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Dédommagé 12 ans après un accident: le coup de gueule d’un planteur de 56 ans

27 janvier 2019, 21:45

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Dédommagé 12 ans après un accident: le coup de gueule d’un planteur de 56 ans

Il avait 43 ans au moment de l’accident. À 56 ans aujourd’hui, Kalianduth Mohonee, un planteur de St-Pierre, peut enfin pousser un ouf de soulagement. Il a obtenu plus de Rs 850 000 de dommages et d’intérêts, au bout de 14 ans de péripéties.

Ce père de deux filles a tenu à partager ce qu’il a vécu. Jeudi après-midi, c’est avec un sac à dos contenant les pages de 14 ans de combat que Kalianduth Mohonee, 56 ans, s’est pointé au rendez-vous. «Je viens tout juste de prendre ma copie du jugement rendu par le juge David Chan Kan Cheong devant la Cour suprême le 18 janvier. Après toutes ces années à attendre que justice soit faite, je suis enfin soulagé», dit d’emblée, sourire aux lèvres, ce planteur exerçant à son propre compte depuis 1994.

Le planteur est un ancien marathonien et travaillait autrefois comme électricien à Diego Garcia.

Ce jour-là, il a pris l’autobus à Saint-Pierre où il réside pour rallier la capitale. Depuis son accident, il allègue ne plus avoir de voiture. «Je veux à travers mon récit montrer aux gens qu’il ne faut pas faire confiance aveuglément à certains avocats et avoués et, en même temps, montrer qu’il ne faut pas baisser les bras», enchaîne aussitôt le quinquagénaire, le ton grave.

Flash-back. Le 12 juin 2005, il se rend chez des proches au volant de sa Honda Civic, en compagnie de son épouse, Madhvee, enceinte de sept mois, et de Kalina, sa fille alors âgée de 11 ans, lorsqu’une voiture conduit par un pilote indien et venant en sens inverse percute la sienne. L’accident s’est produit vers 19 h 30 à proximité du Gymkhana, à Vacoas.

Le conducteur et son épouse, tous deux blessés, passent trois jours à l’hôpital Victoria, à Candos. Cet électricien de formation – qui a, entre autres, exercé pour le compte des Américains à la base militaire de Diego Garcia de 1987 à 1989, avant de se reconvertir en planteur – s’en sort avec une fracture à la cheville droite. Son épouse, avec une cicatrice au front et au tibia. Leur fille aînée, qui était assise sur la banquette arrière, a, pour sa part, été légèrement blessée. Elle n’a pas été hospitalisée.

Après une poursuite criminelle où Kalianduth Mohonee dit s’être défendu seul, le pilote indien est reconnu coupable le 4 septembre 2007, devant la cour de district de Curepipe. Ce premier jugement en poche, le planteur va alors voir son assurance. Celle-ci lui demande d’entrer une plainte au civil car l’accident a fait des blessés et la voiture a subi une perte totale (total loss). Il faut ajouter à cela le fait que depuis son accident, il ne pouvait cultiver que 75 perches des dix arpents de terrain qu’il louait à bail.

Kalianduth Mohonee décide alors d’entrer une poursuite civile contre le pilote et l’assurance de ce dernier. Il leur réclame des dommages de Rs 2,2 millions. «Je suis passé par cinq avoués et avocats. Parmi ceux-ci, un qui a gardé mon dossier durant huit mois. Et un autre qui était tout le temps injoignable.»

Ce n’est qu’en 2012 que la plainte est finalement entrée. Sauf que la route sera encore loin de toute embûche. S’ensuit alors une série de renvois de l’affaire pour toute sorte de raisons, comme l’absence en cour des avocats. «Mes témoins, à savoir mon médecin, un encanteur et un employé de l’Agricultural Research and Extension Unit (NdlR, devenue depuis Food and Agricultural Research and Extension Institute), ont dû se présenter en cour à plusieurs reprises à cause des renvois», poursuit notre interlocuteur.

À un moment, allègue-t-il, on lui aurait également demandé, hors cour, de revoir sa réclamation de Rs 2,2 millions à Rs 400 000. Au cas contraire, son avocat se retirerait de l’affaire. Ce qui allait impliquer tout recommencer à zéro. «J’ai refusé car cela ne couvre pas les dommages que j’ai subis», soutient le planteur.

C’est d’ailleurs ce qu’il écrit dans différentes correspondances adressées au chef juge, à l’ex-présidente de la République, au Premier ministre, à l’Ombudsman, entre autres. Kalianduth Mohonee, en nous montrant une copie de ces lettres, soutient avoir écrit à ces hautes personnalités du pays parce qu’il était à bout et aussi pour leur demander que justice soit faite et le plus rapidement possible.

Ces dernières accuseront réception de sa lettre. Le bureau du Premier ministre lui repliquera aussi que sa plainte a été canalisée au bureau du Solicitor General et au ministère de la Bonne gouvernance. Quatorze ans après l’accident et au bout de sept ans de poursuite civile, le jugement est tombé le 18 janvier. Le juge David Chan Kan Cheong a ordonné au pilote indien et à son assurance de payer des dommages et intérêts de plus de Rs 850 000 à Kalianduth Mohonee ainsi qu’à l’épouse et la fille de celui-ci. Au grand réconfort du planteur, qui se dit apaisé de n’avoir pas accepté les Rs 400 000 proposées hors cour.

Avec ce verdict, il déclare qu’il pourra enfin subvenir aux différents besoins de sa famille, dont ses deux filles scolarisées, après avoir été dépendant financièrement de ses proches pendant toutes ces années. «Je vais aussi investir dans mon camion et mes outils de travail pour que je puisse reprendre l’agriculture raisonnée comme je l’ai toujours ambitionné afin de fournir des légumes sains aux clients.»