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Affaire d’appartenance ethnique: Eddy Balancy ne va pas se récuser

17 septembre 2019, 10:58

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Affaire d’appartenance ethnique: Eddy Balancy ne va pas se récuser

Pour les adeptes du Best Loser System et du maintien du statu quo du système électoral, le danger s’appelle Eddy Balancy. Le chef juge – qui a lui-même affirmé que «this is a landmark case in the history of Mauritius (…) which (sic) has to be decided swiftly and quickly» – ne va pas se retirer du full bench de la Cour suprême dans l’affaire d’appartenance ethnique. Les adversaires de Rezistans ek Alternativ, parti politique qui demande que tout citoyen puisse se porter candidat sans avoir à décliner son appartenance ethnique, notamment l’Electoral Supervisory Commission, l’Electoral Commission et même l’Attorney General, lui avaient demandé de se retirer du panel des juges qui écoutent l’affaire. La raison : Eddy Balancy avait, le 10 juin 2005, donné gain de cause à Rezistans ek Alternativ dans le même procès. On était alors au tout début de ce combat politico-judiciaire. Quatorze ans plus tard, et après des appels au Privy Council ou encore au Comité des droits de l’Homme des Nations unies, l’affaire traîne. Mais elle prend un coup d’accélérateur aujourd’hui, mardi 17 septembre.

Ces derniers mois les débats ont été longs et tendus entre lui et ceux qui veulent son départ. Au final, la cour, après avoir étudié les jurisprudences locales (l’affaire Hurnam par exemple), et internationales (l’affaire Pinochet), a estimé que le juge doit décider seul et sans devoir d’explications à qui que ce soit s’il doit se retirer ou non. Eddy Balancy a décidé de rester. 

«Avec ou sans Balancy, à un moment donné, la Cour suprême devra dire s’il est normal de rejeter la candidature d’un citoyen qui ne veut pas et qui ne peut pas se classifier ethniquement», explique Ashok Subron, animateur de Rezistans ek Alternativ à qui nous avons demandé de contextualiser l’événement du jour. «C’est triste que l’État ait réduit pour le moment le débat à la présence ou non d’un chef juge au sein du panel de juges. Pendant ce temps et au lieu de cela, l’exécutif aurait pu et aurait dû s’atteler à améliorer sa proposition de réforme électorale en enlevant les éléments absurdes comme la nomination post-électorale des députés par leur leader.»

Let’s talk about six baby

C’est justement là que tout le scénario devient intéressant. Certains l’ont peut-être oublié, mais Pravind Jugnauth a bien gardé une carte en main. En proposant, en décembre 2018, sa réforme basée essentiellement sur l’ajout de 12 députés élus à la proportionnelle et 6 à 10 députés (Best Loser Seats) choisis après les élections, le Premier ministre s’est arrêté au stade de Second Reading à l’Assemblée nationale. Ce qui lui laisse aujourd’hui la possibilité d’amender sa proposition, pour non seulement se conformer à un éventuel jugement favorable à Rezistans ek Alternativ mais aussi pour tenter de séduire, devinez qui ?… le MMM !

Le hasard comptable fait qu’aujourd’hui après la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo et l’apport de Kavy Ramano, l’alliance MSM-ML-OPR compte 45 députés sur 68. Il ne manque que six voix à Pravind Jugnauth pour faire voter sa réforme. Et devinez combien d’élus compte le MMM ? Six précisément. Un député mauve qui n’a pas souhaité être nommé a souri quand nous lui avons posé la question. «Si vous écrivez noir sur blanc qu’entre alliance politique et décision de voter un projet de réforme amélioré, il y a une énorme différence, oui vous pouvez écrire que le MMM va étudier la question si elle se pose», dit-il.

Le 4 avril 2019, Pravind Jugnauth avait de son côté répondu, à une question d’Alan Ganoo sur cette réforme, que sa proposition est toujours ouverte à des discussions et qu’«il ne faut jamais dire jamais». Il peut envisager une réforme électorale historique, 50 ans après l’Indépendance, et ainsi écrire son nom dans les annales du pays.

