Publicité

Désiré Dedans: À deux doigts de son rêve d’être homme de loi

20 avril 2019, 15:47

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Désiré Dedans: À deux doigts de son rêve d’être homme de loi

«Même si je dois encore faire mon barreau pendant un an, dans ma tête, c’est comme si que c’était déjà fait», raconte avec tout le sérieux du monde ce trentenaire, qui nous reçoit dans la maison de son beau-frère, à Cassis. S’il connaît bien cette périphérie de Port-Louis pour y être né et y avoir grandi, il est également très familier à une autre région périphérique de la capitale, à savoir Roche-Bois, où il a vécu quelques années. «La localité où l’on vit ne devrait pas être un handicap pour le parcours, le développement d’une personne», ajoute-t-il. «Ma famille a toujours été très populaire à Cassis et Vallijee. J’ai de nombreux amis et même des potes drogués, d’autres alcooliques, mais ce n’est pas pour autant que j’y touche. Ils le savent et me respectent, tout comme je les respecte aussi», souligne-t-il.

Désiré Dedans n’a pas honte de dire qu’il est issu d’un milieu très modeste. Son père, Michel, a longtemps travaillé comme charpentier de marine et sa mère, Henriette Bisahu, a été femme au foyer car elle avait dix enfants sur les bras à élever. Désiré Dedans est le huitième de la bande. «On était très pauvre. Financièrement, cela n’a pas toujours été facile chez nous. Mais le fait que la famille soit soudée, ça aide à tout surmonter», précise-t-il.

De tous ses frères et sœurs, Désiré Dedans est celui qui montre le plus de dispositions pour les études. Et ce, dès le primaire. C’est au collège St Mary’s qu’il fait son entrée pour son cycle secondaire. «J’ai adoré mes années au St Mary’s et mes interactions avec des enseignants comme Angel Angoh», raconte-t-il. Désiré Dedans opte pour l’art, le français et la comptabilité comme matières principales en Form VI.

Ses bons résultats de fin de cycle lui permettent d’obtenir une bourse sous le British American Tobacco Undergraduate Scheme, destiné aux enfants issus de milieux modestes mais très prometteurs académiquement. Si depuis l’enfance, son rêve, en regardant les films, est d’être avocat pour défendre la veuve et l’orphelin et aussi parce qu’il aime «la droiture et la justice», lorsqu’il obtient sa bourse d’études, il opte pour une licence en gestion avec spécialisation dans le secteur touristique. Tout simplement parce que «c’était un nouveau cours. De plus, je voulais travailler et gagner beaucoup d’argent. Et puis, j’ai réalisé que ça, ce n’était qu’illusions».

«Lorsque je commence quelque chose, je dois aller jusqu’au bout. Je ne vais pas abandonner.»

Bien que ce cours soit taillé sur mesure pour des fonctionnaires et qu’il l’ait trouvé un peu ennuyeux, dit-il, c’est sans forcer qu’il obtient son Bachelor of Science in Management. Il est ensuite recruté comme stagiaire à la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA). On est alors en 2004. Il est immédiatement «adopté» par l’équipe, principalement par Suzy Edouard, à l’époque Tourism Promotion Manager, qui lui fait faire ses premiers pas dans le monde du travail et du tourisme en particulier. «Le personnel de la MTPA était comme ma famille, du directeur aux plantons. J’avais une famille à la maison et une autre au bureau. Cela s’est particulièrement ressenti lorsque j’ai perdu un frère en 2004. Ils m’ont tous entouré et soutenu.»

À la fin de son stage de six mois, Désiré Dedans obtient un emploi de Research and Administrative Executive au Sugar Investment Trust. Lui, qui aspire à «être libre et à avoir la possibilité d’aider les gens», se retrouve dans un bureau sombre à effectuer un travail administratif. Au bout d’un an, il est envoyé au Waterpark, où il côtoie bon nombre de cadres d’entreprises. Après trois ans de ce régime, il s’en va travailler comme Branch Manager pour un retail store réputé à Maurice. Il y reste quatre ans. C’est à ce moment-là qu’il se remémore son rêve d’enfant d’être juriste et qu’il fait une demande pour faire son LLB par correspondance auprès de l’University of London Law Schools.

