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Traduction des «Standing Orders» en créole: un «détail» parmi d’autres

22 novembre 2018, 01:37

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Traduction des «Standing Orders» en créole: un «détail» parmi d’autres

À la rentrée scolaire de 2019, le créole sera en Grade 8. Qu’en est-il des autres institutions, dont le Parlement ? Si Ledikasyon Pu Travayer a envoyé sa traduction du code de procédures à la speaker et à des députés, des linguistes estiment que ce n’est que le sommet de l’iceberg.

Une traduction «initiale» de Ledikasyon Pu Travayer

À la rentrée parlementaire du 16 octobre, Ledikasyon Pu Travayer (LPT) a envoyé une traduction initiale des Standing Orders (le code de procédures) à la speaker ainsi qu’à nombre de députés. Le document a pour titre Stennding Orderz ek Ruls Lasanble Nasyonal draf tradiksyon an kreol 2018.

L’un des aspects de ce document – qui est appelé à être amélioré – ce sont les mots en anglais qui émaillent la traduction. La Private Notice Question se transforme en Prayveyt Notis Kwestyenn, House devient Haws, duties se métamorphose en dyutiz et disallow se change en disalaw. Reading est traduit par riyding et Appropriation Bill par Aproprieshenn Bil.

Alain Ah Vee, de LPT, explique que cette traduction a été faite à la suite d’une réponse parlementaire du Premier ministre, en mars de cette année, concernant les aspects techniques à régler avant de considérer l’introduction éventuelle du créole à l’Assemblée nationale. Il s’agit du travail d’un groupe de six à sept personnes, sur une période d’environ six mois. Ce groupe a consulté des «personnes ayant l’expérience du Parlement», dont l’avocat Jean Claude Bibi, indique-t-il.

S’agissant des mots en anglais conservés dans la traduction, il précise que ce sont des termes qui sont déjà couramment utilisés en créole. «Il faudra par la suite qu’une équipe technique, une équipe de terminologie améliore cela.»

Alain Ah Vee ajoute qu’avec cette traduction, la speaker et les députés ont été avisés qu’il existe déjà des cours pour apprendre à écrire le créole. «Il y a trois-quatre ans, un cours a été organisé par LPT, l’Open University et la Judicial and Legal Services Commission, à l’intention des transcribers de la Cour suprême.» Selon lui, il faut désormais que les autorités instituent une instance officielle pour travailler sur toute la question, tout en fixant une date d’entrée en opération.

Arnaud Carpooran: «Réveiller l’Akademi Kreol Morisien»

Arnaud Carpooran, auteur du Diksioner Morisien, précise : «Je ne parle pas du créole au Parlement mais dans toutes les institutions. Que ce soit les ministères, les cours de justice, les postes de police. Le Parlement est l’une de ces institutions et non des moindres, mais je ne veux pas le détacher des autres.» C’est dans cette optique qu’il a récemment appelé au revival de l’Akademi Kreol Morisien. «La marche à suivre sera décidée en fonction des attributions de cette académie.» Entre 2010 et 2011, l’académie a travaillé sur l’introduction du créole comme matière optionnelle à l’école. Elle a notamment préparé le document intitulé Lortograf Kreol Morisien.

Pas une priorité pour Dev Virahsawmy

Pour l’auteur, traducteur et linguiste Dev Virahsawmy, la traduction des Standing Orders du Parlement n’est «pas une priorité». Lui-même a traduit, entre autres choses, deux chapitres de la Constitution. Il plaide en faveur d’une vision globale. Mais surtout pour la reconnaissance légale «d’une langue qui s’appelle le morisien», faisant valoir «que c’est la langue nationale de Maurice et que l’on a le droit de l’utiliser au Parlement».

Là, il met en garde ceux qui «ne respectent pas la séparation des pouvoirs. Quand on parle du créole au Parlement, c’est le speaker qui décide». Il estime que l’une des étapes au préalable est de former le personnel du Parlement à la lecture et à l’écriture en créole. Même chose pour les députés et ministres, qui sont appelés à revoir leur discours, pour le Hansard. «Ensuite, c’est le secrétariat du Parlement qui peut proposer une traduction. C’est lui qui connaît le mieux ces Standing Orders. Cela devient ainsi un élément dans un projet d’ensemble, pour la construction d’une nation.»

Dev Virahsawmy, pour qui 50 ans après l’Indépendance, Maurice n’est pas encore une nation, y voit un pas en ce sens. «Pour être une nation, il faut une histoire commune, une culture commune, un projet commun. Quel est le projet commun ? Le projet du créole au Parlement concerne la démocratisation de la vie publique. Tant que la langue créole reste hors de l’Hémicycle, on privilégie une élite.» En même temps que l’on aménage la langue pour le Parlement, qu’il y ait un plan global pour améliorer la littératie (savoir lire, écrire et compter) dans trois langues : le créole, l’anglais et le français.