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Muslim personal law: l’opposition unie sur la pension des veuves mariées religieusement

3 novembre 2018, 22:00

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Muslim personal law: l’opposition unie sur la pension des veuves mariées religieusement

La question de la pension des veuves mariées religieusement a été soulevée une nouvelle fois à l’Assemblée nationale. Le député rouge Shakeel Mohamed en a parlé à l’ajournement des travaux parlementaires le mardi 23 octobre. Le lendemain, soit lors d’un dîner à Plaine-Verte, le leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, a pris l’engagement de «corriger l’injustice» que subissent toujours les veuves qui se sont mariées religieusement entre 1987 et 1991. Durant cette période, le mariage religieux n’était pas reconnu à la suite d’un amendement apporté à la Civil Status Act le 13 novembre 1987.

Combien de veuves sont-elles concernées ? Difficile à dire car il n’y a jamais eu de recensement en ce sens. Le Muslim Family Council, lui, n’est pas habilité à le faire de par la nature de ses fonctions. Et il n’en a pas les moyens, fait ressortir son Chairman, Me Feroza Maudarbocus-Moolna. Combien d’entre ces veuves ont pu se faire inscrire à la suite de la parution des amendements apportés aux Social Aid Regulations en octobre 2014, leur permettant de toucher une allocation qui équivaut à la pension de veuve ? Nous avons posé la question au ministère de la Sécurité sociale, mais on va devoir attendre pour avoir ces chiffres.

Soulignons que les règlements ne passent pas par l’Assemblée nationale, mais après avoir été paraphé, le document est expédié au Government Gazette. Celui-ci doit alors faire publier les règlements dans des journaux. «Est-ce que le ministère a communiqué comme il se doit afin que les gens puissent en prendre connaissance ? Cela concerne les droits humains et la reconnaissance du mariage religieux. C’est inacceptable qu’aux yeux de la loi, ce soient des femmes qui ont vécu en concubinage et qui ont eu des enfants en dehors du mariage. Surtout que la Constitution garantit le droit à la pratique de sa religion», déclare Shakeel Mohamed, sollicité par l’express.

Des lacunes

La solution à cette situation ? Selon Me Feroza Maudarbocus-Moolna, il faut amender l’article 74 intitulé «Past religious marriages» de la Civil Status Act de 1981 afin que les mariages religieux célébrés entre 1987 et 1990 puissent être reconnus par l’État et permettant ainsi aux veuves de percevoir une pension.

À Shakeel Mohamed d’ajouter qu’il faut aussi identifier les lacunes dans la loi. «Certains vont même jusqu’à jurer un affidavit, mais celui-ci n’est pas accepté. En fait, le ministère de la Sécurité sociale ne procède pas à une étude pour connaître le nombre de femmes concernées car cela impliquerait un coût que de leur verser une pension mensuellement», dit-il.

Pour les autres partis de l’opposition, il y va de la volonté gouvernementale. Selon Rajesh Bhagwan du Mouvement militant mauricien, «c’est une situation qui a duré longuement. Cette affaire a été soulevée à l’Assemblée nationale à plusieurs reprises. Il faut trouver une solution. Ce n’est pas impossible s’il y a la volonté politique», observe-t-il. Le leader du Mouvement patriotique, Alan Ganoo, abonde dans le même sens.

Du côté du Parti mauricien social-démocrate, Salim Abbas Mamode déplore le fait que les règlements de 2014 n’aient pas été communiqués correctement. «Il faut ajouter une nouvelle clause à la loi où l’on mentionne si une femme arrive à prouver qu’elle était mariée, que son mari est décédé et qu’ils ont vécu ensemble alors qu’il était en vie», affirme celui qui a assisté à plusieurs mariages pendant la période novembre 1987 à décembre 1990, où l’époux est par la suite décédé et la veuve est sans pension.

