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Le Canada lance le processus d’extradition d’une dirigeante de Huawei

2 mars 2019, 10:37

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Le Canada lance le processus d’extradition d’une dirigeante de Huawei

La justice canadienne a lancé vendredi le processus d’extradition vers les Etats-Unis de la directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei, Meng Wanzhou, dont l’arrestation au Canada début décembre a créé une crise inédite entre Ottawa et Pékin.

Un mois après la publication par la justice américaine d’une longue liste de chefs d’inculpation contre ce fleuron chinois et contre Mme Meng, «les fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada ont délivré un arrêté introductif d’instance, commençant officiellement le processus d’extradition», a annoncé le gouvernement canadien dans un communiqué.

Le ministère américain de la Justice accuse Huawei et sa directrice financière d’avoir contourné les sanctions américaines contre l’Iran, mais aussi d’avoir, via deux filiales, volé des secrets industriels du groupe de télécoms américain T-Mobile.

Huawei a démenti à plusieurs reprises avoir commis le moindre méfait. Le numéro 2 mondial des smartphones affirme n’avoir «pas connaissance d’actes répréhensibles de la part de Mme Meng» et être «persuadé que les tribunaux américains aboutiront à la même conclusion».

La Chine, par la voix du porte-parole de son ambassade au Canada, s’est dite «complètement insatisfaite» par le lancement de cette procédure, à laquelle elle est «fermement opposée».

«Il ne s’agit pas d’une simple affaire judiciaire, mais d’une persécution politique à l’égard d’une entreprise chinoise de haute technologie», a déclaré le porte-parole dans un communiqué.

La décision canadienne démontrera «si le Canada adhère (au principe de) l’indépendance judiciaire ou non», a-t-il poursuivi, réclamant qu’Ottawa refuse la demande d’extradition des Etats-Unis et «relâche immédiatement» Mme Meng.

La décision de lancer le processus d’extradition «fait suite à un examen approfondi et diligent de la preuve pour cette affaire», a expliqué la justice canadienne.

«Il existe suffisamment de preuves à présenter devant un juge d’extradition pour une décision», a ajouté le parquet canadien qui insiste que «l’audition de la demande d’extradition n’est pas un procès».

Fille du fondateur de Huawei, Mme Meng a été remise en liberté conditionnelle à la mi-décembre à Vancouver, où elle possède deux résidences, moyennant le dépôt d’une caution de 10 millions de dollars canadiens (6,6 millions euros), le port d’un bracelet électronique et la remise de ses passeports.

Elle doit comparaître mercredi prochain devant un juge de cette ville «pour confirmer qu’un arrêté introductif d’instance a été délivré et prévoir une date pour l’audience en matière d’extradition», a expliqué la justice canadienne.

Crise diplomatique

L’arrestation de Mme Meng a créé une crise diplomatique sans précédent entre Ottawa et Pékin.

La Chine y voit une tentative de miner son fleuron des télécoms, bien que depuis le début, le Premier ministre Justin Trudeau n’a eu de cesse d’affirmer qu’il n’y avait jamais eu «d’intervention politique» et que le Canada était «un Etat de droit».

La décision de vendredi «a été prise par les fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada, qui font partie d’un service public non partisan», a souligné le parquet canadien, répétant que «le Canada est un pays régi par la primauté du droit».

Les autorités chinoises ont, depuis l’arrestation de Mme Meng, arrêté deux Canadiens tandis qu’un tribunal chinois en a condamné à mort un troisième, mais Pékin assure que ces mesures sont sans lien avec l’affaire Huawei.

La décision finale sur l’extradition ou non de Meng Wanzhou reviendra au nouveau ministre canadien de la Justice, David Lametti.

Il y a un mois, le gouvernement chinois, accusant les Etats-Unis de «visées politiques» et de «manipulations politiques», avait pressé Ottawa de libérer rapidement la directrice financière de Huawei. Mais David Lametti avait immédiatement averti: la procédure pourrait «durer longtemps».

«Je ne sais pas si on parle de mois ou d’années», avait abondé dans la foulée le juge William Ehrcke, de la Cour suprême de Colombie-Britannique, lors d’une brève audience demandée par Mme Meng.

Cette affaire intervient alors que le gouvernement de Justin Trudeau traverse sa pire crise politique depuis son arrivée au pouvoir en 2015. M. Trudeau et son entourage sont accusés par l’ex-ministre de la Justice d’avoir exercé sur elle des pressions «inappropriées afin de parvenir à un accord à l’amiable» avec un géant canadien du BTP poursuivi pour corruption en Libye.