Il quitte le retail store pour un poste en tant que Head of Administration au sein d’une société engagée dans le Global Business. Si le salaire y est fort intéressant, il doit cumuler les responsabilités administratives, de ressources humaines, de la finance et du système informatique. Il a du mal à entamer ses études de droit car il est en couple et père de la petite Dia. Et c’est au retour du travail, lorsque tout le monde est couché, qu’il peut commencer à étudier. «C’est en 2013 que j’ai vraiment commencé à m’y mettre. C’est très dur d’apprendre le droit seul et dans de telles conditions. Mais je voulais voler de mes propres ailes et faire en sorte que ma famille soit fière de moi.»

Pour pouvoir mieux se consacrer à ses études, il décide d’abandonner son emploi très prenant pour enseigner la matière Travel and Tourism dans une école privée. Et depuis 2017, il encadre scolairement les élèves de la localité. «Je leur donne des cours particuliers. Plusieurs enfants de Cassis et de ses environs n’ont pas de gros moyens. Quand il m’arrive de réclamer des frais, c’est toujours minime. Pour moi, ce n’est pas faire de l’argent qui est important, c’est gagner sa vie, tout en faisant du social. Et puis, cela ne m’intéresse pas d’aller aider un patron d’entreprise à s’enrichir davantage. Il n’y a pas de purpose dedans. Aider un enfant à réussir, ça oui, il y a du purpose dedans.»

À terme, il a réussi à contracter un emprunt et à faire construire une maison pour ses parents et lui à Pamplemousses. Il s’applique et apprend pour réussir. «Je suis quelqu’un de très têtu. Lorsque je commence quelque chose, je dois aller jusqu’au bout. Je ne vais pas abandonner. C’est un défaut mais aussi une qualité.» C’est en décembre 2018 que l’University of London Law Schools l’a notifié qu’il avait réussi son LLB. En mars, il est parti pour dix jours à Londres pour obtenir son diplôme. Une Graduation Ceremony qui s’est tenue au Barbican Centre, en présence de la princesse Anne, chancelière de cette université londonienne. Il n’a pas particulièrement apprécié son séjour en Grande-Bretagne. «Il y a des jours où je priais pour rentrer à Maurice car la Grande-Bretagne, c’est froid et gris. Et je ne parle pas que du climat.»

Désiré Dedans doit désormais faire son barreau. Ce sera soit auprès de l’université de Maurice où les frais seront moindres, soit environ Rs 125 000, soit en Australie où sont établis ses benjamins mais où les frais d’études universitaires sont beaucoup plus élevés. «Là-bas en Australie, je pourrais peut-être travailler et étudier. Si j’arrive à amasser les sous, je partirai pour l’Australie. Autrement, ce sera à l’université de Maurice.»

Ce qu’il veut, c’est défendre les employés qui ont eu maille à partir avec le patronat. «J’ai vu comment le patronat peut exploiter les employés et les soumettre à sa loi. Je veux faire du droit du travail. L’avoué Gilbert Noël, que j’ai rencontré, a proposé de m’aider. Je dois reprendre contact avec lui.»

Quand il se projette dans le futur, Désiré Dedans se voit avocat ou avoué. Il attend le retour de sa mère, partie pour l’Australie, et dont il est très proche, pour qu’ils décident ensemble de ses projets d’avenir. C’est d’ailleurs à elle qu’il dédie son succès. Dans sa tête, il ne doute pas qu’il réussira. «Quand j’ai mis quelque chose dans la tête, ça ne va pas sortir de là. Quand j’étais petit, je savais que j’étais un enfant pauvre. Mais dans ma tête, cela importait peu. Je lisais des livres, je regardais des films et je me disais en voyant les gens qui ont réussi : ‘qu’est-ce qu’ils ont de plus que moi ?’ Rien. Nous sommes tous équipés de compétences différentes. C’est à nous de les découvrir et de les développer. J’ignore encore où sont mes limites. Je vous l’ai dit : le milieu n’influe pas sur le parcours d’une personne qui veut réussir par elle-même. C’est mon cas…»