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Le Palais idéal du facteur Cheval, «sauvé» par Malraux voici 50 ans

18 septembre 2019, 17:45

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Le Palais idéal du facteur Cheval, «sauvé» par Malraux voici 50 ans

Au détour d’une rue de Hauterives, dans la Drôme, se cache le Palais idéal du facteur Cheval, construit par cet autodidacte visionnaire durant 33 ans et classé aux Monuments historiques il y a un demi-siècle, un anniversaire fêté à partir de vendredi.

André Malraux, alors ministre de la Culture, dut batailler pour obtenir le 23 septembre 1969 le classement de ce chef-d’oeuvre d’architecture naïve contre l’avis de la plupart des experts qui jugeaient le Palais «hideux» et ne cachaient guère leur mépris pour son créateur.

En plus de sanctuariser cette œuvre unique au monde, admirée par les Surréalistes, «la ténacité de Malraux a sauvé le Palais de la ruine», assure Frédéric Legros, son directeur depuis mai dernier.

«D’un songe, j’ai sorti la reine du monde», a écrit sur la façade nord Ferdinand Cheval, dont la construction de pierres, ramassées pendant ses tournées, de coquillages et de chaux modelée à la main, aurait pu disparaître.

Les structures métalliques utilisées par le facteur pour consolider son édifice de 12 mètres de haut et 26 mètres de long étaient rongées par la rouille et menaçaient de s’effondrer.

«C’était aussi un génie de la communication qui avait ouvert dès 1905 le palais au public», explique à l’AFP M. Legros. Si les visiteurs le traitaient alors «d’illuminé», ils se pressaient à Hauterives.

Débutée en 1879, la construction de ce mariage de figures oniriques, de cultures et religions d’Orient et d’Occident, s’achèvera en 1912.

Ferdinand Cheval consacrera encore sept ans à bâtir son propre tombeau, dans le cimetière voisin. «Son chef-d’oeuvre», selon le directeur.

Un tantinet mégalomane, il voulait édifier dans son Palais une sépulture «digne des pharaons». L’église et la mairie refusèrent.

Le nom de «Palais idéal» est emprunté à un poème d’un jeune Grenoblois enthousiasmé par sa visite.

De nos jours, le site attire quelque 180.000 visiteurs par an, français et étrangers, «un nombre atteint dès le 31 juillet cette année», se réjouit Frédéric Legros. Une fréquentation dopée par le succès du biopic du réalisateur Niels Tavernier, sorti en 2018.

«Et, non, rectifie M. Legros, le facteur Cheval n’avait pas construit le Palais pour sa fille Alice, morte adolescente, comme le prétend le film. Et le croit, du coup, une partie du public».

«Travail d’un seul homme»

Ce monument où coexistent une mosquée, un temple hindou, un château médiéval, Vercingétorix, César et Archimède, des figures d’animaux ou des sculptures «des temps primitifs», est depuis 1994 propriété de la commune.

Il a été depuis plusieurs fois restauré, du béton injecté sous sa base...

Ferdinand Cheval (1836-1924) avait d’abord été boulanger. «Cela lui a donné une incroyable dextérité pour +pétrir+ la chaux», relève M. Legros.

Son idée de «temple de la nature» jaillit quand il trébuche sur une pierre à la forme bizarre. Il la baptise «pierre d’achoppement» et la placera sur la terrasse du Palais, qui comprend aussi «grottes» et galeries intérieures.

Jamais cet homme, qui revendiquait sa condition de «paysan, fils de paysan», n’avait vu d’éléphant ou de guépard, encore moins de temples orientaux. Il les réinvente à partir de cartes postales ou de magazines illustrés. Et, pour instruire le visiteur, grave des légendes sous les sculptures.

Le facteur inscrit aussi ses pensées sur les façades: «Obstinément le rêve», «Un génie bienfaisant m’a tiré du néant», «Travail d’un seul homme»...

A l’occasion du 50e anniversaire, un carnet inédit de dessins de Picasso, hommage au facteur Cheval daté de 1937, sera présenté pour la première fois au public à partir de vendredi, pendant les Journées du Patrimoine. Picasso avait visité le Palais avec Dora Maar et Paul Eluard.

La maison du facteur, la Villa Alicius, ouverte pour la première fois aux visiteurs, accueillera l’exposition «Le vent et les oiseaux m’encouragent», avec des oeuvres d’Ali Cherri --qui expose aussi dans le jardin sa «Machine volante»--, un tableau en plumes de Kate MccGwire ou des photos d’oiseaux de Jean-Luc Mylayne.

La «Cage mangeable», une oeuvre de Fabrice Hyber, sera également exposée.

Et toute l’année, se succèderont des expositions de grandes figures de l’art moderne comme Picasso et d’artistes contemporains.