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Beto O’Rourke, l’espoir déçu des démocrates au Texas conservateur

7 novembre 2018, 09:22

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Beto O’Rourke, l’espoir déçu des démocrates au Texas conservateur

Il a perdu son pari, et pourtant Beto O’Rourke a acquis, au cours de la campagne pour les élections de mi-mandat, un statut d’étoile montante de la gauche américaine qui pourrait survivre à sa défaite.

Député inconnu du grand public il y a encore deux ans, ex-rocker punk au CV politique peu étoffé mais avec du charisme à revendre, le démocrate a fait sensation au Texas, traditionnellement ancré à droite.

A 46 ans, il n’a pas réussi mardi l’exploit de battre le sénateur sortant Ted Cruz lors des législatives de mi-mandat aux Etats-Unis. Mais le seul fait qu’il ait fait trembler ce poids lourd du Parti républicain, tendance ultraconservatrice, et sa défaite serrée, le placent sous les projecteurs au moment où le Parti démocrate va entrer dans la course pour désigner son candidat qui défiera Donald Trump en 2020.

Longue silhouette dégingandée, éloquence et gestuelle passionnées, Beto, comme tout le monde l’appelle, a fait campagne sans relâche depuis 18 mois, mouillant littéralement ses chemises bleu clair dans la chaleur étouffante de chacun des 254 comtés du grand Etat du sud américain. Avec une vision optimiste de l’Amérique qui n’est pas sans rappeler celle que portait il y a dix ans un autre jeune prometteur, Barack Obama.

«Je n ous connais bien et nous ne sommes pas un peuple qui fonde ses décisions sur la peur», disait-il récemment à l’AFP, dans un tacle à la campagne de Donald Trump. «Nous n’avons pas peur de l’avenir.»

Son engagement à ne pas céder à la surenchère partisane a toutefois rencontré des limites, comme quand, à la peine dans les sondages, il est passé à l’offensive contre Ted Cruz, qualifié de «malhonnête».

Dans des Etats-Unis divisés à l’extrême, ses appels au compromis semblent en tout cas avoir trouvé un certain écho.

Et son plaidoyer contre le statu quo, ainsi que sa décision de refuser les dons d’entreprises ou de lobbies, ont séduit les électeurs au Texas et au-delà, lui permettant de lever des dizaines de millions de dollars en contributions individuelles.

Candidat en 2020?

Mais s’il a mis un point d’honneur à s’adresser aux Texans de tous bords, Beto O’Rourke n’a pas pour autant dilué ses convictions pour mener campagne au centre: au contraire, il a défendu un programme résolument à gauche dans cet Etat conservateur.

Tout en évitant de verser dans la rhétorique anti-Trump systématique, il s’est dit favorable à une destitution du président, un tabou pour les dirigeants démocrates soucieux de ne pas polariser les débats sur cette question.

Alors que Ted Cruz dézinguait l’Obamacare, l’assurance-maladie mise en place par l’ex-président démocrate et vouée aux gémonies par les républicains, Beto O’Rourke soutenait son extension et l’assurance santé universelle portée par le sénateur socialiste Bernie Sanders.

Il réclame des restrictions accrues dans les ventes d’armes au pays des cowboys, ainsi qu’une voie vers la naturalisation de millions de sans-papiers à travers le pays, dans cet Etat frontalier du Mexique où le locataire de la Maison Blanche veut bâtir son mur anti-immigrés.

Et il n’a pas hésité à s’opposer à Donald Trump dans une des polémiques chères au milliardaire républicain, en prenant vigoureusement la défense des joueurs de football américain noirs qui mettent le genou à terre durant l’hymne national pour dénoncer les violences policières.

Ses propos sur ce sujet explosif, saisis sur une vidéo devenue virale, ont contribué à propulser sur la scène politique nationale, durant l’été, celui qui est élu de la Chambre des représentants depuis 2013 mais n’avait pas encore percé à Washington.

Pari risqué. Trop, peut-être, pour le Texas où aucun démocrate n’a pas gagné d’élection au niveau de l’Etat depuis 1994.

Mais ses idées peuvent-elles l’imposer dans un scrutin national? Cette défaite honorable font de lui, pour certains démocrates, un candidat potentiel à la Maison Blanche.

Durant sa campagne, l’intéressé avait écarté cette hypothèse.

«Je ne serai pas candidat à la présidence en 2020», avait-il tranché.

S’il devait revenir sur sa décision, il ferait face au milliardaire républicain qui l’a dépeint en «poids plume», et en «gauchiste radical qui plaide pour des frontières ouvertes».