Historique

13 novembre 1987. La «Civil Status Act» de 1981 est amendée. Elle rend invalide le mariage religieux qui, autrefois, avait force de loi au même titre qu’un mariage civil. Cette loi sera de nouveau amendée le 21 décembre 1990 pour reconnaître, une nouvelle fois, le mariage religieux, sauf que ceux contractés pendant cette période de trois ans ne sont pas reconnus. De ce fait, les femmes qui se sont mariées pendant ce laps de temps n’étaient – et ne sont toujours – pas éligibles à une pension. Cela, en dépit de l’amendement apporté aux «Social Aid Regulations» de 1984, permettant au veuf ou à la veuve (surviving partner) d’avoir droit à une allocation équivalente à la pension de veuve. Une démarche qui survient suivant une demande de Shakeel Mohamed (alors ministre du Travail) à son homologue à la Sécurité sociale, Sheila Bappoo. Cette dernière devait alors mettre sur pied un comité interministériel pour étudier notamment le problème des femmes ayant contracté le mariage religieux entre le 13 novembre 1987 et le 21 décembre 1990. Il a alors été décidé que celles qui étaient concernées devaient venir s’inscrire auprès du ministère de tutelle avant le 31 décembre 2014. Deux conditions y étaient attachées. Les femmes en question ne devaient pas avoir atteint l’âge de 60 ans, et elles ne devaient s’être remariées entre 1991 et 2014…

Comment en est-on arrivé à cette situation ?

C’est avec l’abrogation de la «Muslim Personal Law» votée en 1987 que les mariages religieux musulmans ne sont plus reconnus par l’état civil. En d’autres mots, le mariage religieux n’a aucun effet civil. La loi abrogée a amendé la «Civil Status Act», faisant en sorte que seul le mariage civil soit reconnu. Du coup, la «Nation Pension Act» de 1976 est amendée et reconnaît un seul mariage civil. Il a fallu attendre en 1990, pour que les nikah soient reconnus à nouveau. La demande doit se faire à travers le Muslim Family Council. La «Muslim Personal Law» a été votée en 1981 et a permis d’avoir une loi codifiée pour les personnes de foi islamique. Les règlements qui régissent ces mariages sont ceux contenus dans le Code Napoléon («Amendment Act») 1981, articles 228 (1) à (10). Ces amendements ont été votés en 1981, quand le gouvernement d’alors a décidé de reconnaître la légalité du mariage religieux.

Témoignage

<p style="text-align: justify;">Bibi Nazemeen Reedah, 44 ans, s&rsquo;est mariée le 27 octobre 1991, soit presque deux mois avant que le mariage religieux ne soit de nouveau reconnu. Cette habitante de Camp-Yoloff a perdu son époux le 13 avril 2017. Depuis, elle ne cesse de faire des va-et-vient au ministère de la Sécurité sociale. <em>&laquo;On me dit à chaque fois que mon dossier est chez le commissaire. J&rsquo;ai produit tous les documents &ndash; mon certificat de mariage religieux, l&rsquo;acte de naissance de mes trois enfants âgés aujourd&rsquo;hui de 18, 22 et 24 ans. J&rsquo;ai aussi juré un affidavit. En vain&raquo;,</em> raconte la quadragénaire. Du temps où son époux était en vie et qu&rsquo;il était souffrant, l&rsquo;aide sociale dont il bénéficiait avait été coupée lorsque la Sécurité sociale a appris qu&rsquo;elle travaillait. <em>&laquo;J&rsquo;ai cessé de travailler et mon époux a recommencé à toucher son allocation. Son état s&rsquo;est aggravé et il a touché une pension d&rsquo;invalidité. C&rsquo;était moi qui allais prendre son argent. Tout ça pour vous dire que de son vivant, j&rsquo;étais reconnue comme l&rsquo;épouse. Mais, à la mort de mon mari, je ne le suis plus. Kuma ou explik sa ?&raquo;</em> se demande celle qui travaille à temps partiel pour pouvoir faire bouillir la marmite.</p>