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Remise de peine à Bappoo : la commission de pourvoi en grâce récidive

31 décembre 2018, 21:00

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Remise de peine à Bappoo : la commission de pourvoi en grâce récidive

«Ce n’est pas à moi d’expliquer cette décision.» Propos du président de la République par intérim, Barlen Vyapoory, quant à la polémique sur la remise de peine de 15 ans dont a bénéficié le meurtrier de Sandhya Bappoo. Ravindranath (Ravin) Bappoo a été condamné à 40 ans de prison en 2008 pour avoir tué sa femme. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. La victime, femme battue, avait été sauvagement agressée au sabre en pleine rue alors qu’elle bénéficiait d’un Protection Order. Dix ans plus tard, celui qui avait été qualifié de «bourreau» obtient la grâce présidentielle. La décision a de quoi choquer.

Interrogé par l’express, Barlen Vyapoory n’a pas voulu commenter cette affaire. «Ce n’est pas à moi de donner des explications», dit-il, tout en confirmant avoir pris sa décision en connaissance de cause. «J’ai examiné le dossier du prisonnier.» Il renvoie la balle à la commission de pourvoi en grâce, présidée par l’ancien chef juge sir Victor Glover.

Une commission sous les feux des critiques depuis l’affaire Christopher Perrine. Cet habitant de La Tour Koenig, arrêté à plusieurs reprises pour vols, vols avec violence, vagabondage, possession d’héroïne mais, surtout, condamné en 2009 pour viol sur une touriste française de 16 ans à BlueBay, avait obtenu une remise de peine.

Cette décision, datant d’octobre, avait soulevé un tollé car, à peine sorti, il a été appréhendé pour le vol commis chez l’assistante commissaire des prisons Guneeata Aubeeluck et pour avoir ligoté la fille de la haut gradée. Sir Victor Glover avait déclaré à l’express n’avoir pas tous les éléments concernant le suspect. L’ex-chef juge est resté injoignable malgré nos sollicitations.

Jusqu’ici, concernant Ravindranath Bappoo, pas d’explication de la commission sur la décision de réduire sa peine de 15 ans, déplore l’avocat et député du Mouvement militant mauricien Veda Baloomoody, déjà auteur d’une question parlementaire au Premier ministre à ce sujet. «Le prisonnier est-il en phase terminale de maladie ? La commission payée de l’argent des contribuables doit dire pourquoi elle a fait ces recommandations. Elle ne peut plus continuer à opérer dans l’opacité», s’insurge l’homme de loi qui appelle le chef de l’État à briser le silence. «Le président de la République ne peut pas se dédouaner. Il peut refuser de signer. La Constitution lui donne le droit de renvoyer un dossier en cas de non-satisfaction.» Veda Balamoody trouve que c’est un mauvais signal envoyé aux victimes de violence conjugale.

Que s’est-il passé pour que la commission de pourvoi en grâce parvienne à de telles conclusions ? C’est ce que veut également savoir Lindsey Collen, du Muvman Liberasyon Fam (MLF). Tout en se prononçant en faveur du système de remise de peine, qui accorde une seconde chance dans la vie, elle souhaite qu’il y ait un «raisonnement» dans des cas de meurtre et de viol.

 Une transparence totale, réclame-t-elle, au niveau de la commission de pourvoi en grâce ainsi que la prison. «Qui décide, entre autres, de la bonne conduite d’un prisonnier ?» Il faudrait, selon le MLF, un panel indépendant qui évalue objectivement les prisonniers. Quant à «l’épidémie» de violence domestique, la militante est d’avis qu’elle ne se réglera pas en faisant de Ravindranath Bappoo un bouc émissaire.

En attendant, le meurtrier de Sandhya Bappoo sortira de prison pour bonne conduite vers 2023, au lieu de 2031.