Publicité

Espagne: Deliveroo en procès, Glovo sur la sellette

31 mai 2019, 16:38

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Espagne: Deliveroo en procès, Glovo sur la sellette

Le champion britannique de la livraison Deliveroo est sur le banc des accusés vendredi en Espagne où la Sécurité sociale l’accuse de ne pas déclarer ses employés, en pleine polémique sur les conditions de travail chez son concurrent espagnol Glovo.

«Ce ne sont pas des indépendants, ce sont des précaires», proclamait une banderole déployée par le syndicat Commissions ouvrières devant le tribunal de Madrid où s’est ouvert le procès vendredi matin.

Pour une fois, les livreurs, qui sillonnent les rues à vélo chargés de grands sacs à dos verts pour livrer des plats de restaurants chez les particuliers, n’ont pas pris l’initiative.

La plainte a été déposée par la trésorerie de la Sécurité sociale, qui réclame 1,2 million d’euros de cotisations non payées à Deliveroo.

Elle se base sur un rapport de l’inspection du travail estimant que les quelque 500 livreurs de Deliveroo à Madrid entre octobre 2015 et juin 2017 «étaient de faux indépendants, c’est-à-dire des salariés», a expliqué à l’AFP Esther Costa, avocate de sept livreurs qui se sont joints à la plainte.

«Par conséquent Deliveroo (devrait) reconnaître cette relation de travail et les inscrire à la Sécurité sociale», ajoute-t-elle.

L’année 2019 sera marquée par trois autres procès contre Deliveroo, initiés par la Sécurité sociale. Le premier s’est tenu à Valence en février -la décision n’a pas encore été rendue- et deux autres sont prévus à Barcelone et Saragosse.

Le jugement de Madrid, qui ne sera probablement pas connu avant plusieurs mois, «affectera directement le modèle de relations de travail imposé par les plateformes de l’économie collaborative dans son ensemble», estime dans un communiqué le cabinet d’avocats Colectivo Ronda.

«Deliveroo collabore avec des «riders» (livreurs) indépendants. (...) Ils peuvent choisir quand et où travailler, pendant le temps qu’ils souhaitent», a riposté la société de livraison dans un communiqué.

Mais pour Me Costa, «le contrôle de l’activité, les décisions sur l’organisation de la livraison et le risque commercial sont pris à 100% par Deliveroo. Par conséquent, Deliveroo est l’entrepreneur et les livreurs sont les travailleurs».

Selon elle, un travailleur indépendant ne serait pas soumis au contrôle permanent imposé par Deliveroo, qui réalise «un suivi minute par minute par GPS de chaque livreur, où il est, ce qu’il fait, où il va, quel chemin il prend...».

'Flexibilité' pour Deliveroo

«Ceux qui font campagne pour éliminer la flexibilité ne représentent pas l’opinion majoritaire des riders», affirme pour sa part Deliveroo, demandant une «réforme légale permettant aux entreprises d’offrir aux livreurs indépendants plus de sécurité sans mettre en danger la flexibilité».

En juin 2018, un tribunal de Valence avait conclu à l’existence entre l’application Deliveroo et un livreur renvoyé d’une relation caractérisée par une forme de «dépendance» qui est «seulement concevable dans le travail salarié».

Le procès Deliveroo se tient en pleine polémique sur les conditions de travail imposées par l’un de ses concurrents, la start-up espagnole Glovo, après la mort samedi d’un jeune livreur népalais à Barcelone dans un accident.

Le drame a déclenché des manifestations de livreurs, où des sacs à dos jaunes estampilllés Glovo ont été brûlés et des oeufs lancés sur le siège de la société.

Les manifestants dénonçaient notamment la disponibilité totale demandée par Glovo alors qu’ils sont inscrits comme «travailleurs indépendants», ainsi que la fixation d’objectifs impossibles à tenir selon eux, gérés par un algorithme qui distribue les heures de travail en fonction d’un système de notation très critiqué.

Par ailleurs de nombreux livreurs, souvent des migrants sans-papiers, travailleraient pour Glovo sans être officiellement enregistrés, en sous-louant les comptes officiels d’autres livreurs à qui ils versent une commission, selon plusieurs témoignages recueillis par l’AFP.

Le livreur accidenté semble avoir été dans ce cas. Glovo versera 20.000 euros à sa famille, «même s’il n’était pas l’un de nos collaborateurs», a indiqué un porte-parole à l’AFP.

Etoile montante du secteur qui promet de «tout» livrer, des repas aux médicaments en passant par les fleurs, la start-up espagnole a levé début mai 150 millions d’euros.