De plus, le différend avec le MMM sur le contenu de la loi n’est pas insurmontable. Le 23 septembre 2018 au Plaza, à l’occasion des 49 ans du MMM, le leader du parti n’avait exprimé que deux réserves. D’abord que la proportionnelle, selon la réforme de Pravind Jugnauth, n’altère pas la différence numérique entre majorité et opposition, et ensuite qu’un leader puisse choisir à l’issue du verdict des urnes, «6 à 10 dimunn ki pa koné kot sorti pou mét zot dan parleman. Apé légaliz linpost !»

Ainsi le Premier ministre peut quasiment éliminer les députés choisis par les leaders, augmenter le nombre de sièges à la proportionnelle tout en ajoutant de l’eau à son vin sur la question de l’incidence des sièges à la proportionnelle sur l’écart entre majorité et opposition. «La seule raison qui pourrait nous pousser à revoir notre proposition et changer ces deux éléments en espérant un vote du MMM serait une pression du judiciaire», analyse de son côté un membre du cercle de Pravind Jugnauth. «Le MMM tombe en ruine, et nous allons lui offrir la proportionnelle qui pourrait lui sauver la vie sur un plateau ? Il ne faut quand même pas rêver. Laissons la cour statuer et nous verrons. Il ne faut pas oublier dans votre analyse que Pravind Jugnauth a aussi déclaré en mars à l’Assemblée nationale qu’il est un juriste et qu’il ne voit aucun problème à tenir les prochaines élections.»

Toutefois cet argument sonne comme un bluff aux oreilles d’Ashok Subron. «Nous allons maintenir notre pression en cour et insister qu’un statu quo pourrait conduire à l’invalidation des prochaines élections.»

La partie de poker électoral ne fait que commencer et dixit Pravind Jugnauth, «il ne faut jamais dire jamais».

 

 

Le MSM risque plus gros

<p style="text-align: justify;">Notre interlocuteur du MSM est bien conscient des risques que comporte un pas de son parti envers le MMM sur le dossier de la réforme électorale. Le risque qu&rsquo;il ne mentionne pas cependant, pour sans doute ne pas donner du crédit au PTr, c&rsquo;est celui que le MMM vote la réforme version améliorée que lui propose le MSM, augmente sensiblement, grâce à la proportionnelle, son nombre de députés à l&rsquo;Assemblée nationale, et s&rsquo;allie après les élections avec le Parti travailliste.</p>

 

 

Ingratitude

<p style="text-align: justify;">Le judiciaire est un monde où l&rsquo;on sourit mais où tous les coups sont permis. Eddy Balancy en a fait l&rsquo;amère expérience avec ce procès. C&rsquo;est lui qui a suggéré à Rex Stephen, l&rsquo;avocat de Rezistans ek Alternativ, d&rsquo;ouvrir l&rsquo;affaire à l&rsquo;<em>Electoral Supervisory Commission</em> et l&rsquo;<em>Electoral Commission. </em>Rex Stephen a agréé, et une fois dans le procès, ces deux instances ont exigé qu&rsquo;Eddy Balancy se retire !</p>

 

 

La difficulté d’un nouveau mini-amendement

	<p style="text-align: justify;">Pravind Jugnauth peut-il, comme Ramgoolam en 2014, proposer un miniamendement constitutionnel pour que les élections aient lieu sans embrouille avec Rezistans ek Alternativ ? Techniquement oui, mais ce n&rsquo;est pas simple. Car les sièges de Best Loser en 2014 avaient été alloués sur une moyenne de musulmans, hindous, sino-mauriciens et<em> &laquo;population générale&raquo; </em>élus depuis les élections de 1976. Or, pour un nouveau calcul, il faudrait cette fois ajouter une autre catégorie dans la moyenne de sièges à allouer : ceux qui n&rsquo;avaient pas décliné leur appartenance ethnique. Le Parlement actuel en compte 16 dont un certain&hellip; Pravind Jugnauth lui-même !</p>
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