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Offshore: le centre financier de Gujarat, sérieux concurrent de Maurice

29 août 2019, 15:45

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Offshore: le centre financier de Gujarat, sérieux concurrent de Maurice

Attirer des investisseurs étrangers à travers son centre financier au lieu de passer par Maurice ou Singapour. C’est, entre autres, la raison pour laquelle la GIFTCity propose le congé fiscal de dix ans.

Finies les juridictions intermédiaires dans le Global Business. L’Inde enfonce le dernier clou dans l’axe Port-Louis–Mumbai. Et cela, avec l’introduction d’un congé fiscal de dix ans aux opérateurs des fonds d’investissements et des sociétés de gestion. Objectif : réduire la dépendance indienne sur la juridiction mauricienne pour attirer des investissements directs étrangers sur cette route.

Une démarche qui a choqué plus d’un dans le Global Business dans la mesure où le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait invité les opérateurs, lors de son discours durant la présentation du Budget 2019-20, à prendre avantage des opportunités qu’offre la Gujarat International Finance Tec-City (GIFT-City).
 
«Depuis longtemps, l’Inde souhaite réduire sa dépendance sur les juridictions intermédiaires comme Maurice, Singapour ou les Pays-Bas, pour attirer directement des investisseurs étrangers à travers son centre financier au lieu de passer par Maurice ou Singapour. Jusqu’à tout récemment, le pays n’était pas encore doté d’un écosystème en termes d’infrastructure financière. Mais aujourd’hui avec le centre international de finance offshore, c’est chose faite», explique Anthony Leung Shing, Country Senior Partner chez PwC.

Pour Marc Hein, Senior Counsel, et Arvin Halkhoree, Senior Associate Barrister de Juristconsult Chambers, la mise sur pied de la GIFT-City est l’illustration même de la volonté de l’Inde de créer son propre centre financier sur son territoire dans le but de récupérer le business qui se fait dans d’autres juridictions. «La GIFT-City a été conçue comme une zone économique spéciale qui offre un cadre réglementaire spécifique, distincte de la législation indienne. Elle offre une fiscalité attractive et compétitive afin de concurrencer les autres centres financiers internationaux.»

 Ceux qui investissent en Inde ont donc le choix de passer par la GIFT au lieu de passer par d’autres centres financiers concurrents comme Singapour, Dubaï ou Maurice, poursuit-on. Et Marc Hein de préciser que le centre financier du Gujarat, opérationnel depuis plusieurs années, ne fait qu’adopter la même posture que celle de Maurice, il y a dix ans. 

Du coup, les opérateurs craignent que la GIFT-City ne devienne un concurrent direct à la juridiction mauricienne, déjà fortement fragilisée et dépouillée de ses attraits suivant l’amendement apporté au Double Taxation Avoidance Agreement (DTAA) en mai 2016. 

Ainsi, un opérateur du secteur des services financiers, qui n’a pas souhaité décliner son identité, estime que «Maurice s’est fait littéralement mener en bateau par l’Inde». Il se demande pour quelle raison ceux qui ont eu pour responsabilité de renégocier le DTAA sur une demande express de l’Inde ne soient pas parvenus à détecter la stratégie cachée de la Grande péninsule : soit de faire exactement ce qu’elle reprochait à Maurice en adoptant un régime d’impôt flexible et libéral.
 
Loin d’estimer ou de suggérer que Maurice a joué la carte de la naïveté, notre interlocuteur est d’avis que Port-Louis a assumé la responsabilité qu’elle croyait être la sienne, notamment pour dissiper toute mesure susceptible de taxer Maurice de discrimination envers les hommes d’affaires locaux.
 
«Avec la décision du centre financier du Gujarat d’offrir des conditions qui sont semblables à celles proposées par Maurice avant l’amendement fiscal, la concurrence entre le centre financier mauricien et celui du Gujarat pour attirer les investisseurs étrangers ne va pas se faire sur un pied d’égalité. C’est carrément deux poids, deux mesures.» 

D’autres spécialistes considèrent que l’Inde a fait croire que le centre offshore mauricien était une passoire pour blanchir de l’argent sale et avait ainsi présenté un cas solide aux autorités mauriciennes pour amender le traité fiscal et obtenir dans le cadre de ses négociations les droits exclusifs de taxer la Capital Gains Tax. «Or, aujourd’hui, nous sommes obligés de croire que l’Inde avait un agenda clair quant à son positionnement, voire son intérêt dans le Global Business.» 

