Publicité

Amendements à la Local Government Act: la «mainmise» ministérielle condamnée

26 novembre 2018, 22:25

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Amendements à la Local Government Act: la «mainmise» ministérielle condamnée

Après avoir amendé la Judicial and Legal Provisions Act pour sanctionner tout auteur d’une publication qui agace, voilà que le gouvernement vient apporter des amendements à la Local Government Act de 2011. Le but est de renvoyer les élections villageoises, mais surtout d’imposer une «mainmise» ministérielle sur les choix des présidents, vice-présidents des conseils de district ou encore des conseillers de district et des présidents de village.

Ces démarches gouvernementales soulèvent des protestations de la part de l’opposition, des conseillers de village et aussi des membres de la majorité. D’ailleurs, il nous revient que cette législation, qui sera introduite au Parlement demain, fera débat cet après-midi au cours de la réunion parlementaire de la majorité.

Sanjeet Teelock, celui qui a piloté la Local Government Act en 2011, parle d’un «crime contre la démocratie régionale». Il va plus loin pour dire que la nouvelle loi serait anticonstitutionnelle. Il cite les amendements apportés à l’article 12 (a) de la législation principale qui, à l’alinéa (5) (a), permettront à la ministre des Collectivités locales de se substituer à un conseil de district élu démocratiquement pour choi- sir un nouveau président du conseil de district, si le titulaire démissionne ou s’il est révoqué par une motion de blâme. Idem pour un conseiller de district, un président de village. Sanjeet Teelock ajoute que si un président du conseil de district est révoqué par les conseillers de district, la ministre pourra le réinstaller à son poste.

Rajesh Bhagwan qui a été ministre des Collectivités locales, soutient que la démocratie régionale est bafouée avec ces amendements. «Les pouvoirs des conseils sont transférés au ministère des Collectivités locales», indique le député du Mouvement militant mauricien. Il fait ressortir que depuis samedi, un grand mécontentement règne parmi les villageois qui trouvent que le gouvernement est antidémocratique. Il rappelle que c’est le Premier ministre lui-même qui avait annoncé que les élections villageoises auraient lieu cette année, «mais maintenant il se sauve».

«Le renvoi des élections villageoises est un acte antidémocratique, car une élection est l’expression même de la démocratie. Nous condamnons donc sans réserve ce renvoi.»

Malini Sewocksingh, députée du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) et qui a été conseillère de ville, laisse entendre que le gouvernement se désiste en reportant les élections villageoises. Elle dénonce surtout les démarches antidémocratiques avec la «mainmise de la ministre des Collectivités locales sur le choix des présidents et autres conseillers de district».

Au leader du PMSD de renchérir : «Le renvoi des élections villageoises est un acte antidémocratique, car une élection est l’expression même de la démocratie. Nous condamnons donc sans réserve ce renvoi.» Dans le même souffle, il souligne que son parti serait favorable au regroupement des élections villageoises, municipales et générales en un seul et unique jour. «Un éventuel projet de loi dans ce sens pourrait avoir le soutien de nos députés.»

Pour sa part, Alan Ganoo, du Mouvement patriotique, soutient que si dans le passé, il y a déjà eu un renvoi des élections villageoises, cette fois le gouvernement va plus loin en remplaçant des pouvoirs des conseillers élus démocratiquement par ceux d’une ministre. «Il faut bien étudier cette loi pour juger si elle est anticonstitutionnelle ou non.»

Armoogum Parsuramen qui a été conseiller du village de Cap-Malheureux avant de devenir ministre, estime, lui, que «l’appétit antidémocratique» du gouvernement augmente. «Ce gouvernement change les règles du jeu comme il le veut. Le remplacement des pouvoirs des personnes élues démocratiquement est aberrant. Après les nominations dans des centres sociaux, c’est la ministre maintenant qui va choisir qui va s’asseoir aux conseils de district. C’est du n’importe quoi !»

Mécontentement parmi les conseillers

La colère gronde chez les conseillers de village bien qu’ils soient des proches du gouvernement. Khemraj Orthoo, conseiller de district de Gros-Cailloux, avance que les conseillers «sont nombreux à souhaiter occuper un poste de responsabilité, mais maintenant ceux qui sont en poste rempilent encore pour deux ans». Il avance qu’après six ans, certains conseillers sont fatigués et voulaient céder la place à d’autres. «Mais s’ils veulent partir, c’est la ministre qui décidera qui les remplacera.»

Vikram Sonia de Grand-Gaube trouve pour sa part que cette démarche vise à décourager de nombreux conseillers. «On se demande pourquoi certains seront privilégiés avec un mandat de quatre ans, alors que d’autres qui aspiraient à devenir président ou vice-président n’auront pas cette chance.»

Rico l’Intelligent de Chamarel trouve, quant à lui, que le renvoi des élections n’est pas nouveau, car cela a été fait dans le passé. Mais pour lui, ce n’est pas juste que certains resteront boulonnés à leur poste. «Que les élections soient repoussées dans deux ans, soit, mais donnons la chance à d’autres d’être présidents ou conseillers de district.» De son côté, Nitin Seetah de Belle-Vue-Maurel fait ressortir que le président du conseil de district de Rivière-du-Rempart peut se retrouver en minorité demain. «Mais à quoi bon le retirer. La ministre peut toujours compter sur lui pour être de nouveau président.»

Navin Ramgoolam : «Une raclée»

Interrogé hier à Roches-Noires sur le renvoi des élections villageoises, le leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, a trouvé que le gouvernement a peur des élections, «car il recevra une raclée lors de ce scrutin». Et d’ajouter: «Le gouvernement se sauve.» Ce sentiment est aussi partagé par certains au Mouvement socialiste militant. Un proche du parti a indiqué à l’express que le renvoi de ces élections est dû uniquement au fait que les députés et ministres qui ont des difficultés sur le terrain sont nombreux. Même s’il ajoute que les partis politiques sont absents de cette joute électorale, ils poussent des candidats qui leur sont proches pour pouvoir contrôler des conseils de district.

Ce qui change

Les élections villageoises initialement prévues en décembre de cette année sont reportées à 2020. Les amendements prévoient que chaque membre du conseil de village, dont le conseiller de district, reste en poste jusqu’à 2020.

Les mandats des présidents et vice-présidents des conseils de district sont étendus jusqu’à 2020. La loi prévoit que s’il y a une vacance au conseil de village, «the minister may appoint any person who is qualified to be a village councillor to fill the vacancy». Donc ce n’est pas nécessaire que quelqu’un sur la «reserved list» présentée par chaque parti avant les élections et qui comprend six personnes, soit choisi.

En cas d’un siège libre d’un conseiller de district, c’est la ministre qui choisira son remplaçant, alors que jusqu’ici cette prérogative revient à l’équipe des élus du village. C’est le cas également pour les présidents et vice-présidents des conseils de district. Il n’est donc plus question d’élections.

En chiffres

Les élections villageoises concernent au moins 14 circonscriptions (130 villages) avec de grands villages qui sont déterminants pour des élections générales. Les villages qui comptent plus de 10 000 électeurs sont Triolet (18 114) Goodlands (15 601), Centre-de-Flacq (12 265), St-Pierre (11 789), Mahébourg (11 488) et Le Hochet (10 344).

Allocations

Le président d’un conseil de district touche environ Rs 35 000. En sus de cette somme, il a droit à une voiture avec chauffeur et à une allocation téléphone. Le vice-président obtient, lui, autour de Rs 22 000. Le président du village et les conseillers de district reçoivent une allocation avoisinant Rs 10 000. Pour sa part, un conseiller de village a droit à Rs 3 000 mensuellement.