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Whistleblowers: il n’est pas dans l’intérêt des politiciens de vous protéger !

25 août 2019, 22:15

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Whistleblowers: il n’est pas dans l’intérêt des politiciens de vous protéger !

Durant la semaine écoulée, ceux qu’on appelle les «whistleblowers» ont fait remonter à la surface des additions que le ministre Sinatambou n’aurait pas réglées. Mais qui sont ceux qu’on appelle les lanceurs d’alerte ? Décryptage.

Il y a d’un côté ceux qui abusent de leur position et de l’autre, ceux qui ne peuvent le tolérer et qui bravent tout pour les dénoncer. Ces derniers, on les appelle des lanceurs d’alerte, en anglais : les whistleblowers. Non, ils ne se baladent pas sifflet au cou mais se débrouillent pour alerter les autorités ou la presse sur les agissements de ceux qui ont recours à des pratiques qui frôlent l’illégalité ou qui ne sont pas éthiques.

Cette semaine, les langues se sont déliées sur les additions non-réglées des repas du ministre Etienne Sinatambou. Suivant cela, un fonctionnaire a été suspendu, soupçonné d’avoir fait fuiter des informations. Nous nous sommes intéressés au sort des lanceurs d’alerte. Nos interlocuteurs sont catégoriques : instaurer des lois pour la protection des whistleblowers serait une épée à double tranchant pour les ministres. Ils seraient les premiers à en faire les frais au moindre faux pas.

Imaginez qu’un fonctionnaire puisse, impunément, se rendre à la police pour dénoncer son ministre tout en ayant l’assurance qu’il préserve son poste. Une enquête serait ouverte, le ministre éventuellement suspendu de ses fonc-tions et cela découragerait les abus à tous les niveaux du gouvernement. Oui, mais actuellement, les lois mauriciennes ne permettent pas encore cela. Pourtant, le Public Service Bill aurait pu nous rapprocher de cette image irréelle. Le syndicaliste Rada Krishna Sadien, président de la State Employees Federation, avance que ce projet de loi fait bel et bien provision pour la protection des fonctionnaires.

«Aujourd’hui, le plus gros problème dans la fonction publique c’est que toutes les institutions sont politisées. Au lieu de chercher où se trouve le problème dénoncé par le fonctionnaire, l’on ira chercher qui est le fonctionnaire qui a alerté les autorités. Les travailleurs de la fonction publique sont terrorisés. Ils ne prendront pas le risque de dénoncer leur ministre», déplore le syndicaliste.

C’est l’Official Secrets Act qui est donc pointé du doigt. Le syndicaliste de la fonction publique explique que cette loi interdit à un fonctionnaire de faire une déclaration à la presse. «C’est ce qui explique les lettres anonymes. C’est le seul moyen que choisissent la plupart des fonctionnaires pour dénoncer des pratiques douteuses», poursuit-il. Rada Krishna Sadien avait également proposé à ce que la loi fasse provision pour un Ombudsperson for Public Sector. Il s’agit d’une personne indépendante dotée d’une capacité d’enquêter, qui garantirait la protection des sources.

Une autre loi qui aurait pu agir comme protection pour tous les lanceurs d’alerte : la Freedom of Information Act. La fameuse loi que le gouvernement Lepep avait promis d’instaurer dès sa prise de pouvoir… et qui n’a jamais vu le jour. Pourtant, avec celle-ci, n’importe quel citoyen mauricien aurait eu accès à n’importe quelle information, sans aucune contrainte.

Me Akhil Bissessur, qui a été appelé à défendre ou à conseiller légalement des whistleblowers, indique, lui, qu’il existe quand même un cadre légal qui sert de protection aux lanceurs d’alerte. Sans forcément que ce terme ne soit utilisé. Il précise que l’article 43 de la Prevention of Corruption Act (PoCA) indique que n’importe qui peut verbalement ou par écrit dénoncer un abus sans décliner son identité. «Il ne s’agit pas d’une personne ayant été directement victime d’une offense. Il s’agit là de n’importe qui voudrait alerter d’une pratique incorrecte. Cela comprend les whistleblowers. Ceux qui n’ont pas forcément de locus standi pour dénoncer un abus car celui-ci ne leur a pas causé préjudice. Mais, soutient l’homme de loi, sous cette section de la PoCA, ils peuvent quand même faire bouger les choses.» Ce qui permet aux institutions comme l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) de commencer une enquête. «L’ICAC a même le devoir de commencer une enquête. Prenons le cas où une mauvaise pratique est dénoncée dans la presse, l’organisme peut commencer par chercher des informations à ce sujet. Une dénonciation dans la presse est une raison suffisante. Une information donnée au Parlement est une raison suffisante», étaye l’avocat.

En Angleterre, une loi fait primer l’intérêt public

Et si à Maurice on brandissait le carton «intérêt public» pour justifier la dénonciation d’une mauvaise pratique ? Pas sûr que cela suffise. En tout cas, en Angleterre, il existe bien une loi : la Public Interest Disclosure Act de 2013. Selon le site du gouvernement britannique, cette loi protège les travailleurs d’une quelconque «victimisation» à la suite d’une dénonciation de leur employeur dans l’intérêt public. L’avantage de cette loi c’est qu’elle protège les employés du secteur privé mais aussi les fonctionnaires et les travailleurs sociaux. La loi peut couvrir les dénonciateurs pourvu que ces derniers soient en train de dénoncer une offense criminelle, une violation d’une obligation légale, une entrave à la justice, un danger à la santé d’une personne ou encore un délit environnemental.