Publicité

Prem Seebaruth: «Personne ne peut acheter les séniors…»

11 octobre 2019, 17:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Prem Seebaruth: «Personne ne peut acheter les séniors…»

Alors, Rs 13 500 comme pension de retraite, vous en dites quoi ? 
Personnellement, je suis happy. Comme tous les senior citizens de Maurice et de Rodrigues, j’étais très content après cette annonce.

Ce chiffre, qui dépasse d’ailleurs le salaire minimum, est-il exagéré ? 
Je ne peux comparer le salaire minimum. Ce qui m’intéresse, c’est la pension de retraite en tant que président du Senior Citizens’ Council. Nous voulons que nos séniors vivent dans la dignité, dans la transparence et la tranquillité. Nous ne voulons pas subir de violence. Et encore moins que les gens viennent nous prendre notre petit cadeau…

«Petit cadeau» qui coûtera tout de même gros à l’économie… 
Ce n’est pas un petit cadeau mais plutôt un grand cadeau.

Qui en a après votre «grand cadeau» ? 
Je n’accuse pas les voleurs. Mais il y a des gens qui profitent de l’incapacité des personnes âgées à défendre leurs intérêts. Par exemple, certaines personnes embêtent les séniors.

La somme de Rs 13 500 ne va-t-elle pas attirer plus de voleurs ? 
Le voleur ne pense pas à la somme lui. Même s’il y a Rs 100 000 ou Rs 10 000, il le fera.

Cette annonce, jugée «électoraliste», ne donne pas de précisions sur la façon dont la hausse sera appliquée. Quel en sera l’impact sur les votes des personnes âgées ? 
Jusqu’à maintenant, nous ne savons pas comment on recevra cet argent. C’est au ministre d’en décider. Je ne peux vous dire si cela influence le vote des séniors. Je ne suis pas politicien. Je suis travailleur social. Je ne peux calculer ou élaborer. Personnellement, je ne le crois pas.

Pourquoi ? 
Nous, les personnes âgées, sommes assez intelligentes. Per- sonne ne peut nous acheter. Je suis triste d’entendre des gens dire que nous sommes des vendus de la politique. Ce n’est pas vrai. Cela m’a causé des préjudices quand on m’a dit que je vais voter ainsi. Je ne peux vendre mon âme ni ma conscience.

Devant une manne aussi généreuse, un sénior aurat-il le courage de voter pour un parti n’inscrivant pas cette augmentation dans son programme ? 
C’est très difficile de vous répondre. Comment prédire qu’une telle personne ira voter pour ça ou pas ?

Cela ne vous paraît pas suspect que l’annonce soit faite avant les élections et pas trois ans avant, par exemple ? 
Je vous l’ai déjà dit : ça m’a causé des préjudices. Nous ne voulons que personne ne nous piétine. Dites-leur de nous donner un gâteau, on le mangera. Ça ne veut pas dire qu’on va nous influencer.

Selon les chiffres d’août 2019, cela implique un dédoublement d’environ 224 000 pensionnaires pour Maurice. Comment l’État pourra-t-il financer cela ? 
Je ne sais comment sera effectué le paiement. Le ministère de la Sécurité sociale et celui des Finances ont pris cette décision. J’aimerai bien qu’ils nous éclairent dessus. Je pense fermement que cela se concrétisera. Je ne crois pas qu’on supprimera le transport gratuit. Cette proposition n’est jamais arrivée sur la table pour discussion. Beaucoup d’aïeux utilisent cette facilité.

Que fait votre comité au juste pour les aïeux ? 
Nous avons dix représentants de district au sein du comité. Nous faisons plusieurs activités pour eux. On organisera bientôt un séminaire national sur les conseils légaux, notamment la succession. Nos «grandimounn» veulent savoir comment répartir leurs biens avant de mourir, quels sont leurs droits, les comptes joints, etc.

Les personnes âgées affirment ne pas pouvoir s’en sortir avec leur «maigre» pension. Et vous, comment faites-vous ? 
J’étais huissier à la cour. Avec mes deux pensions, je peux me débrouiller. Mais je dois tout de même me serrer la ceinture. Je me prive notamment sur les sorties. Et parfois, on se déplace en autobus.

Quelles sont les plus grosses dépenses des séniors ? 
Principalement, c’est la santé. Cela peut atteindre les 50 %, dé- pendant de l’état du bénéficiaire. Puis, viennent les frais liés à la maison. La grosse majorité des pensionnaires habitent chez eux. On n’a pas fait un recensement. Les personnes vivant seules perçoivent parallèlement une allocation de l’État pour le loyer. Sont aussi compris dans leur budget, les loisirs et les vêtements, entre autres. Et à 75 ans, la santé ne s’améliore pas. Certains ne peuvent plus manger et encore moins marcher. Il faut être assisté. 

Pourtant, les médicaments et le transport sont gratuits. Ce système faillit-il à sa tâche ? 
Non, je ne le crois pas. Le système marche bien. Certaines personnes âgées préfèrent prendre des médicaments additionnels au privé, avec des consultations de leur médecin. Pour le transport, 98 % voyagent par autobus. Quant à ceux qui utilisent des taxis, c’est à cause des problèmes de mobilité.

Faut-il revoir l’administration des services de la santé pour les séniors et introduire plus de gériatrie, par exemple ? 
Ce serait une bonne chose. Il faut des médecins à la hauteur pour bien soigner nos personnes âgées. Le modèle serait d’insérer des spécialistes de la gériatrie dans les centres de santé ou construire un hôpital centralisé pour les séniors.

Les services de soins et de résidence pour les vieux se multiplient davantage aujourd’hui, créant un créneau économique. La catégorie des séniors a-t-elle paradoxale- ment plus de pouvoir d’achat ? 
À Maurice, tous les séniors ne peuvent se permettre ces services. Avec la pension, ils se focalisent sur les dépenses nécessaires. On a environ 23 foyers à Maurice. Une bonne partie d’entre eux sont subventionnés. L’État utilise la pension des séniors et donne également Rs 238 par jour pour chaque bénéficiaire qui y habite. De plus, Rs 950 sont distribuées mensuellement pour l’achat d’une poudre, lotion ou autre produit cosmétique. Un autre montant est remis au gestionnaire de la maison de retraite pour le changement des matelas, vêtements, entre autres.

Ne restons pas sur notre faim. Vous l’avez mangé ce briani lancé avec «mépris», lors d’un rassemblement à Pailles le 2 octobre ? 
Moi, je n’ai pas eu l’occasion d’en manger. C’est un cafouillage qui a eu lieu. Parfois, des gens calculent mal la façon de partager. Peut-être qu’il y a eu un manquement. Je ne blâme pas le ministère.