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Fonds publics: et si l’on prenait le PAC un peu plus au sérieux ?

2 octobre 2019, 15:31

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Fonds publics: et si l’on prenait le PAC un peu plus au sérieux ?

Peu importe leurs couleurs politiques, ils s’accordent sur un point : il est grand temps que le Public Accounts Committee ait les moyens de faire un travail pertinent et efficace. Entre débats parlementaires ou pouvoir de sanctionner, les propositions pour une refonte de ce comité sont légion.

«Il ne sert à rien sous sa forme actuelle. Tout le monde le sait.» C’est en ces termes qu’Aurore Perraud, présidente du Public Accounts Committee (PAC), s’est exprimée dans les colonnes de l’express, qui l’interrogeait sur la pertinence du PAC et de son rapport. En effet, le PAC n’ayant aucun pouvoir exécutif, son rapport, en l’absence de débats parlementaires, est souvent condamné à finir au fond d’un tiroir poussiéreux. Face à ce constat, les politiciens de tous bords s’accordent sur un point : une refonte du PAC est plus que nécessaire.

D’abord qu’est-ce que le PAC ? «La raison d’être du PAC est de passer en revue le rapport de l’audit, ses recommandations et ses remarques. En plus, le PAC prend en compte les dépenses et les actions du gouvernement sur une année financière», explique le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval. Il est bon à savoir que le président du PAC est nommé par le leader de l’opposition.

Ce qui est intéressant est que si le président est un membre de l’opposition, le comité consiste en majorité de membres du gouvernement, ce qui ajoute à la crédibilité de ce rapport qui met en exergue le laisseraller des ministères parfois.

«Le PAC doit être un chien de garde pour passer en revue les dépenses de l’État, les abus et les négligences. On parle de fonds publics. Le PAC doit avoir le courage nécessaire pour examiner minutieusement tous les aspects, indistinctement. Suite à ce rapport, le leader de l’opposition peut poser des Private Notice Questions pour tirer la sonnette d’alarme dans certains cas. Les députés ont aussi le devoir de veiller au grain», explique Razack Peeroo, ancien Speaker de l’Assemblée nationale.

Toutefois, la remarque d’Aurore Perraud remet en question la position du PAC en tant que chien de garde. «Nous nous faisons des ennemis parmi les fonctionnaires. Les membres se sont demandé pourquoi accorder une journée de leur temps par semaine. Par la suite, on a eu beaucoup de mal à avoir le quorum... Au fil du temps, ils ont commencé à s’absenter», a déclaré Aurore Perraud.

Comment donner un nouveau souffle au PAC ? «Le PAC n’a aucun pouvoir exécutif de suspendre des fonctionnaires ou d’imposer des sanctions et parfois c’est frustrant, surtout que les membres ne sont pas payés pour y siéger. Face à cela, l’impact du rapport du PAC dépend entièrement de l’opinion publique, comme celui de l’Audit. Autant les travaux parlementaires sont diffusés à la télévision, autant les travaux du PAC devraient aussi l’être pour sensibiliser la population. Le PAC devrait pouvoir référer certains cas à la police ou à l’ICAC. C’est important », ajoute Xavier-Luc Duval.

Tous les pays suivant le système de Westminster, calqué sur le modèle du Royaume-Uni, ont cette instance nommée PAC dont le devoir est d’examiner les comptes suivant le rapport du directeur de l’Audit. Or, si le système a évolué dans certains pays pour être plus efficace, tel n’est pas le cas à Maurice. Le site web du PAC au Royaume-Uni est déjà bien plus à la page que le nôtre avec les enquêtes détaillées par secteur et les rapports en ligne. Un compte Twitter est également disponible avec des tweets réguliers des travaux du comité.

«Notre système n’est ni efficace, ni percutant, le PAC est un chien sans dents. Dans certains pays, le comité se réunit en public, en présence de la presse, et les membres du comité interrogent les représentants des ministères sous les yeux du public. C’est un bon moyen de maintenir la pression. Il y a aussi un manquement structurel dans le fonctionnement de notre PAC», fait ressortir Alan Ganoo, un ancien président.

Pour lui, le PAC devrait fonctionner de manière optimale avec un personnel dédié au comité et surtout avec des techniciens qui pourront encadrer les parlementaires face aux discours techniques parfois des représentants de ministères qui viennent répondre aux questions.

«Il faudrait une supervision constante, dès qu’un cas de maldonne est révélé par la presse ou autre sur certains projets, le PAC doit entrer en jeu. Le comité devrait opérer toute l’année et pouvoir recommander des sanctions à la Public Service Commission (PSC). Actuellement le PAC ne peut rien faire en cas de suspicion de maldonne.»

Autre suggestion, une fois le rapport rendu public, les ministères devraient réagir et s’expliquer si nécessaire afin que des actions correctives soient prises. Pour que cela devienne une réalité, les Standing Orders du parlement doivent être amendés afin de muscler l’action du PAC. Si plusieurs présidents du comité ont préconisé cela, rien n’a encore été fait jusqu’ici.

Si étudier la manière dont sont dépensés les fonds publics est une forme de transparence, quid du non-suivi du rapport ? «Les institutions sont accountable pour les dépenses et un suivi du rapport est important et j’espère que les recommandations seront appliquées. Toutefois, je remarque, année après année, que les commentaires se ressemblent», dit l’économiste Azad Jeetun.

Il est bien d’émettre des propositions mais la volonté politique pour faire bouger les choses est-elle là ? Du côté des rouges, Ezra Jhuboo s’interroge sur les raisons même d’avoir un PAC. Pour lui, il est grand temps d’améliorer le système au lieu de rester spectateur face à un système dépassé.

Chez les mauves, même constat. «Il y a eu une demande pour accorder plus de pouvoir au PAC à plusieurs reprises. Il faut plus de ressources de manière à avoir des rapports réguliers et il faudrait des débats parlementaires sur le rapport comme dans le cas du rapport budgétaire», indique le député Reza Uteem.

Zouberr Joomaye, député MSM, prend lui des pincettes; s’il faut en effet donner plus de pouvoir au PAC qui parfois distribue des cartons rouges à certains fonctionnaires, il faut aussi rester dans les limites afin de respecter les droits de ces derniers.

En attendant, si les débats fusent, le compte Twitter du PAC au Royaume-Uni revendique 13 500 followers alors que celui du PAC mauricien est tout simplement inexistant. Comprenne qui pourra !