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L'«âme» du vainqueur du Tour de France immortalisée dans le bois

28 septembre 2019, 16:35

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L'«âme» du vainqueur du Tour de France immortalisée dans le bois

Le nez est difficile à reproduire. Mais rien ne contrecarre l’habilité de Nicolas Molano pour immortaliser Egan Bernal, champion colombien du Tour de France. Sa gouge fait délicatement émerger du bois l'«âme» du plus jeune vainqueur du siècle de cette course mythique.

Si le héros de juillet a renoncé au Mondial de cyclisme de route, qui se termine dimanche dans le Yorkshire, en Angleterre, la sélection colombienne y a envoyé entre autres son champion le plus expérimenté, Nairo Quintana, qui a déjà sa statue de bois.

Planches, sciure, machines à découper... dans son modeste atelier, accroché au flanc des montagnes du sud de Bogota, le sculpteur a préparé un croquis de Bernal, premier «scarabée» des Andes à remporter le maillot jaune.

Ce menuisier de 57 ans a décalqué avec précaution le dessin de Bernal sur un morceau de tronc, première étape pour modeler la figure du quatrième cycliste qu’il va convertir en oeuvre d’art.

«Tailler pour moi, c’est aider l’âme du bois à émerger», a-t-il expliqué à l’AFP parmi ses outils, dans le quartier pauvre de Ciudad Bolivar, dont les masures en brique s’agglutinent sur les pentes des sommets andins qui cernent la capitale.

Sa passion pour le cyclisme ne date que de quelques années. Mais il a déjà sculpté Chris Froome, vainqueur britannique de quatre Tours de France, un Giro d’Italie et deux Vueltas d’Espagne, ainsi que Quintana, champion de la Vuelta 2016 et du Giro 2014, et Rigoberto Uran, autre compatriote.

«J’admire les cyclistes colombiens (...) Ils tombent, se relèvent et repartent, comme nous tous les Colombiens qui, si compliquées que soient les choses, trouvons des solutions et allons de l’avant», ajoute-t-il.

Le sourire d’Egan

Une petite porte sépare l’atelier de sa chambre, d’où il suit chacune des compétitions auxquelles participent ses coureurs préférés.

Assis sur son lit face au téléviseur, il s’enthousiasme et donne un grand coup de poing sur le matelas lorsque le «petit», comme il appelle Sergio Higuita, remporte la 18e étape de la Vuelta 2019.

Les retransmissions des grandes courses lui permettent d’observer attentivement ses modèles. Il en étudie chaque trait, chaque expression pour que ses personnages articulés soient identifiables au premier regard.

«Quand ils passent à la télé, je regarde leurs gestes, leur profil. J’entre dans l’intimité de leur être (...) la partie émotionnelle», dit-il.

Bien que l’image de Bernal en larmes lors de sa victoire en France ait fait le tour du monde, Nicolas Molano a préféré sculpter son grand sourire.

«J’ai commencé à esquisser Egan lorsqu’il a été engagé par Sky» en 2017, équipe depuis rebaptisée Ineos. «Je me suis dit que ce môme avait un grand avenir et je l’ai étudié», ajoute-t-il.

D’un outil à l’autre, l’artisan taille peu à peu le visage du jeune cycliste, accordant un soin tout particulier au nez aquilin et légèrement tordu.

Grâce à des photos qu’il a imprimées, il n’omet rien de l’allure du maillot jaune, qui a touché au firmament du cyclisme à seulement 22 ans.

Le Geppetto des cyclistes

Il a affiné son sens du détail au fil de quatre décennies de pratique dans différents ateliers et, entre deux pièces de menuiserie plus traditionnelles, il aime à se consacrer à la sculpture de personnages, dont les plus grands atteignent 90 cm de haut.

«Combien de temps faut-il à un arbre pour pousser?», interpelle-t-il en expliquant son «idée de créer des objets pour utiliser tous ces morceaux, ces petits bouts», las de voir du bois gaspillé sur les établis.

Les champions de la petite reine voisinent avec d’autres de ses figures favorites, tels le légendaire Pinocchio et un élégant Don Quichotte assis.

Certaines demandent des semaines, des mois de travail et coûtent l’équivalent de 7.000 euros. Ses oeuvres ont été exposées, jusqu’en Italie.

Mais Nicolas Molano rêve qu’un «scarabée» vienne un jour acheter sa propre représentation en bois.

En attendant, sa passion n’est pas près de s’éteindre : la Colombie a remporté quasiment toutes les compétitions du calendrier et il croise les doigts pour le Mondial en Angelterre.

En l’absence de Bernal, ce sera peut-être l’opportunité pour ses compatriotes Esteban Chaves, Fernando Gaviria ou Alvaro Hodeg de s’assurer à leur tour une «âme» de bois.