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Cameroun: en cinq jours, 90 élèves enlevés puis libérés

7 novembre 2018, 21:55

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Cameroun: en cinq jours, 90 élèves enlevés puis libérés

 

Quatre-vingt-dix élèves d’une même école en zone anglophone ont été enlevés puis libérés en cinq jours au Cameroun après deux enlèvements distincts, des actions sans précédent dans ce pays où les régions anglophones sont en proie à un conflit armé depuis un an.

«Mercredi 31 octobre, 11 élèves de l’institution ont été enlevés», a expliqué l’Église presbytérienne chargée du collège presbytérien de Nkwen à Bamenda, capitale régionale du Nord-Ouest théâtre, avec le Sud-Ouest, d’un conflit entre séparatistes et armée.

Ce premier enlèvement n’avait pas été révélé en raison de négociations en cours avec les ravisseurs, selon une source proche de l’établissement. Les élèves ont depuis été «libérés», selon l’Eglise.

Quelques jours plus tard, lundi, 79 élèves ont de nouveau été enlevés dans la même école, puis libérés mercredi.

L’opération militaire en vue de leur libération a été menée «aux premières heures de la matinée» par l’armée à Bafut, non loin de Bamenda, selon un communiqué de Joseph Beti Assomo, ministre de la Défense. «Pris en charge par la cellule psychologique (de l’armée), et soumis à des examens médicaux approfondis, les élèves ainsi libérés seront incessamment remis à leurs familles». Trois otages, des adultes, sont toujours retenus.

Le déroulé des événements des deux enlèvements et l’identité des ravisseurs restent floues.

Dans une vidéo obtenue par l’AFP lundi soir, onze garçons d’une quinzaine d’années déclinaient un à un, en anglais, leur identité et indiquaient avoir été enlevés par les «Amba boys», les séparatistes anglophones.

Deux sources concordantes avaient indiqué mardi que ces jeunes garçons étaient bien élèves à la Presbyterian Secondary School (PSS). Selon une source proche de l’établissement, ces élèves seraient les 11 enlevés le 31 octobre.

- Appel au dialogue -

Dans un communiqué, les Etats-Unis ont appelé «toutes les parties à mettre fin à la violence et à engager un large dialogue de réconciliation sans conditions préalables».

Un responsable de l’Eglise presbytérienne, Foki Samuel Forba, a indiqué mardi avoir mené des négociations avec les ravisseurs qui ne réclamaient pas de rançon, selon lui, mais «seulement» la fermeture de l’école.

Depuis le début du conflit, fin 2017, les séparatistes ont décrété un boycottage des établissements scolaires, estimant que le système francophone marginalise les étudiants de la minorité anglophone.

L’Eglise presbytérienne a indiqué que l’école resterait fermée «jusqu’à nouvel ordre».

Des dizaines d’autres, restées ouvertes, ont été attaquées par des hommes armés ces derniers mois. Mi-octobre, six élèves avaient été enlevés dans un lycée de Bamenda.

Selon les autorités, seul un enfant sur quatre a pu faire sa rentrée scolaire dans la région du Sud-Ouest en septembre.

Depuis le début du conflit, les kidnappings sont fréquents en zone anglophone. Certains visent des symboles de l’Etat (fonctionnaires et représentants de l’autorité de Yaoundé), d’autres ont pour but le versement d’une rançon.

Les séparatistes armés, éparpillés dans la forêt équatoriale en groupes épars, ont peu de moyens et combattent régulièrement avec des armes de chasse ou de poing.

Mais dans les régions anglophones d’ordinaire théâtres d’actions isolées contre des gendarmeries ou des écoles en zones rurales, ces rapts de masse en zone urbaine sont sans précédent.

- Kamto se dit «séquestré» -

Depuis la présidentielle du 7 octobre à laquelle très peu d’électeurs anglophones ont pu voter, les attaques ont redoublé dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

Les affrontements sont quasi quotidiens entre les forces de sécurité camerounaises, déployées en nombre par Yaoundé, et des séparatistes.

A ceux-là se seraient ajoutés, selon des sources concordantes, des bandes armées qui rackettent les populations et les entreprises.

L’annonce mercredi de la libération des 79 élèves, après trois jours de détention, est intervenue au lendemain de la prestation de serment de Paul Biya, réélu à 85 ans avec 71,28% des suffrages pour un septième mandat.

A cette occasion, le président, au pouvoir depuis 1982, a reconnu «les frustrations et les aspirations de la grande majorité» des Camerounais des régions anglophones.

Peu après la cérémonie, l’opposant Maurice Kamto a pris la parole à Yaoundé, revendiquant une nouvelle fois sa «victoire» à l’élection du mois dernier.

Le rassemblement a été dispersé. Mercredi soir, son porte-parole a affirmé que M. Kamto était «séquestré et interdit de tous mouvements» chez lui par la police.

Depuis l’annonce de la réélection de M. Biya, le climat politique s’est détérioré, des dizaines d’opposants ayant été arrêtés et des journalistes interpellés.

Selon Olivier Bibou-Nissack, porte-parole de Maurice Kamto, un militant arrêté le 29 octobre à Yaoundé restait mercredi détenu et 83 autres sont poursuivis pour avoir manifesté «contre le hold-up électoral».