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La fourniture d’eau 24/7 fait naufrage

25 mars 2019, 22:25

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La fourniture d’eau 24/7 fait naufrage

Les retards à répétition dans plusieurs projets phares n’auront pas été sans conséquences pour la Central Water Authority. À ce jour, l’organisme peine à assurer une fourniture d’eau en permanence à ses abonnés.

C’était l’une des promesses phares de l’alliance Lepep pendant la campagne électorale 2014 : assurer une fourniture d’eau 24/7 à tous les Mauriciens. Sauf que le mandat du gouvernement tire à sa fin et «le miracle» se fait toujours attendre. Les tensions occasionnées par une fourniture d’eau erratique à Forest Side samedi ne seraient que symptomatiques d’un mal plus profond : les retards accumulés par la Central Water Authority (CWA) dans de nombreux projets.

La distribution 24/7 reposait sur trois principaux axes. Premièrement, le remplacement des tuyaux, dont certains qui datent de plus de 100 ans. L’objectif étant de réduire les fuites et d’augmenter la pression de l’eau. «Le remplacement des tuyaux est effectué à plusieurs endroits, dont dans les hautes Plaines-Wilhems. Mais le projet a pris du retard», explique-t-on.

De nombreux contrats ont été octroyés. Sur le site de la CWA, une liste détaillée des «ongoing projects» est disponible, avec des détails sur les endroits où le remplacement a lieu, entre autres. Ainsi, l’exercice se poursuit à Moka, Marie-Jeanne ou encore à Flacq. Le hic, c’est que des sous-traitants arriveraient difficilement à suivre le rythme et compléter les travaux à temps.

Deuxième axe sur lequel misait l’État pour assurer une distribution d’eau en permanence : le Bagatelle Dam. Le barrage en lui-même a posé problème en raison de son sol poreux et son entrée en opération a été longuement retardée. Sans compter que la construction de la station de traitement a été un autre casse-tête pour le gouvernement.

Pendant au moins deux ans, l’attribution du contrat a été au centre d’un litige. Le Central Procurement Board (CPB) avait octroyé le contrat au consortium chinois HWPC/First Bureau/HUPB. Une décision renversée par l’Independent Review Panel, qui estimait qu’un autre soumissionnaire avait toutes les qualités requises pour mener à bien ce projet. Ce n’est qu’en août 2015 qu’un panel d’experts sud-africains a tranché et attribué le contrat au consortium chinois choisi dès le départ par le CPB.

Cependant, la construction de la station de traitement n’a toujours pas été complétée. Entre-temps, l’eau de Bagatelle Dam n’est pas utilisée. Jusqu’à récemment, on annonçait que la station de traitement devrait être opérationnelle en février de cette année. Or, la date a été repoussée à mai. Selon des sources proches du dossier, cette nouvelle échéance pourrait encore une fois être renvoyée à septembre.

«Mauvaise planification»

«Selon les clauses du contrat, le gouvernement pourrait demander un dédommagement. Mais entre-temps, ce sont les gens qui souffrent», souligne-t-on. L’eau de Bagatelle Dam devrait avant tout approvisionner les habitants des basses Plaines-Wilhems, dont Rose-Hill et Beau-Bassin. «L’eau de Mare-aux-Vacoas aurait dû être utilisée pour ceux qui habitent les hautes Plaines-Wilhems. À l’instar de Vacoas et Curepipe», avance-t-on.

Finalement, le gouvernement comptait construire des Service Reservoirs à travers l’île, notamment à Cluny, Rivière-des-Anguilles ou encore Riche-en-Eau. Sauf que dans les milieux proches du dossier, on avance que ce projet semble avoir été mis au placard. «Ce n’est pas par manque de fonds. Toutes les sommes ont été budgetted. Il s’agit plutôt d’une mauvaise planification. Les projets stagnent.»

Les tergiversations autour du modèle de réservoir ont également retardé cette initiative. «L’hésitation a été longue en ce qui concerne le choix pour les réservoirs en ciment et ceux en acier. Au départ, on pensait que ces derniers coûtaient moins cher. Le prix indiqué était de Rs 5 millions, ce qui était moins élevé que celui des réservoirs en ciment. Sauf que cette enveloppe ne prend pas en considération les civil works attachés aux réservoirs en acier. Les coûts totaux dépassent donc ceux du réservoir en ciment, qui oscille entre Rs 15 millions et Rs 20 millions chacun. Plusieurs évaluations ont dû être faites.»

