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Grève des généralistes: la santé publique bientôt paralysée

20 août 2019, 22:15

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Grève des généralistes: la santé publique bientôt paralysée

Ils ont décidé de mettre leur menace à exécution. Les 1 200 médecins généralistes employés par la fonction publique et répartis dans les cinq hôpitaux régionaux ont l’intention d’enclencher un mouvement de grève à partir du 11 septembre. Cela, en dernier recours, étant donné que leurs négociations en vue d’améliorer leurs conditions de travail ont échoué devant la Commission de conciliation et médiation. Conséquence : tout le système de santé publique risque d’être paralysé…

La Medical Health Officers Association (MHOA) a rencontré la presse hier, en compagnie du syndicaliste Narendranath Gopee. Le Dr Vinesh Sewsurn, président de l’association, a expliqué les raisons qui ont poussé les médecins généralistes à choisir l’option de grève… illimitée. La raison principale demeure le Shift System. Introduite en 2016, d’abord sur une base pilote, cette procédure a toujours créé des étincelles entre le ministère de la Santé et les généralistes.

L’épine principale demeure le nombre d’heures hebdomadaires que doivent accomplir les médecins. Selon eux, un jugement de la Cour suprême, datant de 1995 et qui fait office de jurisprudence, donne aux médecins «le droit acquis de travailler 33 heures par semaine». Or, sous le présent Shift System, le nombre d’heures est passé à 40. Les négociations pour changer la donne ont débuté il y a trois ans (voir hors-texte).

Mais le mois dernier, les deux parties sont arrivées à une impasse. «90 % des médecins généralistes sont en faveur d’une grève. C’est ce qu’on a constaté lors d’une étude menée dans les cinq hôpitaux. Du lundi 26 au vendredi 30 de ce mois, on procédera à un exercice à bulletin secret (NdlR : voir ci-contre). Nous sommes confiants de rallier la majorité absolue, soit 51 % des médecins, pour aller de l’avant avec cette grève», affirme le Dr Vinesh Sewsurn.

Faire le strict minimum

Le mouvement touchera-t-il tous les départements ? À première vue, non. Les médecins continueront à travailler aux urgences (casualty wards) mais ils feront «le strict mininum». Selon nos informations, une centaine de généralistes sont en service dans ce département important, qui opère sur une base 24/7.

Cependant, le reste, soit autour d’un millier, est affecté à d’autres départements tout aussi importants. À l’instar de la pédiatrie, la chirurgie, les salles où sont admis les patients ou encore le département «outpatient».

Cette situation risque de bouleverser les Mauriciens. «Les patients qui vont à l’hôpital pour des rendezvous, par exemple, ne trouveront plus de médecins pour s’occuper d’eux. Ce sera inévitable, les patients vont casquer», souligne- t-on dans les milieux hospitaliers. Un scénario qui inquiète Ram Nowzadick, président de la Nursing Association. Interrogé, il souligne : «Qui dit grève, dit une paralysie du système de santé». Car lorsqu’un patient se rend à l’hôpital, il doit d’abord se faire examiner par un médecin avant que les infirmiers ne puissent lui procurer les traitements nécessaires. «Sans les médecins généralistes, on ne peut pas préparer les patients pour la chirurgie. Ou encore assurer le suivi pour les patients admis. Les plus grands perdants en cas de grève seront les patients», observe-t-il.

Cela n’est-il pas contraire au serment d’Hippocrate ? Nous avons posé la question au Dr Vinesh Sewsurn. «Il ne faut pas utiliser le serment d’Hippocrate comme notre faiblesse. Nous assurerons quand même le service minimum. Il faut comprendre que cette décision a été prise après trois ans de négociations acharnées qui se sont soldées par un échec. Les médecins n’en peuvent plus.» Il ajoute que les 1 200 medical health officers/senior medical health officers, employés dans les hôpitaux, sont tous appelés à effectuer 40 heures de travail depuis la réintroduction du Shift System en 2016.

Pas de «Roster» défini

Le Dr Vinesh Sewsurn ajoute qu’il n’y a pas de roster défini. «Certains médecins travaillent tous les jours alors que le système de rotation prévoit des jours de congé. Dans certains départements, on n’est pas encore arrivé à des shifts. Les médecins généralistes travaillent selon l’ancien système car il n’y a pas suffisamment de médecins qualifiés dans des départements spécialisés tels que les soins intensifs, l’anesthésie et le service néonatal. Donc, les médecins viennent travailler tous les jours et, à tour de rôle, ils travaillent la nuit.»

Si certaines sources au ministère de la Santé avancent que les médecins généralistes souhaiteraient avant tout être payés pour les 40 heures, le président de la MHOA dément formellement cette affirmation. «Notre salaire est établi par le Pay Research Bureau (PRB). Si cela avait été une question d’argent, on aurait été voir le PRB directement. Or, il y va d’une violation de notre droit acquis. On n’est pas contre le Shift System. On est pour un système qui améliore le service. » Il fait ressortir qu’un vrai Shift System comprend un service complet.

