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Le premier procureur national antiterroriste bientôt choisi

26 avril 2019, 21:56

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Le premier procureur national antiterroriste bientôt choisi

Qui incarnera le prochain visage de l’antiterrorisme français ? La ministre de la Justice Nicole Belloubet s’apprête à choisir son candidat pour diriger le parquet national antiterroriste (PNAT), un grand parquet spécialisé tout juste créé pour plus d’efficacité face à la menace.

La garde des Sceaux va selon la Chancellerie proposer «très prochainement» un nom au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui rendra ensuite un avis non contraignant.

Le PNAT, composé d’une trentaine de magistrats, doit être installé «avant l’été», après avoir été entériné par décret, précise le ministère.

Parmi la dizaine de prétendants à cette fonction exposée, qui s’occupera également des crimes contre l’humanité, deux noms reviennent avec insistance, ceux de Jean-François Ricard et d’Anne Kostomaroff. Ils sont tous deux rompus à l’antiterrorisme.

Plusieurs des candidats ont été auditionnés au ministère, dont M. Ricard, selon des sources concordantes.

Ce dernier, actuellement conseiller à la Cour de cassation, a été juge antiterroriste à Paris de 1995 à 2007, en charge notamment avec son binôme Jean-Louis Bruguière de l’enquête sur l’attentat à la station du RER Saint-Michel, avant de passer au ministère de la Défense puis au parquet général. Il a été l’un des promoteurs de ce nouveau parquet.

Mme Kostomaroff, directrice de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) depuis 2017, a été cheffe de la section antiterroriste du parquet de Paris.

Egalement dans la course: le procureur général de Bastia Franck Rastoul, l’ancien procureur de Nanterre Philippe Courroye ou l’ex-juge antiterroriste Marc Trévidic, actuellement président de chambre à Versailles.

Un temps évoqué parmi les candidats potentiels, Bruno Dalles, le patron de Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, aurait privilégié un autre poste-clé, celui de procureur national financier (PNF), en remplacement d’Eliane Houlette, qui doit prendre sa retraite le 30 juin.

Critiques et inquiétudes

Le PNAT sera comme le PNF - né en 2013 du scandale Cahuzac - un «superparquet». Celui-ci, l’une des mesures phares de la loi de réforme pour la justice promulguée le 23 mars, est érigé en «véritable force de frappe judiciaire antiterroriste» face à une menace toujours présente.

Annoncé en décembre 2017, le PNAT avait immédiatement suscité de vives critiques parmi les magistrats, notamment de la procureure générale de Paris, Catherine Champrenault. Cette dernière, mais aussi le Conseil d’Etat dans un avis avaient relevé le grand risque de perdre de vue les liens entre petite délinquance et terrorisme. Le Sénat s’était par la suite opposé à sa création lors de l’examen à l’automne du projet de loi justice.

Le PNAT doit se substituer à la section antiterroriste du parquet de Paris, dite C1, créée en 1986 après une vague d’attentats revendiqués par un groupe proche du Hezbollah. Chargée de la lutte contre le terrorisme et des atteintes à la sûreté de l’Etat au niveau national, elle a vu le nombre de ses dossiers doubler à partir de 2012.

Mais depuis trois ans, cela décroît: la section a été saisie de 308 affaires nouvelles tous contentieux confondus en 2016, puis de 230 en 2017 et 171 en 2018, selon le parquet de Paris.

A ces dossiers, il faudra ajouter les 146 - 60 informations judiciaires et 86 enquêtes préliminaires - traités par le pôle crimes contre l’humanité et crimes de guerre concernant une vingtaine de zones géographiques (Syrie, Sri Lanka, République démocratique du Congo).

Des ONG craignent que cette composante soit mise au ban du PNAT. «On a peur que ce procureur ne se voie que comme un procureur antiterroriste, (...) alors que jusqu’à présent le pôle crimes contre l’humanité jouissait d’une grande visibilité», souligne Clémence Bectarte, avocate de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme.

Les effectifs dédiés aux crimes contre l’humanité devraient doubler, passant de trois à six parquetiers au sein du nouveau PNAT, selon une source proche du dossier. Ceux de l’antiterrorisme, actuellement de quatorze magistrats, devraient aussi augmenter.

Certains redoutent que ces nouveaux effectifs soient pris au sein d’autres sections du parquet de Paris, sans être remplacés.

Autre motif d’inquiétude: la dizaine de greffiers prévue au PNAT, «trop faible» selon le Syndicat de la magistrature.