Dans cette équation, Maurice, avec sa juridiction financière, sera à la traîne face à la GIFT-City, à Singapour et aux centres internationaux. Dev Erriah, fiscaliste, propriétaire d’Erriah Chambers, n’est pas aussi pessimiste. Certes, la situation est difficile, mais il pense qu’il faudra capitaliser sur des créneaux niches pour survivre dans ce secteur. 

«Il faut comprendre l’Inde ne se comporte plus comme un Big Brother auprès des États amis. La Grande péninsule est une puissance économique et entend défendre cette posture en poursuivant de grandes réformes pour moderniser son architecture économique et soutenir sa croissance. L’avènement de la GIFT-City s’inscrit dans sa volonté de se positionner dans ce secteur.»

Annoncé dans le dernier exercice budgétaire par la ministre des Finances indienne, Nirmala Sitharaman, le congé fiscal de dix ans permettra, selon les spécialistes de ce secteur, de ratisser large. «Aujourd’hui, la durée de vie d’un fonds d’investissements est de dix ans. Donc, les investisseurs vont se bousculer au portillon de la GIFT-City pour prendre avantage de cette facilité, quitte à rédomicilier leurs investissements dans une autre juridiction.»

Et d’ajouter que le principe de ce centre financier est d’offrir un cadre réglementaire spécifique largement distinct de la législation indienne pour permettre aux intervenants indiens et étrangers d’offrir toute la gamme des services financiers offshore. Ce, avec des transactions effectuées en dollars et une fiscalité spécifique et attractive mise en place.

Visiblement, Maurice ne pourrait se battre à armes égales. Le pays doit se développer en s’appuyant sur la spécificité de son nouveau business model.

L’accord de libre-échange avec l’inde bientôt une réalité 

<p style="text-align: justify;">Les négociations ont débuté il y a près de 15 ans. La signature de l&rsquo;accord de libre-échange entre Maurice et l&rsquo;Inde sera bientôt une réalité. L&rsquo;objectif est de créer des conditions propices en vue de développer davantage le commerce et l&rsquo;investissement bilatéraux. C&rsquo;est ce que rapporte la presse indienne dont le site renommé Moneycontrol. Selon un article publié mardi soir sur le site, la signature de cet accord bilatéral figurera à l&rsquo;agenda du Conseil des ministres de l&rsquo;Inde dans les jours à venir et sera finalisée. L&rsquo;accord est officiellement connu comme le <em>&laquo;Comprehensive Economic Cooperation and Partnership Agreement&raquo;</em> et les discussions avaient débuté en 2005. La signature a été à maintes reprises retardée car selon certains experts, l&rsquo;accord n&rsquo;aurait pas <em>&laquo;largement bénéficié&raquo;</em> à l&rsquo;Inde comparativement à Maurice notamment en ce qui concerne le textile mauricien. Les Indiens craignaient que le textile mauricien soit plus compétitif sur le marché international. En même temps, selon les observateurs, ne pas conclure le pacte de libre-échange avec Maurice laisse l&rsquo;Inde <em>&laquo;en arrière-plan&raquo;</em> vis-à-vis de la Chine avec qui Maurice a déjà conclu un accord similaire. La signature de l&rsquo;accord permettra en effet d&rsquo;améliorer sa présence stratégique dans l&rsquo;océan Indien. Toujours selon la presse indienne, les deux pays sont parvenus à un compromis lors de la dernière visite de Pravind Jugnauth en Inde en mai dernier.</p>

Gift-city. Des activités internationales qui pèsent 56 milliards de USD

<p style="text-align: justify;">La GIFT-City ne propose pas que le congé fiscal de dix ans. L&rsquo;exemption fiscale s&rsquo;applique aussi sur la<em> &laquo;dividend distribution tax&raquo;</em>, sur les plus-values ou encore sur les intérêts des prêts déboursés aux étrangers. Par ailleurs, les activités internationales de ce centre international financier pèsent aujourd&rsquo;hui 56 milliards de USD.</p>