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Pouvoirs accrus à l’Attorney General: ce que l’on sait moins

30 octobre 2018, 08:22

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Pouvoirs accrus à l’Attorney General: ce que l’on sait moins

Le Judicial and Legal Provisions Bill est présenté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ce mardi 30 octobre. Un projet de loi qui ne fait pas l’unanimité dans le judiciaire et la politique. L’opposition, notamment le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) se sont élevés contre certaines dispositions qui renforcent les pouvoirs de l’Attorney General. Outre les critiques sur les nouvelles clauses proposées par la Law Reform Commission et la collecte de preuves à l’étranger par ce membre du gouvernement, d’autres amendements font tiquer les juristes.

Un aperçu de ces amendements moins connus :

Recours à la technologie

Au cas où les amendements seront adoptés par l’Assemblée nationale, il sera possible d’avoir recours à la technologie pour collecter les preuves. Des moyens électroniques plus sophistiqués seront autorisés dans les affaires criminelles et civiles, à condition que leur authenticité soit certifiée.

L’article 4 donne aussi la possibilité, à travers l’amendement de la District and Intermediate Courts Act (Criminal Jurisdiction), de corriger les erreurs pour les sentences. La demande d’appel pourra se faire devant le même magistrat et la même instance, sans passer par une procédure devant la Cour suprême. Des changements accueillis positivement.

Indépendance de l’Institute of Judicial and Legal studies compromise ?

L’IJLS est considéré comme un organe indépendant placé sous la direction du chef juge. Désormais, l’Attorney General aura son mot à dire sur son fonctionnement. Retirer un pouvoir au chef juge au profit de l’Attorney General pourrait constituer un empiétement sur le judiciaire, dit-on dans le milieu juridique.

Jusqu’ici, le chef juge nommait le Chief Executive Officer (CEO) et le président de l’institut. Celui-ci a pour responsabilité d’assurer la formation continue de la profession juridique et du judiciaire et de proposer des sentencing guidelines (directives pour la détermination des peines) au chef juge. Certains trouvent inquiétant qu’un politicien en la personne de l’Attorney General s’ingère dans ce qui est considéré comme une prérogative du judiciaire. Car seul le chef juge est responsable d’élaborer les best practices pour l’administration de la justice.

Les internautes sont prévenus

Des amendements à l’Information and Communication Technologies Act sont prévus. Si les spécialistes ont déploré une absence de règlements à ce niveau, les modifications apportées prêtent à confusion. «La définition du concept de message est plus vaste», note le professeur Rajen Narsinghen, responsable du département de droit à l’université de Maurice et membre de la Law Reform Commission. L’article 46 remplace les mots «or is likely to cause distress or anxiety» par «which is likely to cause or cause annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to any person». L’internaute ou l’utilisateur de moyens électroniques qui véhiculera les informations doivent faire plus attention. Les peines d’emprisonnement passent de cinq à dix ans.

Entrâve à la justice : Pas de clémence

L’article 3 de la nouvelle loi prévoit une peine de 10 ans pour le délit de Perverting the course of Justice. Ce durcissement de la loi est diversement commenté dans les milieux concernés car aucune disposition n’est prévue pour les «first time offenders».

Plusieurs sont d’avis qu’il fallait prévoir une amende pour ceux qui commettent ce délit pour la première fois, afin de maintenir un équilibre entre la répression et la sensibilisation. Et durcir les peines en cas de récidive.

Où est passée la loi-cadre sur les fake news ?

Si les dérapages sur les réseaux sociaux seront sévèrement sanctionnés à l’avenir, les autorités ne pourront pas sévir contre les fake news. La Law Reform Commission a refusé la nouvelle loi-cadre sur les fausses informations. Ce serait la raison pour laquelle, selon une source à la commission, de nouvelles dispositions ont été apportées afin de permettre à l’Attorney General de révoquer ses membres.

La commission n’a pas recommandé une telle loicadre car cela aurait brimé la liberté d’expression et l’espace démocratique. Surtout avec un organe étatique comme l’Information and Communication Technologies Authority pour contrôler en amont et en aval les contenus des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et Google.