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Krish Ponnusamy: «Lorsqu’un dîner est officiel, il y a des invitations…»

25 août 2019, 17:30

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Krish Ponnusamy: «Lorsqu’un dîner est officiel, il y a des invitations…»

Est-ce qu’un ministre peut faire payer ses consommations par son ministère ? Est-ce qu’un élu peut piocher dans les caisses publiques sans plafond ? Comment est-ce qu’un fonctionnaire valide les notes de frais d’un ministre ? Krish Ponnusamy, ancien haut fonctionnaire, revient sur le mécanisme régulant les dépenses ministérielles…

Nous entendons souvent parler d’«entertainment allowance» des élus en ce moment. C’est quoi au juste ? C’est une allocation que les ministres perçoivent pour qu’ils puissent «entretenir» leurs contacts durant le mois. La somme est sur leur fiche de paye et fait partie intégrante de leur salaire, tout comme la travelling allowance. Après, s’ils veulent l’utiliser à d’autres fins, personne n’y verra d’inconvénient. Tout comme s’ils utilisent leur travelling allowance pour faire leurs courses. Ils n’ont pas à demander la permission pour utiliser cet argent.

Pendant que nous abordons le sujet, laissez-moi vous dire en deux mots comment les ministres ont eu droit à cette allocation. Après l’Indépendance, ce privilège était réservé au Premier ministre. Par la suite, lorsque sir Gaëtan Duval a pris les commandes du ministère des Affaires étrangères, il a demandé à avoir l’entertainment allowance aussi. Puis, les ministres ont commencé à dire qu’ils sont tous égaux et méritent tous cette somme, et depuis, c’est un acquis.

Revenons-en aux factures. Dans quelles circonstances est-ce qu’un ministre peut demander à son ministère de payer ses dépenses ?
Lorsqu’il s’agit d’un déjeuner ou d’un dîner officiel, il peut demander à son ministère de le faire. Dans ce cas, il demande que l’addition soit envoyée à son ministère et le nécessaire est fait. C’est ensuite déduit d’un item budgétaire spécifique. Bon, il se peut aussi que l’élu demande qu’une note personnelle soit transmise à son ministère et qu’il règle par la suite, mais dans ce cas-là, il doit régler de sa poche.

Et comment fait-on pour déterminer si le repas est officiel ou pas ?
C’est là où réside la difficulté. Il faut que l’officier qui valide la note soit au courant. Je ne peux pas me prononcer sur les factures qui ont été soumises à tel ou tel ministère ou encore, de quel item budgétaire on puise l’argent. Puis, c’est simple. Lorsqu’un dîner est officiel, plusieurs personnes au sein du ministère sont au courant, il y a des invitations, des circulaires, etc. Il n’y a pas à aller chercher trop loin.

S’il y a un litige, il faut qu’une enquête approfondie soit enclenchée, savoir avec qui était le ministre, de quoi on a discuté lors du repas. Il faut aussi déterminer la nature de la fonction…

Justement, est-ce faisable ?
Regardez le cas de l’ancien ministre français de l’Écologie, François de Rugy, par exemple. Ses frais de table ont été révélés par Mediapart, et dès que l’affaire a été étalée sur la place publique et a commencé à éclabousser l’image du gouvernement, le président Emmanuel Macron a demandé une enquête. Les conclusions ont démontré qu’il y avait des frais pour des repas officiels, mais aussi des repas personnels et il a été contraint de démissionner. Donc, oui, c’est possible.

Si on comprend bien, si un repas est officiel, le ministère paye ?
Laissez-moi vous ramener quelques années auparavant, lorsque j’étais au bureau du Premier ministre. Il y avait le Government Hospitality Item. Ce fonds était réservé à l’organisation de fonctions officielles des ministères, que ce soit un petit-déjeuner ou un banquet. Lorsqu’un ministre devait recevoir, disons, un homologue étranger ou avait une session de travail qui nécessitait un hôtel ou des repas, il en faisait la demande. Il y avait une fiche à remplir et le ministre devait dire qui il recevait, donner la liste des invités, où aura lieu la fonction, la date et une estimation des coûts. Si c’était approuvé, je donnais l’aval au Permanent Secretary du ministre et lui donnais le montant approuvé.

Et aujourd’hui, comment ça se passe ?
Le système a changé. Chaque ministère a une dotation pour l’organisation de ses fonctions. Il n’y a pas d’autorisation à obtenir du Prime Minister’s Office. Le ministère gère le tout. Bon, lorsqu’il s’agit de très grosses réceptions, là c’est une autre histoire.

Parlons de ces repas officiels. Est-ce qu’il y a un plafond pour les dépenses ?
Il n’y a pas de plafond, il n’y a pas de hard and fast rules pour ces dépenses. Dans le temps, lorsque la somme était décaissée du Government Hospitality Item, l’organisateur savait qu’il ne devait pas dépasser le montant. Aujourd’hui, comme le ministère gère tout en interne, il faut prendre en considération l’élément de «reasonableness». Comme dans toute chose, c’est l’excès qui nuit. Regardez l’affaire De Rugy. Ce sont les images des excès qui ont frappé et scandalisé la population.

Visiblement, le système de validation des fonctions officielles à régler comporte des failles aujourd’hui…
Vous savez, il y a des failles dans tout système qui n’est pas soumis à une évaluation de temps en temps. Il y a des loopholes administratives. Lorsque ces problèmes sont détectés, c’est à l’administration et à l’exécutif de prendre les mesures nécessaires pour les corriger.