Ce n’est pas le cas actuellement car, selon des médecins généralistes, le système actuel ne leur permet pas d’accorder plus de deux minutes à chaque patient. «On voudrait augmenter le temps accordé à chaque patient. De 8 à 9 minutes seraient bien mieux, puisqu’on se dirige vers les normes internationales. En Suède, c’est 15 minutes par patient, en France de 12 à 14 minutes et en Australie 16 minutes», assure-t-il.

Le gouvernement compte-t-il laisser faire et prendre le risque que le système de santé publique soit paralysé en cette période pré-électorale ? Sollicitée, une source officielle de la Santé avance qu’il s’agit d’une «énième menace de grève des médecins généralistes». Et que le Shift System a été introduit à la demande des médecins eux-mêmes.

«Son introduction fait suite à la recommandation du PRB. Les médecins généralistes doivent assumer leurs responsabilités et honorer le serment d’Hippocrate. Cet acte peut affecter le système et ce sont les patients qui vont en souffrir. D’ailleurs, le système de 40 heures pour les médecins est en vigueur à travers le monde», fait ressortir cette même source. En cas de grève, les médecins généralistes risquent-ils de subir des conséquences ? On n’aura pas de réponse à cette question pour l’heure.

Quant au Dr Dushyant Purmanan, président de la Government Medical and Dental Officers Association, qui regroupe les médecins spécialistes, il soutient totalement le mouvement de grève que souhaitent entreprendre ses collègues généralistes. «Ils revendiquent leurs droits qui n’ont pas été respectés jusqu’à présent. Les médecins ne peuvent pas se plier à tout ce que demande le ministère de la Santé», fait-il valoir.

Quid des patients qui seront inévitablement pénalisés ? «À la longue, ce sont les patients qui bénéficieront des changements que les généralistes visent à apporter. Pour le moment, les consultations se font avec les moyens du bord.»

 

Traitement contre le cancer: MedPoint ouvrira ses portes en décembre

<p style="text-align: justify;">Longuement désiré, l&rsquo;hôpital réservé aux patients atteints de cancer devrait ouvrir ses portes en décembre. C&rsquo;est ce que l&rsquo;on avance au ministère de la Santé. Un préposé du ministère soutient que le plan des travaux est suivi à la lettre et que d&rsquo;ici la fin de cette année, l&rsquo;hôpital pourra accueillir ses premiers patients. C&rsquo;est la firme indienne <em>Swadeshi Civil Infrastructure Pvt. Ltd</em> qui a obtenu le contrat d&rsquo;environ Rs 1 milliard pour la construction de ce centre de cancérologie. La société devra aussi s&rsquo;assurer de l&rsquo;achat des équipements. Par ailleurs, en ce qui concerne l&rsquo;hôpital de Vacoas, nommément le<em> Ear, Nose and Throat Hospital (ENT)</em>, l&rsquo;ouverture est prévue d&rsquo;ici septembre. Le pays sera aussi doté de deux autres établissements hospitaliers, comme annoncé par le Premier ministre à Calebasses dimanche soir, lors du 52e anniversaire du Human Service Trust. Un à Flacq et l&rsquo;autre à Moka. Ces deux projets seront réalisés par des firmes indiennes.</p>

 

 

Historique d’un litige qui dure trois ans

<p style="text-align: justify;">Cette bataille dure depuis 2016, soit depuis l&rsquo;introduction du <em>&laquo;Shift System&raquo;</em>. Devant des discussions qui n&rsquo;aboutissaient pas, la<em> Medical Health Officers Association (MHOA) </em>a décidé de porter l&rsquo;affaire à la Commission de conciliation et médiation. Cela, pour demander que leur nombre d&rsquo;heures de travail par semaine soit ramené à 33 comme stipulé dans un jugement de la Cour suprême, prononcé par feu Henry Garrioch, ancien chef juge en 1970. Plus récemment, en 1995, l&rsquo;actuel chef juge Eddy Balancy avait également cité ce cas dans le cadre d&rsquo;une affaire portée par le Dr Satish Kumar Dabee, ancien secrétaire de la MHOA. Ces jugements n&rsquo;ont fait objet d&rsquo;aucun appel, ce qui, selon les médecins, est un <em>&laquo;droit acquis&raquo;</em>. Par ailleurs, le Dr Vinesh Sewsurn trouve surprenant que le pouvoir exécutif remette en cause une décision du judiciaire. <em>&laquo;Le ministère de la Santé a fait comprendre que le Conseil des ministres a validé les 40 heures hebdomadaires que doivent couvrir les généralistes. Ce n&rsquo;est pas normal.&raquo;</em></p>

 

 

Vote par bulletin secret

<p style="text-align: justify;">Dans un communiqué envoyé à ses membres, la MHOA indique que le vote par bulletin secret, en faveur de la grève, devrait se tenir du 26 au 30 août, de 7 h 30 à 17 heures. Ainsi, l&rsquo;exercice devrait se faire le 26 août à l&rsquo;hôpital Jawaharlal Nehru, le 27 août à l&rsquo;hôpital Victoria, le 28 août à l&rsquo;hôpital SSRN, le 29 août à l&rsquo;hôpital Jeetoo et le 30 août à l&rsquo;hôpital de Flacq.</p>