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Six mois de «gilets jaunes»: Macron respire mais reste fragile

15 mai 2019, 15:13

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Six mois de «gilets jaunes»: Macron respire mais reste fragile

 

Le 17 novembre 2018 éclataient les premières manifestations des «gilets jaunes» aux cris de «Macron démission». Six mois plus tard, le chef de l’Etat semble enfin surmonter un mouvement qui s’effiloche, mais la situation «reste explosive», selon des experts.

«Emmanuel Macron n’a pas triomphé de cette crise mais il est en train d’en sortir», résume Jérôme Fourquet, de l’Ifop.

«En terme de popularité comme en intentions de vote, son socle électoral semble stabilisé et le mouvement ne semble pas se concrétiser dans les urnes. Mais il n’est pas sans effet pour autant: il a accentué le ressentiment d’une partie de la population très hostile à Emmanuel Macron, déjà très impopulaire», souligne le politologue.

A une dizaine de jours des Européennes du 26 mai, «il est revenu à sa cote de popularité d’environ 30% d’avant la crise, avec un mécontentement de 70% dont 40% radicalisés. Le pays reste hautement inflammable, le potentiel de mobilisation contestataire demeure intact, même s’il ne prend pas forcément la même forme», précise-t-il.

«Cela a changé quelque chose en profondeur dans l’opinion», renchérit Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof. «La crise a accentué les deux tendances positive et négative: elle montre à quel point le personnage d’Emmanuel Macron a conduit la France à une situation explosive, avec sa volonté de casser, de tout réformer, son style personnel. En même temps le grand débat national montre sa capacité à relever le défi, son côté courageux et son implication personnelle».

A cause de la contestation, le chef de l’Etat a dû lâcher 17 milliards d’euros, entre une série d’aides annoncées le 10 décembre après deux samedis particulièrement violents -- prime de 100 euros pour les salariés modestes, suppression de la hausse de la CSG pour les petites retraites et défiscalisation des heures supplémentaires -- et les baisses d’impôt et la réindexation des retraites décidée le 26 avril.

«Relativement arrogant»

«Encore 40% des Français se déclarent proches des gilets jaunes même si le mouvement ne se traduit pas en succès électoral», avertit Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique d’Harris Interactive. «Alors qu’au coeur de la crise, 12% des Français comptaient voter pour une liste gilets jaunes, on en est loin aujourd’hui», au vu des intentions de vote pour la liste de Francis Lalanne (1%), des autres petites listes sans moyens.

«Mais l’image du président n’a pas changé: pour ses détracteurs, il apparaît toujours comme relativement arrogant, +le président des riches+, ni en faveur de l’égalité ni d’une politique sociale», souligne Jean-Daniel Levy.

A l’inverse, la thématique de l’ordre républicain actionnée avec cette crise a permis au chef de l’Etat de s’adresser à une partie de l’électorat de droite, en particulier une frange plutôt aisée et plutôt âgée, souligne Jérôme Fourquet, en citant le ralliement de Jean-Pierre Raffarin.

Pour Bruno Cautrès, «en voulant tellement redéfinir ce qui est juste en France, Emmanuel Macron a remis de l’huile sur le feu. Ces fractures ne se résorberont que sur le très long terme».

Les experts s’accordent pour souligner que le résultat des Européennes sera déterminant pour la suite du quinquennat. «Quand vous avez 70% d’impopularité, ce n’est pas la même chose si votre liste sort en tête, même d’un cheveu, ou si vous êtes coiffé au poteau», résume Jérôme Fourquet, en soulignant que «la radicalisation des mécontents a en tout cas permis à Marine Le Pen de reprendre la tête de l’opposition», sachant que, dès le départ, les «gilets jaunes» étaient plus proches des mots d’ordre du Rassemblement National que de celles des Insoumis.