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Mauritius Leaks: le pschitt de l’été ?

31 juillet 2019, 21:15

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Mauritius Leaks: le pschitt de l’été ?

Depuis quelques jours, nous sommes amenés à nous interroger, dans le sillage de l’agitation générée par le Consortium international de journalistes d’investigation concerné et de ses communications sous l’intitulé de «Mauritius Leaks» selon lesquelles les conventions fiscales conclues par l’île Maurice avec ses cocontractants africains seraient critiquables.

Au préalable, pour éviter un mauvais procès, il semble opportun de rétablir quelques faits importants pour rectifier quelques inexactitudes propagées à cette occasion : si l’île Maurice est un paradis, il n’est pas fiscal au sens de la définition habituellement donnée par l’OCDE. Font partie de cette catégorie les États qui cumulent certains critères. Parmi ceux-ci : – une fiscalité quasi inexistante, – une absence de régulation et – une opacité concernant ses acteurs économiques. En l’espèce, pour rappel, le taux d’imposition de droit commun des personnes morales et physiques à Maurice est de 15 % (soit un taux plus important que des pays membres de l’Union européenne, telle l’Irlande). Les sociétés du secteur des services dit du «Global Business» sont particulièrement régulées (avec la Financial Services Commission (FSC) agissant en qualité d’autorité de tutelle et les Management Companies pour la relayer avec une double casquette de prestataire de services et d’auxiliaire de la FSC). Enfin la vaste majorité des conventions fiscales conclues par Maurice contiennent des clauses dites d’assistance administrative et d’échange d’informations avec les administrations des États signataires. À ce sujet, il convient de rappeler que le dernier Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations a jugé que Maurice répondait bien aux attentes sur ce thème.

Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler la récente réforme des sociétés du secteur du Global Business, soit les sociétés dites GBC1, le nouveau régime fiscal dorénavant applicable à ces entités et les nouvelles exigences concernant notamment leur substance pour répondre aux attentes de l’OCDE. Cette organisation a eu plu- sieurs fois l’occasion de confirmer que Maurice (qui ne figure sur aucune liste noire de paradis fiscaux) répondait largement aux critères destinés à lutter contre la fraude et les pratiques fiscales dommageables.

Le zèle qu’apporte Maurice depuis maintenant quelques années pour apparaître comme le bon élève de la communauté internationale ne s’arrête pas à ses actions concrètes précitées pour améliorer la transparence et la bonne gouvernance des sociétés locales. Il s’étend également au vaste mouvement initié par l’OCDE pour lutter contre l’érosion des bases imposables (BEPS) : pour y contribuer, Maurice a déjà entamé la renégociation spontanée de 19 de ses conventions fiscales internationales pour s’assurer que celles-ci répondent parfaitement aux standards pour mener cette lutte.

«Si les conventions fiscales inspirées du modèle ocde avaient pour effet d’appauvrir un état cocontractant au détriment de l’autre, ce type d’instrument économique bilatéral aurait été depuis longtemps dénoncé.»

Il est donc important de noter que les critiques des journalistes précités sur ces questions appartiennent depuis quelque temps mainte- nant à une période révolue (avant la réforme du régime fiscal des sociétés GBL) et ne sont pas fondées aujourd’hui pour l’essentiel. Leurs commentaires erronés doivent cependant être dénoncés (Fake) car toute opération de désinformation adressée à une large audience, souvent non spécialiste de ces questions techniques, arrive néanmoins à susciter le doute chez de nombreux lecteurs. Les concernés s’exposent donc à des actions judicaires en réparation d’un tel préjudice.

Au passage, il convient de souligner le caractère à la fois injuste, inéquitable, amoral et dommageable d’une telle démarche pour un micro État comme Maurice qui tente de se développer avec ses ressources limitées dans le strict respect de la législation internationale.

De l’utilité des conventions fiscales en général et de celles conclues entre Maurice et les États africains en particulier

Malgré ce qui précède, émerge maintenant l’idée que les conventions fiscales conclues par l’île Maurice avec ses cocontractants africains nuiraient au développement économique de ces derniers. Il est intéressant de noter à ce sujet que l’ensemble de ces conventions est calqué sur la convention modèle de l’OCDE.

Chacune d’entre elles a fait l’objet de négociations bilatérales entre les représentants des États concernés, libres de conclure ou non de telles conventions, l’intention première de ces conventions étant de rechercher ensemble comment dynamiser le développement économique des États cocontractants.

Il est intéressant de noter que le rapport de la dernière conférence des Nations unies sur le commerce et le développement économique (UNCTAD) souligne le rôle important qu’a eu l’île Maurice sur les investissements réalisés en Afrique (notamment par le biais de telles conventions).

Il est évident que tout exercice d’évaluation des bénéfices que retirent les États africains concernés ne doit pas se limiter uniquement aux recettes fiscales non collectées du fait de l’application directe des conventions fiscales concernées.

