons pas avoir un système free and fair qui laisse planer des doutes. Ensuite, il y a toute la question de money politics. On sait très bien ce qui s’est passé le jour des élections et on ne peut pas tolérer le droit à l’excès et aux dépenses exorbitantes.

Qu’avez-vous vu ?
Pour la première fois de ma carrière politique, j’ai vu tant d’argent circuler. De gros moyens ont été déployés. Des millions de roupies ont été blanchies. Dans chaque circonscription, d’énormes sommes d’argent ont circulé.

Ces allégations sont très graves. Allez-vous porter plainte auprès des autorités concernées ? 
Je ne dis pas cela à la légère. Nous laissons le soin à nos hommes de loi de collecter toutes ces informations. Des gens sont venus me voir. D’autres, également de bonne foi, craignent des représailles.

Quelle analyse faites-vous de cette seconde défaite consécutive du Parti travailliste (PTr) après les législatives de 2014 ? 
À ce stade, je ne ferai pas d’analyse, ni en profondeur ni préliminaire. Je ne ferai pas de blame game non plus. Je comprends l’angoisse des candidats battus. C’est difficile pour eux, et ce n’est pas le moment de faire des commentaires qui peuvent leur nuire davantage. Il faut les laisser respirer, élargir, valoriser cet espace et laisser la place à d’autres. Il y a toujours des leçons à tirer. Nous sommes tous du commun des mortels. Il faut que les membres du PTr s’asseyent et analysent en profondeur les lacunes et manquements. Il est vrai qu’il y a une grosse déception de notre électorat. On était sur le chemin de la victoire. Puis, tout a basculé les deux derniers jours avant les élections. Il y a eu également des réactions primaires dont je n’en dirai pas plus. Je ne suis pas un mauvais perdant. Je fais juste un constat basé sur des faits.

Partagez-nous votre secret qui vous a permis de rempiler au no18 en détrônant Xavier- Luc Duval alors que la majorité de candidats du PTr, dont votre leader Navin Ramgoolam, a été battue à plate couture lors de ce scrutin ? 
L’élection partielle de 2017 m’a donné l’occasion de mener une campagne. Il y a eu une continuité sur le terrain. Puis, une victoire est basée sur de multiples facteurs comme la proximité avec le peuple, l’accessibilité et l’écoute. Il faut pouvoir marcher et avec le roi et avec le commun des mortels. Avoir l’humilité tout en restant ferme. Je ne suis pas le seul à pratiquer une politique de proximité. Mais il ne faut pas oublier que j’ai été battu en 2014 (au n°11 – Vieux-Grand-Port–Rose-Belle) et que je suis sorti second en 2000. Des fois, la politique a ses raisons que la raison ignore et qui rendent perplexe.

Vendredi, vous disiez que ce n’était pas le moment de remettre en question le leadership du PTr. Aujourd’hui, êtes-vous en mesure de nous dire si vous comptez dorénavant taper du poing sur la table pour une restructuration à la tête du parti ? 
Il faut respecter la demande de l’électorat. Tout est légitime. Nous avons des instances. Ça viendra quand ça viendra. Il faut nous donner du temps à nous tous de respirer.

Sans le candidat Navin Ramgoolam, le verdict des urnes aurait-il été favorable à l’Alliance Nationale ? 
Deux jours avant le scrutin, on était sur le chemin de la victoire. Si cette tendance avait été maintenue, on aurait parlé de lui (Navin Ramgoolam) comme un Dieu. Les raisons de cette défaite sont multiples. La demande de l’électorat ne doit jamais être ignorée. C’est le principe fondamental de la démocratie. Par contre, malgré tous ses défauts, le gouvernement sous le Prime ministership de Pravind Jugnauth a été efficient en privilégiant la micro-politique. Il a pu dénicher des personnes, méritantes ou pas, et dont leurs parents étaient des partisans du PTr, pour leur donner un emploi. Ce que le PTr pratiquait auparavant.

Pensez-vous que ce sont les propos de Navin Ramgoolam à l’intention des hindous des villages et tenus à quelques jours des élections qui ont cloué le PTr et lui au pilori ? 
Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives, surtout si on dit que notre électorat est éclairé. Je fais une plaidoirie pour que l’émotion ne domine jamais la raison, sinon on tue à petit feu notre valeur démocratique. Ce qui était palpable durant la campagne, ce sont les deep fake news dont nous avons été victimes et dont j’ai été le premier à dénoncer. Ceux qui en sont responsables ainsi que les acteurs de money politics doivent assumer leurs responsabilités.

Entre Osman Mahomed qui a récolté 60,1 % de voix au n°2, Shakeel Mohamed avec 52 % de voix au n°3 et vous, avec 47,3 % au n°18, à qui devrait revenir le poste de leader de l’opposition ? 
On ne peut pas réduire le poste de leader de l’opposition au pourcentage de voix recueillies, surtout que nous ne sommes pas en situation équitable dans toutes les circonscriptions. Tous les parlementaires de l’opposition ont de grands mérites. Nous avons tous les mêmes droits, mais il faut aussi prendre en compte plusieurs facteurs comme l’expérience acquise au fil des années, la culture de retenue, l’esprit de facilitateur et de mentor. Beaucoup ont ces qualités. Shakeel Mohamed, Osman Mahomed, Ritesh Ramful et Ezra Jhuboo ont abattu un travail formidable. Ils sont des fières chandelles du PTr. Aujourd’hui, nous avons des jeunes comme Fabrice David. Le président du parti, Patrick Assirvaden, et Michael Sik Yuen, qui ont travaillé laborieusement, seront aussi à nos côtés au Parlement, ainsi que nos amis du PMSD, avec qui nous avons déjà travaillé. Nous avons des instances. Nous sommes dans une Alliance Nationale sur le banc de l’opposition et aurons aussi avec nous le Mouvement militant mauricien. Nous avons tous les mêmes droits. L’idée est de fédérer cette opposition afin de répondre aux aspirations de l’électorat. Plus de 52 % des votants se trouvent sur les bancs de l’opposition.

Justement, votre colistier Xavier-Luc Duval peut-il prétendre au poste de leader de l’opposition étant le seul leader rescapé de l’Alliance Nationale ? 
Il a été élu et il a les mêmes droits. Il est aussi leader d’un parti et a fait son travail comme leader de l’opposition. Malheureusement, je croyais fort en notre trio exceptionnel au n°18. L’absence de Rama Sithanen se fera sentir au Parlement car il aurait été d’une grande contribution aux débats parlementaires.