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Tentatives d’intimidation: Quand les politiciens ciblent les jeunes journalistes

16 septembre 2018, 01:00

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Tentatives d’intimidation: Quand les politiciens ciblent les jeunes journalistes

Traité de «Baba» et rabaissé à cause d’une question qu’il a posée, David Onsiong, du magazine «Weekly», était la cible de Pravind Jugnauth mercredi. Au quotidien, les jeunes journalistes font face aux manœuvres des politiciens et leurs responsables de communication. Est-ce de la pure stratégie pour occulter les questions gênantes ?

Sobriquet, attaques personnelles, menaces… Difficile le métier de journaliste pour les jeunes. Certains sont tout bonnement la cible de ministres et d’attachés de presse, entre autres. Le dernier en date, David Onsiong, du magazine Weekly.

Le journaliste, attaché à cette rédaction depuis novembre 2017, avait demandé une explication quant à la présence de lady Sarojini Jugnauth au sein de la délégation officielle pour les auditions devant la Haute Cour de justice à La Haye, aux Pays-Bas. C’était le mercredi 12 septembre.

Mais la réponse du chef du gouvernement l’a surpris. «Je m’attendais à une réponse acerbe de sir Anerood Jugnauth, réputé pour avoir enn lalang fité mais pas de Pravind Jugnauth. J’ai été surpris qu’il réagisse ainsi», confie-t-il.

«C’était la première fois que j’assistais à une conférence de presse du Premier ministre», souligne-t-il. Pravind Jugnauth a rétorqué que sa question était «cheap» avant de surenchérir: «Sé enn laont. Mem pa koné ki zournal ou été. Ou enn baba.» Et les trois quarts du cabinet ministériel ont applaudi, fait ressortir le journaliste. «C’était intimidant, rabaissant. Soit une tentative de me déstabiliser.»

Or, précise David Onsiong, il avait tout à fait le droit d’informer le public du rôle de l’épouse du ministre mentor au sein de la délégation mauricienne. «Qui paie les frais de voyage ? C’est le contribuable. C’est une question d’accountability mais aussi d’éthique, d’autant que Pravind Jugnauth est un personnage public.»

En dépit de cette manœuvre d’intimidation, David Onsiong est toutefois satisfait d’avoir obtenu une réponse. «Dommage que le Premier ministre m’ait rabaissé avant de répondre. Mais que voulait-il dire ? Que quand on est jeune, on n’a pas le droit de poser des questions ? Quel message veut-il envoyer ? C’est regrettable.»

Xavier Maugueret, journaliste à l’express depuis juillet 2016, a aussi été victime des «tactiques» de certains ministres. Il parle même de «tentative d’intimidation, claire et directe». Il y en a qui disent par exemple : «To pé fer travay lot dimounn. Il y a même des remarques désobligeantes sur ma personne.»

Xavier Maugueret ajoute que les jeunes journalistes sont des «cibles faciles» pour les politiciens du fait qu’ils viennent de débuter dans le métier. «On essaie de déstabiliser le journaliste car il pose une question qui gêne. D’ailleurs, si on se pose des questions, cela implique bien que quelque chose n’est pas clair. N’est-ce pas au politicien de répondre ? On voit une volonté d’esquiver la question.»

Un journaliste d’un site d’information abonde dans le même sens. Alors qu’il n’avait qu’une année d’expérience, il avait interrogé un ministre après une réunion houleuse avec des mandants à Roche-Bois. Le politicien l’aurait menacé et sommé de ne rien écrire. Au cas contraire, allègue le journaliste, avait-il lancé: «Mo pou kraz twa, mo pou fini twa.»

Les attachés de presse et chargés de communication d’organismes parapublics ont le même genre de réactions, renchérit Xavier Maugueret. Alors que certains ne prennent pas le temps de répondre aux journalistes, d’autres se montrent menaçants. Une responsable de communication lui aurait même dit : «Je connais quelqu’un de haut placé chez toi. Tu en prendras pour ton grade. Je vais porter plainte à la police.»

Par ailleurs, il y a quelques jours, la journaliste d’une radio privée, employée depuis plusieurs mois, a eu maille à partir avec un attaché de presse. Elle avait posé deux questions au ministre sur le dossier Chagos lors d’une site visit. Or, l’attaché de presse de celui-ci l’a réprimandée en insistant sur le fait qu’elle n’avait pas le droit de poser des questions en dehors de celles concernant la fonction.

Selon nos sources, le ton était autoritaire, voire arrogant. Il lui aurait demandé si elle était nouvelle et aurait affirmé qu’il était le seul à avoir le contrôle sur ce qu’il fallait dire. Se sont ensuivis des gestes menaçants.

Il ressort que l’attaché de presse se serait excusé le lendemain. Et bien que d’autres cas soient récurrents au sein des médias, plusieurs journalistes n’ont pu s’exprimer sous ordre de leur hiérarchie.

Un responsable de communication… peu communicatif

Quel est le rôle d’un attaché de presse? Surtout s’il ne communique pas avec les médias. C’est le cas de Jameer Yeadally, du ministère de la Santé. Les courriels, les coups de téléphone, les messages qui lui sont envoyés restent sans réponse. Une collègue lui a envoyé un courriel ce lundi pour lui demander des explications sur un dossier. «Je ne suis pas à Maurice», a-t-il rétorqué par SMS le lendemain. En appelant la secrétaire attachée au ministère de la Santé, l’on apprend qu’il s’est rendu à Rodrigues en compagnie du ministre Anwar Husnoo pour deux jours. Depuis son retour à Maurice, la communication n’est guère meilleure. Il affirme être soit au volant de sa voiture, soit à la banque et promet de rappeler. Mais l’attente reste vaine. Pourtant, Jameer Yeadally intervient souvent sur les ondes des radios privées où il essaye de trouver des solutions aux problèmes des auditeurs. A-t-il un problème avec «l’express» ?