Cet exercice se doit évidemment de prendre en compte les recettes fiscales générées par les nouveaux investissements que ces conventions ont générés dans les États cocontractants par le biais des nouvelles sociétés locales qu’ils ont financées, des emplois que ces mêmes investissements ont générés, de la consommation des biens et services qui en a découlé localement et de toutes les contributions fiscales qu’ils ont permis de collecter dans ces États africains en question.

C’est ce calcul et lui uniquement qui permettra d’évaluer correctement les bénéfices de ces conventions fiscales pour les États cocontractants concernés. Ne prendre en compte qu’une partie des effets de ces conventions aboutirait donc à un non-sens économique. Cela reviendrait, pour illustrer ce propos, à un entrepreneur qui ne retiendrait que les coûts attachés à un forage, sans retenir les produits dérivés de la revente des matières premières qu’il en extrairait.

Si les conventions fiscales inspirées du modèle OCDE avaient pour effet d’appauvrir un État co-contractant au détriment de l’autre, ce type d’instrument économique bilatéral aurait été depuis longtemps dénoncé. Au lieu de cela, force est de constater qu’il s’est généralisé dans le monde entier. Qu’il y ait besoin de vérificateurs et de sanctions pour s’assurer de leur bon usage et éviter les abus (treaty shopping) est une évidence. Il ne faudrait pas pour autant «jeter le bébé avec l’eau du bain» et se passer d’un instrument économique majeur comme les conventions fiscales qui ont démontré depuis longtemps leur utilité pour contribuer au développement économique.

Pour poursuivre cette réflexion sur le bienfondé des conventions fiscales précitées, il convient de s’interroger un moment sur les motivations premières qui amènent les entreprises internationales à choisir de s’implanter à Maurice pour investir en Afrique.

L’internationalisation des opérations des entreprises met sous pression ses fonctions dites «support» situées dans son État d’origine. Pour réussir leur internationalisation, les entreprises se doivent donc de structurer des relais organisationnels pour les aider à soutenir leur croissance dans les États des différentes zones géographiques où elles se développent. L’île Maurice réunit de nombreux atouts pour justifier la localisation de ses holdings intermédiaires, quartiers généraux régionaux et autres services hubs pour l’Afrique, tels que sa stabilité politique, la sécurité qui y règne pour les biens et les personnes, le bon fonctionnement de ses institutions judiciaires, la qualité de sa main-d’œuvre locale (qualifiée, compétitive et multiculturelle) et le niveau de ses infrastructures (aériennes, portuaires et routières) pour ne citer que ceux-ci. C’est principalement ces avantages que les entre- prises viennent rechercher aujourd’hui localement et non pas le fait de ne pas ou quasiment pas payer d’impôt.

Ajoutez à cela le réseau développé de ses conventions fiscales conclues avec les États africains (destinées principalement à éviter la double imposition de mêmes flux économiques), ses conventions juridiques destinées à protéger les investissements dans les pays d’Afrique continentale et les conventions douanières conclues avec ces mêmes États et vous comprendrez pourquoi Maurice est appelée à devenir et à rester la principale porte d’entrée des investissements internationaux en Afrique.

À une époque où les entreprises sont sensibilisées à leur responsabilité sociétale et à la recherche de témoignages qu’elles pourront mettre en avant pour démontrer leur engagement sur ce thème, celles-ci sont soucieuses d’éviter les régimes fiscaux trop favorables qui les exposeraient à la critique. Ce n’est donc pas le régime fiscal raisonnable mauricien (15 % pour rappel) qu’elles recherchent lorsqu’elles décident de venir s’établir à Maurice.

Soucieuse de partager son modèle économique, qui lui a permis de réaliser ses performances économiques depuis ces dernières décennies, Maurice a bien compris que son avenir se situait sur son continent et souhaite partager ses meilleures pratiques et le fruit de son développement pour contribuer à celui de ses pays frères. Son agenda n’est évidemment pas de les appauvrir car le pays a besoin d’États africains développés pour lui permettre de continuer son propre développement. C’est dans ce contexte que d’autres traités pour la constitution de zones économiques spéciales sont en négociation et/ou ont été conclus avec le Ghana, le Sénégal, Madagascar et bientôt d’autres.

Voilà les véritables raisons pour lesquelles la vaste majorité des États africains ont conclu et/ou négocient des conventions, fiscales et autres, avec Maurice. Ces États ont compris le rôle et la contribution du traité indo-mauricien dans le développement de la Grande péninsule et souhaitent que les conventions qu’ils concluent avec Maurice puissent contribuer à leur propre développement, ce dont la vaste majorité d’entre eux n’en doutent pas. Maurice y est très favorable car le développement de ses partenaires africains impacte favorablement son propre développement (win-win).