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Discrimination et violence contre les femmes : carton rouge à Maurice

31 octobre 2018, 22:31

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Discrimination et violence contre les femmes : carton rouge à Maurice

Tantôt tâtonnants, tantôt confus, les représentants mauriciens n’ont pas eu la partie facile hier, mardi 30 octobre, à Genève. La délégation, dirigée par la vice-Première ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo, participait à la 71e Session Committee on the Elimination of Discrimination Against Women.

Face aux questions des experts internationaux sur les manquements criants dans le combat contre  toute forme de discrimination et de violence envers les femmes, les représentants mauriciens se sont illustrés par le manque de statistiques, de budget et de mesures efficaces disponibles à l’échelle nationale.

L’absence de données détaillées sur la condition féminine à Maurice et à Rodrigues a interpellé durant cette réunion qui a débuté par la lecture du rapport de Maurice par la ministre Jeewa-Daureeawoo. Aucune donnée disponible sur la situation de discrimination sur la base du sexe et du genre, ni sur la prostitution, ni sur le nombre de programme de sensibilisation. Et encore moins sur la violence domestique.

 La ministre s’abstient de répondre sur le cas Perrine

De l’aveu d’Aveenash Appadu, de la Gender unit, personne n’a eu l’idée de «merge» les chiffres enregistrés au niveau de la police et du Family Support Bureau pour avoir une idée plus globale de la situation. «Nous avons un gros problème concernant la collecte de données à Maurice», a concédé la vice-Première ministre, qui s’est retrouvée sous pression à de nombreuses reprises. Notamment face à une question sur le cas Christopher Perrine, qui a bénéficié d’une remise de peine malgré un casier judiciaire chargé.

 

Une des expertes a voulu savoir comment la ministre a accueilli les propos de l’ancien chef juge Victor Glover. À l’express, il a déclaré qu’il n’avait pas toutes les informations et que dans les affaires de viol, «la question à poser est de savoir si la personne était consentante». 

Fazila Jeewa-Daureeawoo n’a pas souhaité se prononcer, en renvoyant au Premier ministre la responsabilité de look into the matter», ainsi qu’à l’Acting Assistant Solicitor General, Me Prameeta Devi Goordyal-Chittoo. Si elle a tente tant bien que mal d’apporter des éclaircissements face aux interrogations, Fazila Jeewa-Daureeawoo a dû, à plusieurs reprises, concéder qu’elle doit se référer aux higher authorities. Sur le nombre de Mauriciennes occupant le poste d’ambassadrices aussi, moment embarrassant pour Maurice qui a dû reconnaître qu’il n’y en a que trois.

Fazila Jeewa-Daureeawoo a, par ailleurs, étonné l’auditoire par son incapacité à répondre à une question sur le budget accordé à son ministère pour des programmes de prévention contre la violence. Malgré les engagements pris par le gouvernement en 1995, 2006 et 2011, aucun progrès n’a été noté en ce sens, devait constater un des assesseurs.

Plusieurs questions sans réponses

D’ailleurs, lors de ce «Constructive dialogue», des experts ont regretté que plusieurs de leurs questions soient restées sans réponse. Pourquoi jusqu’ici la Constitution n’a pas été amendée pour inclure les dispositions de l’Equal Opportunities Act et l’Employment Rights Act ? Pourquoi aucune loi permettant de mettre un Constitutional address concernant la discrimination dans le secteur privé ?

 

Pourquoi aucune étude n’a été menée pour connaître les causes profondes du désengagement des femmes en politique ? La représentation féminine a, en effet, chuté depuis ces dernières années. Au sein du Parlement, il n’y en a que 8 et 2 seulement au sein du Conseil des ministres.

 

Qu’en est-il d’une loi spécifique pour le viol conjugal ? Pourquoi les prostituées sont punies par la loi et pas les clients ? Quid de l’intention du gouvernement de criminaliser la violence économique ? Quelles sont les incentives pour encourager les femmes à accéder au «decision making» et «leadership roles» dans le public et le privé ? «We have no control on the private sector», devait répondre la représentante du gouvernement mauricien.

Autre fait consternant : l’absence d’étude concernant l’étendu des avortements clandestins. Ni sur l’exploitation des ouvrières étrangères sur le marché du travail. Aucun remedial measure sur la disparité salariale. «On ne peut pas parler de discrimination, les salaires dépendent du ‘job description’», a expliqué Prameeta Devi Goordyal-Chittoo.

La partie mauricienne s’est retrouvée noyée sous le lot de manquements décriés par les experts. Pas de réponse des autorités mauriciennes face aux limites du Protection Order. Sur la situation des LGBT, l’orientation sexuelle est déjà prévue dans l’Equal Opportunities Act. Concernant les «hate speeches», les membres peuvent rapporter les cas à la police. Sur la question de sodomie, la délégation mauricienne devait souligner que la question est à l’étude. Sur les plaintes liées au harcèlement sexuel, pourquoi les lois mises en place ne profitent pas aux femmes ?

La journée aurait été catastrophique, si ce n’était pour la juge Aruna Devi Narain qui siège sur le Committee on the Elimination of Discrimination against Women et l’avocate Pramila Patten, nommée au poste de Special Representative of the Secretary-General on Sexual Violence in Conflict au sein des Nations unies. Elles ont été qualifiées par leurs pairs comme d’«excellent, outstanding and accomplished mauritian experts».