Nos recoupements indiquent que cette situation serait également liée au départ d’une quinzaine d’ingénieurs et autres professionnels de la CWA sur une année. Certains sont partis à la retraite, d’autres ont pris de l’emploi ailleurs. «Ces gens-là connaissaient les dossiers de la CWA. Ils prenaient des décisions et connaissaient bien les plans. Ils étaient capables de faire avancer les travaux à grands pas. Ce n’est plus pareil à présent», dit-on.

L’express a essayé de joindre le directeur de la CWA, Yousouf Ismaël, à de nombreuses reprises. Nos appels sont restés vains.

«Si péna délo, nou pou désann lor lari»

Neuf heures, hier matin. Nouvelle coupure d’eau dans la région de Forest Side. Un tuyau reliant La Marie à La Brasserie a cédé. Est-ce la goutte d’eau qui fera déborder le vase ? Excédés, les habitants menacent de descendre à nouveau dans les rues de Curepipe si le problème n’est pas réglé. «Si péna délo, nou pou désann lor lari.» Et cette fois-ci, cela n’aura rien à voir avec la manifestation de samedi, menacent-ils…

Entre-temps, à Résidence Atlee, des seaux en main, femmes et enfants sont dans la rue, attendant les camions-citernes de la CWA pour la distribution. Dorine Teeluckdharry, une habitante, confie que la situation est très difficile. «Je ne peux même pas préparer un repas, on mange du pain. Avec l’école, je ne sais plus comment je vais faire pour mes trois enfants.»

Non loin de là, à la rue Seeneevassen, les habitants se disent à bout. Et réclament la démission d’Ivan Collendavelloo, Premier ministre adjoint et ministre des Services publics. Ce dernier, affirment-ils, amers, ne prendrait pas en considération le calvaire qu’ils vivent depuis jeudi, lorsque la fourniture a été interrompue. La CWA, notamment les ingéniers, en prend également pour son grade. Hervé Colin, que l’express a rencontré sur place, ne comprend pas la situation. Il veut juste que le problème d’eau soit résolu au vite. «Je n’ai pas pris de bain depuis samedi !» lâche-t-il.

Les habitants sont à bout. Au départ, raconte Jocelyn Ramma, «c’est une marche pacifique qui avait été organisée». Celle-ci a toutefois vite dégénéré et la police a eu fort à faire pour calmer les manifestants. Certains avaient bloqué l’accès à certaines routes en y posant des pneus qu’ils ont par la suite incendiés. À ce propos, Roland Foolchand et Klarel Marie-Louise se disent déçus par ce comportement. Selon eux, ce serait l’œuvre de quelques jeunes.

«L’eau ne coule pas mais il faut attendre et réagir conformément aux règles. On agit juste pour avoir de l’eau et non pas pour endommager les lieux publics…»

 

Un tuyau défectueux en cause

<p style="text-align: justify;">La &nbsp;colère gronde à Curepipe. Principalement dans les régions qui se retrouvent sans eau depuis plus de trois jours. Hier encore, alors que la CWA avait promis aux habitants que la fourniture serait rétablie à quatre heures du matin, il n&rsquo;en a rien été. En cause : un tuyau reliant La Marie à La Brasserie qui a cédé.</p>

<p style="text-align: justify;">La <em>Hotline Coordinator Dorina</em> Prayag explique que, dans un premier temps, la fourniture avait été interrompue pour que des travaux de remplacement de tuyaux vieux de 100 ans sur l&rsquo;axe La Marie-La Brasserie puissent être effectués. Un by-pass y a été installé, en attendant le remplacement total du réseau de la CWA, afin que les abonnés de la région de Forest-Side ne soient pas incommodés. Mais voilà qu&rsquo;hier matin, un autre tuyau a cédé, laissant à nouveau des régions sans eau, alors que la fourniture a été rétablie à certains endroits. Selon la <em>Hotline Coordinator</em> de la CWA, les travaux de réparation du tuyau à La Marie sont presque terminés. La fourniture a été rétablie hier soir à partir de 20 heures.</p>

<p style="text-align: justify;">Entre-temps, ajoute Dorina Prayag, <em>&laquo;sur trois jours, nous avons envoyé des camions-citernes dans les régions affectées. Vu le nombre de personnes nous faisons le maximum&raquo;.</em></p>