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Bruxelles rejette le budget italien, fustige un dérapage «revendiqué»

23 octobre 2018, 19:13

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Bruxelles rejette le budget italien, fustige un dérapage «revendiqué»

Le bras de fer entre la Commission et la coalition populiste au pouvoir en Italie se durcit: Bruxelles a rejeté mardi le projet de budget italien, une première dans son histoire, fustigeant «une déviation claire, nette, assumée et par certains, revendiquée» aux règles européennes.

«La balle ne touche pas la ligne, elle est loin de la ligne», a critiqué le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici lors d’une conférence de presse à Strasbourg.

«C’est un moment fort et grave pour nous», a-t-il ajouté, précisant que l’Italie disposait désormais de trois semaines, selon les règles européennes, pour présenter un budget révisé.

Dans le cas contraire, elle s’expose à l’ouverture d’une «procédure pour déficit excessif», susceptible d’aboutir à des sanctions financières correspondant, en théorie, à 0,2% de son PIB (soit 3,4 milliards d’euros en prenant les chiffres de 2017).

«La balle est maintenant entre les mains du gouvernement italien», a lancé le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, regrettant que Rome aille «ouvertement, consciemment à l’encontre des engagements pris».

La Commission marche sur un fil avec l’Italie, entre recherche de fermeté, afin de prouver sa crédibilité, et volonté de dédramatiser, pour éviter un choc frontal avec Rome qui affolerait les marchés et risque d’alimenter le populisme dans la troisième économie de la zone euro.

«Cela ne change rien (...) on ne retourne pas en arrière», a immédiatement réagi Matteo Salvini, vice-Premier ministre italien, en déplacement en Roumanie.

«Ils ne sont pas en train de s’attaquer à un gouvernement mais à un peuple. Ce sont des choses qui mettent les Italiens encore plus en colère», a ajouté le patron de la Ligue (extrême droite), homme fort du gouvernement de coalition avec le Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste).

«Dès demain, nous continuerons à expliquer cette loi de finances», avait pour sa part déclaré, avant même l’annonce de la Commission, son homologue, Luigi Di Maio, chef de file du M5S, promettant «des semaines de grand dialogue avec l’Europe, les marchés».

«Pas la prochaine Grèce» 

Bruxelles avait déjà pointé du doigt dans un courrier à Rome la semaine passée le dérapage budgétaire «sans précédent» de l’Italie depuis les nouvelles règles mises en place en 2013 et le risque de «non-conformité grave» de son budget avec les règles européennes.

Mais en dépit de ces critiques, le gouvernement italien avait maintenu lundi ses prévisions.

Alors que le précédent gouvernement de centre gauche avait promis un déficit public de 0,8% du PIB en 2019, Rome prévoit désormais d’atteindre 2,4% l’an prochain, puis 2,1% en 2020 et 1,8% en 2021.

Quant à la dette publique, actuellement à quelque 131% du PIB, soit le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce, Rome a promis de la ramener à 126,5% en 2021.

En gage de sa bonne volonté, le gouvernement italien a assuré qu’il respecterait à la lettre ces objectifs, sans creuser davantage le déficit ou la dette.

Il a aussi réaffirmé lundi son attachement à l’UE et à la zone euro, assurant qu’il n’y avait «aucune chance» que l’Italie en sorte.

Les échanges entre Rome et la Commission sont observés de près par les autres pays de la zone euro, soumis aux mêmes règles budgétaires que l’Italie.

«Personne ne peut s’affranchir de ces règles, qui sont les mêmes pour tous», a rappelé, avant la décision de Bruxelles, le ministre français des Finances Bruno Le Maire, en déplacement à Strasbourg.

Klaus Regling, le patron du Mécanisme européen de stabilité (MES), une organisation de l’UE chargée de venir en aide aux pays de la zone euro en difficulté, a lui assuré mardi que l’Italie n’était «pas la prochaine Grèce».

«Il ne faut pas paniquer (...) Le risque de contagion à d’autres pays est très limité», a-t-il estimé.

La Bourse de Milan se maintenait à -1,15% vers 16H30 (14H30 GMT), sa tendance depuis le début de la journée.

Quant au spread, l’écart très surveillé entre les taux italien et allemand à dix ans, il est monté à 315 points, contre 304 lundi soir.