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Sing along: le chant du cygne de «Tipol le coupeur canne»

27 décembre 2018, 22:00

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Sing along: le chant du cygne de «Tipol le coupeur canne»

L’ambiance est aux disques de l’année. Mais loin des boom boom, d’autres rythmes nous entraînent vers des sujets d’actualité. Pour que les chansons fassent bouger les pieds mais la tête aussi. Avant-dernier de la série : «Tipol le coupeur canne» de Serge Lebrasse.

Les Yankees ont eu leur quota de sucre. Non, ce ne sont pas des Américains frappés d’obésité. Mais le groupe qui, dans les an- nées 60, accompagne Serge Lebrasse sur le disque vinyl, Ti Pol le coupeur canne.

C’est vrai que la coupe se fait dans le froid. À 88 ans, Serge Lebrasse est, à l’hiver de sa vie, l’une des dernières légendes vivantes du séga. Au début de sa carrière, il avait laissé jaser les mauvaises langues. Celles qui le traitaient de cholo parce qu’il avait préféré une carrière de ségatier à celle d’enseignant.

Question de mentalités. Le mois dernier, le Premier ministre avait lancé, lors de célébrations de Divali, à Phoolyar Nagar : «Mo dir Shakeel Mohamed aret fer cholo.» Le député rouge avait posté une vidéo montrant l’ambiance lors d’une suspension de séance parce que le Parlement coulait.

Le Diksioner Morisien d’Arnaud Carpooran dit du terme cholo qu’il a des «origines Mandingue et Bambara» (NdlR: langues d’Afrique de l’Ouest que l’on retrouve au Mali, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Sénégal, en Gambie et en Guinée). C’est soit, «enn term mepri pou kalifie enn dimounn ki kontan zwe, sante ouswa dans sega». On dit alors «nwar cholo». Avec toutes les connotations liées à l’esclavage et au racisme. Cela signifie aussi, «enn dimounn ki pena enn laparans korek».

Dans sa vidéo, le député de l’opposition porte un costume-cravate et ne chante pas de séga. Si les poètes mauriciens étaient davantage enseignés à l’école, on aurait fait réciter aux enfants ces vers d’Edouard Maunick : «Cholo je suis/Cholo je reste/Tant pis pour ceux que cela dérange.»

Le «cholo» Serge Lebrasse avait, en quelques couplets de Tipol le coupeur canne, cristallisé un métier et une époque. «Dan mo katora napa dir personn, kari bred sonz satini margoz». La paie se fait par semaine. «Samedi tanto mo gagn lamone». Ce que la chanson situe à Rs 32. On est plus de 50 ans avant la centralisation autour de quatre usines, le salaire minimum.

Qui dit Serge Lebrasse, dit les légendes du séga en voie de disparition. Fanfan nous a quittés cette année. Marclaine Antoine est parti en 2017. Roger Clency est mort en 2016. Michel Legris s’en est allé en 2015. Jean Claude Gaspard a, lui, fait ses adieux à la scène après 50 ans de carrière.

Le sucre aussi dit bye bye. L’industrie est devenue cannière, plutôt que sucrière. L’«industrie-mère» vouée à la disparition, a vu la diversification des groupes. Des usines ont été reconverties en centre commercial. Raffinerie, production d’électricité, assurances, hôtellerie sont autant d’activités dans lesquelles se sont lancés les sucriers. Sans oublier les Integrated Resort Scheme et les Smart Cities.

Adieu serpes et sacs en goni. En 1965, Serge Lebrasse chantait : «Abe mwa si mo pa travay, tablisman tom lor lapay».