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Algérie: dixième vendredi consécutif de manifestations contre le régime

27 avril 2019, 11:01

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Algérie: dixième vendredi consécutif de manifestations contre le régime

Les rues du centre d’Alger ont été à nouveau noires de monde vendredi, le 10e consécutif de protestation à travers l’Algérie, contre les figures du «système» restées au pouvoir après la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika.

L’importante mobilisation - impossible à évaluer précisément en l’absence de chiffres officiels -, constatée également dans d’autres villes du pays, semble montrer que les contestataires restent déterminés à obtenir satisfaction de leurs revendications prioritaires: le départ des figures du régime Bouteflika et la mise en place d’institutions de transition.

«Pas de demi-révolution», titrait en une l’édition week-end du quotidien El Watan, un appel à continuer à manifester jusqu’au départ du «système» dans son entier.

Comme chaque vendredi, le carrefour de la Grande Poste, bâtiment emblématique des manifestations à Alger, était bondé et le cortège s’est étiré sur plusieurs km le long sur divers axes, selon des journalistes de l’AFP.

Des manifestants ont accusé les forces de l’ordre d’avoir mis en place des barrages filtrants afin d’empêcher les contestataires d’accéder à la capitale.

Le cortège algérois s’est dispersé calmement en fin de journée, selon des journalistes de l’AFP. L’agence de presse officielle APS, qui a fait état des manifestations dans au moins 36 des 48 régions du pays, n’a recensé aucun incident dans le pays.

«Vous avez pillé le pays, voleurs!», ont scandé les manifestants, à l’issue d’une semaine marquée par le limogeage de personnalités symboles du pouvoir, l’annonce de poursuites judiciaires dans des affaires de corruption et l’incarcération de riches hommes d’affaires accusés de malversations.

- «En prison! » -

«La justice doit arrêter tous les voleurs», pouvait-on lire sur une pancarte, alors que la contestation dénonce, depuis le 22 février, les liens troubles entre la présidence Bouteflika et les «oligarques», hommes d’affaires ayant fait fortune grâce à d’énormes contrats publics.

Trois frères, richissimes acteurs du BTP, membres de la famille Kouninef liée au clan Bouteflika, ont été placés en détention provisoire dans la semaine, notamment pour de présumés faits de «trafic d’influence» et des supposées irrégularités dans des contrats publics.

Au lendemain du limogeage du PDG de Sonatrach, géant public des hydrocarbures au centre ces dernières années de scandales de corruption, la justice a indiqué aussi enquêter sur Chekib Khalil, ex-ministre de l’Energie proche de M. Bouteflika et un temps poursuivi en Algérie pour corruption avant que les poursuites soient abandonnées.

«On ne veut pas qu’ils partent seulement, on veut qu’ils soient jugés aussi», a expliqué à l’AFP Abdelkarim, un commerçant de 32 ans.

Sur un immeuble, une grande banderole interpellait les juges: «envoyez ceux qui restent en prison!».

Mais certains manifestants, comme Hmimi, fonctionnaire, disaient craindre une «manipulation» du pouvoir»: «est-il rationnel d’ouvrir les dossiers de corruption dans un contexte de crise politique», demande-t-il.

Le placement en détention préventive, également cette semaine, d’Issad Rebrab, première fortune d’Algérie et patron du conglomérat Cevital, premier employeur privé du pays, qui entretenait des relations notoirement tendues avec l’entourage de M. Bouteflika, a semé le doute chez les contestataires sur les objectifs réels de ces enquêtes.

Dans une note publiée vendredi, le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) voit surtout dans l’actuelle campagne anticorruption un moyen pour le régime d’essayer de «diviser» le mouvement de contestation, tout en «réglant des comptes internes».

D’autant que le pouvoir ne cède pas sur l’essentiel des revendications: Abdelkader Bensalah, apparatchik ayant accompagné M. Bouteflika au long de ses 20 ans au pouvoir, est toujours chef de l’Etat par intérim et Noureddine Bedoui, autre fidèle dévoué, toujours Premier ministre.

- «Etape charnière» -

Les manifestants rejettent particulièrement la tenue le 4 juillet, d’une présidentielle pour élire son successeur, refusant qu’elle soit organisée par des structures et personnalités héritées de l’ancien appareil.

«Comment des mafieux et des fraudeurs peuvent organiser des élections honnêtes? On marchera jusqu’à ce qu’ils comprennent!», s’est insurgé Samir, serveur de 23 ans.

Outre MM. Bensalah et Bedoui, le général Gaïd Salah, chef d’état-major devenu de facto homme fort du pays, a également été ciblé par certains manifestants: «Gaid Salah, dégage!» a-t-on entendu ou lu à Alger et Constantine notamment.

Perçu comme allié de la contestation quand il a contribué à obtenir la démission de M. Bouteflika, le général Gaid Salah, autre ancien pilier du régime Bouteflika, insiste pour que la présidentielle se tienne dans les délais prévus.

«L’Algérie de l’après-Bouteflika se trouve à une étape charnière», souligne ICG: face à une contestation qui ne faiblit pas, le pouvoir doit envoyer des signaux de changement ou risque de «renouer avec ses tendances répressives».

ICG demande encore l’ouverture d’un «dialogue ouvert» entre le régime et des représentants du mouvement de contestation.