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Circonscription n°4: des habitants «gagn bann dépité margoz»

17 octobre 2019, 10:00

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Circonscription n°4: des habitants «gagn bann dépité margoz»

 

 
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Avec 48 918 électeurs, la circonscription n°4 (Port- Louis Nord–Montagne- Longue) est la plus grande de la région de Port-Louis. La difficulté que rencontrent les candidats sur le terrain a surtout trait à sa diversité. La moitié de la région est urbaine alors que l’autre moitié est composée de villages. Est-ce pour cette raison que les députés sortants et les candidats délaissent-ils la circonscription ?

Mukesh Jeetun habite à Congomah, un des villages de la circonscription. À 64 ans, il s’occupe seul de ses plantations. De 5 h 30 du matin à 18 heures, il s’occupe de ses ananas, piments, gingembre, entre autres. «Mo dir ou mo tousel akoz mo pa gagn okenn led mwa. Bann zanfan travay. » Et le gouvernement ? «Sa bannla ? Zamé inn trouv zot isi !» fustige Mukesh Jeetun, l’esprit occupé à préparer ses nouvelles plantes d’ananas.

Cela fait 30 ans qu’il cultive la terre à Congomah et cela fait autant d’années qu’il n’a pas reçu la visite d’un député. Même en période de campagne électorale, les candidats se font rares. D’ailleurs, il ne connaît pas les noms des candidats sortants et ceux qui briguent les suffrages. «Mo mem pa koné ki zot résanblé», précise le sexagénaire. Et il n’a pas l’air de rigoler. Il se demande donc comment des gens qui ne sont jamais venus par là peuvent résoudre les problèmes des planteurs…

Depuis le temps que cette population est livrée à ellemême, les soucis ont pris racine. «Le prix des fertilisants a pris l’ascenseur. Mais comme les prix de vente ne suivent pas, nous nous retrouvons en difficulté», lâche Mukesh Jeetun. Il ne traite certes pas les autorités de fumier, mais il n’en est pas loin. Puis, les chemins sont exigus. «Telma séré ki dé masinn pa kav pasé…»

Pour faire sortir ses produits de ses champs, c’est à chaque fois une corvée. Et comme dans plusieurs autres régions de l’île, le manque d’eau se fait cruellement sentir. Les planteurs de Congomah sont tellement délaissés qu’ils n’étaient même pas au courant que pendant cinq ans, on avait fait la promesse de fournir l’eau 24/7. «Bizin fer enn sistem dépi larivier pou kapav arozé. Ou’nn déza trouv planter kapav viv san délo ou ? Sa mem ou bann biro ou bizin koné sa», ironise Mukesh Jeetun. Sauf que lui, cela fait 30 ans qu’il fait face à l’aridité électorale et que les promesses ne portent jamais leurs fruits.

Direction la partie urbaine de la circonscription. Les champs se transforment en routes et autoroutes. La circulation est dense et les montagnes cèdent leur place au béton. Mais quant à la présence des élus, c’est la même histoire qui se répète.

Reza est un boutiquier qui tient son commerce à Le Hochet. Il ne cache pas le fait que les députés, «mo gagn zot margoz». Perché derrière son  comptoir, il tient un discours identique à celui de Mukesh Jeetun. «Si zot vinn pran enn komision isi, mo pa pou koné zot dépité.» Et il ne parle pas seulement  des députés sortants, mais aussi des candidats qu’il n’a pas encore vus.

Certes, Reza ira voter. Mais il ne sait pas encore pour qui. Il tient quand même à mettre en garde ceux qui viendront le voir. Les promesses pour les «vié dimounn» ne suffiront pas pour le convaincre. La jeunesse de la région manque cruellement de loisirs et, selon lui, cela les pousse à «pran mové simé». Résultat : l’endroit devient quelque peu dangereux. «Péna ler bannla pasé lor motosiklet. Kav ras sak ou bien lasenn bann madam», déplore-t-il. Reza n’a pas beaucoup d’espoir.

Depuis des années, la région n’a pas vu passer un seul député. Plus loin, à Sainte-Croix, les problèmes sont les mêmes. «On n’a qu’un club de judo pour toute la région. Les jeunes qui souhaitent faire autre chose ne le peuvent pas. C’est là le début des problèmes», lance Anne-Grace Mareemooto-Pillay, âgée de 18 ans. Mais la sécurité n’est pas le seul problème.

À Sainte-Croix et Valléedes- Prêtres, des maisons ont été inondées à plusieurs reprises cette année. À chaque fois qu’il y a une pluie torrentielle, c’est la panique. Après chaque inondation, c’est la même rengaine. Promesses de drains, promesse de nettoyage, promesse d’être plus présents dans la région. Puis, rien jusqu’à une nouvelle catastrophe.Va-t-elle le reprocher aux candidats qui viendront faire du porte-à-porte dans la région ? «S’ils décident à passer par là. Jusqu’à présent, on n’en a vu personne. Tout comme ces cinq dernières années», dit-elle, sarcastique.

Comble de l’ironie, la Mauritius Housing Company a lancé un projet en présence de Pravind Jugnauth à Le Hochet en janvier 2018. La route que la voiture du Premier ministre devait emprunter avait été asphaltée quelques jours avant. Sauf que l’asphaltage s’est arrêté au niveau du complexe qui a été construit. Le reste de la route est resté dans le même état…