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Trafic de drogue: les enfants mules privés de voir leur mère

27 septembre 2019, 09:10

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Trafic de drogue: les enfants mules privés de voir leur mère

15 septembre. L’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) et les officiers de la Mauritius Revenue Authority (MRA) de l’aéroport interceptent une Sud-Africaine en provenance de Durban ayant avalé 49 boulettes d’héroïne d’une valeur marchande de Rs 9 millions. Mais elle n’est pas seule ; son fils de cinq ans l’accompagne. Le temps de l’enquête, le garçon est remis à la Child Development Unit (CDU). Quatre mois plus tôt, deux autres enfants ont été entraînés malgré eux dans un trafic de drogue. Âgés de six et neuf ans, ils ont servi de mules. Ils ont été interceptés à l’aéroport le 11 mai avec 2 310 plaquettes de Subutex, estimées à Rs 3,4 millions, alors qu’ils rentraient de Paris. Leur mère et un proche ont été arrêtés par l’ADSU. Et depuis, les enfants n’ont pas revu celle-ci, la police y ayant objecté…

Mais qu’advient-il des enfants le temps que dure une enquête ? N’ont-ils pas le droit de voir leurs parents ? Selon Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, dans 99,9 % des cas, les enfants ont bien le droit de les rencontrer. Mais, prévient-elle, dans ce cas précis, «il ne faut pas prendre les exceptions pour des généralités. Il faut mettre les choses dans leur contexte. Si jamais les enquêteurs ont objecté à ce que les enfants voient leurs parents, c’est parce qu’il s’agit d’une enquête délicate». L’Ombudsperson indique que les enfants ont été pris en charge par la CDU, qui s’est assurée de les encadrer afin qu’ils soient dans un endroit propice à leur développement. «Il y a des réalités que l’on ne peut contourner. Si jamais les grands-parents veulent la garde, ils ont le droit de faire une demande au juge.»

Du côté des Casernes centrales, une source proche du dossier explique qu’en principe si l’enquêteur de l’ADSU objecte au droit de visite, c’est que cela est justifié. Notamment afin d’éviter de pervertir le cours de la justice et d’influencer les témoins.

Par contre, Me Ashwin Kandhai ne voit pas cette objection d’un bon oeil. Selon le Criminal Code de Maurice, dit l’homme de loi, l’âge minimal auquel un mineur peut être poursuivi pour une infraction pénale est de 14 ans, en attendant le Children’s Bill. Le discernement, poursuit-il, joue un rôle très important pour déterminer si un enfant est capable de faire face à un procès au pénal. «Dans le cas des enfants mules, je ne vois aucune objection à ce qu’ils voient leur mère. Selon le droit mauricien, un enfant en dessous de 14 ans est incapable de commettre un délit vu qu’il n’a pas le mens rea, c’est-à-dire l’intention criminelle.»

Rencontre supervisée

Pour Me Ashwin Kandhai, il y a un coupable qui a abusé de l’innocence de ces enfants de six et neuf ans. «Par un concours de circonstances, ils se sont retrouvés avec quelque chose d’illicite sans qu’ils aient connaissance ou contrôle de la situation. Vu qu’ils ne peuvent discerner ce qui avait été transporté dans leurs jouets, il est fort probable dans ce cas précis qu’ils n’aient pas été au courant. La police doit s’orienter pour chercher les vrais coupables et les arrêter.»

Il ajoute qu’il ne faut pas pénaliser la mère ni les enfants par rapport à un droit de visite. «Une visite supervisée par la police entre mère et les enfants» devrait être possible dans cette affaire.

Nous avons rencontré la grand-mère maternelle des enfants. Elle indique qu’elle a formulé une demande à travers son avocate Me Jenny Moteealoo et l’avouée Me Yogina Yerriah afin que la famille ait la garde des petits. «Toutes les procédures ont été enclenchées et nous nous présenterons devant le juge le 1er octobre.»

D’autre part, l’ADSU a fait une requête auprès de Paris pour un mutual legal assistance (entraide judiciaire) dans cette affaire. Pour l’heure, c’est le statu quo.