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Blanchiment d’argent et financement du terrorisme: l’immobilier sous haute surveillance

14 septembre 2018, 19:45

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Blanchiment d’argent et financement du terrorisme: l’immobilier sous haute surveillance

Débuté il y a deux ans, le gouvernement redémarre le National Risk Assessment comme l’exigent les organisations internationales comme la Banque mondiale et l’Eastern and Southern African Anti-Money Laundering Group. L’un des premiers secteurs concernés : l’immobilier. Cette évaluation, chapeautée par le ministère des Services financiers et de la bonne gouvernance sur les Money Laundering and Terrorism Financing Risks, est menée avec l’assistance technique de la Banque mondiale.

Afin de mieux réglementer et mettre de l’ordre dans ce secteur soupçonné d’accueillir des fonds douteux du trafic de drogue ou d’autres crimes organisés, tous les acteurs mauriciens et étrangers opérant dans le secteur, agents, agences, promoteurs fonciers et property developers sont appelés à s’enregistrer auprès du ministère d’ici le 20 septembre. Les données recueillies serviront à donner un aperçu de la situation, surtout après le rapport de la commission d’enquête sur le trafic de drogue et à la lumière des conclusions de l’Eastern and Southern African Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG). Dans son rapport, ce dernier notait que «Mauritius has not assessed all money laundering and terrorist financing risks to which the country is exposed».

L’évaluation en cours permettra aux autorités de dégager une stratégie pour la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme – la National Anti-Money Laundering/ Combatting the Financing of Terrorism (AML/CFT) Strategy – en conformité avec les recommandations d’ESAAMLG.

Le secteur de l’immobilier mauricien est d’ailleurs considéré comme étant «semi-transparent» dans le dernier classement mondial de Global Real Estate Transparency Index. Maurice, qui se positionne à la 51e place sur 100 pays, se trouve parmi les pays en développement «semi-transparent» au même titre que l’Inde et la Chine. Si la croissance a été atteinte à partir des ventes de bureaux pour entreprises, le rapport fait état de l’opacité qui entoure les transactions effectuées.

C’est ce que croit fermement aussi le Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental qui développe des stratégies de lutte contre le blanchiment de capitaux. Pour les experts du groupe, l’immobilier sert à blanchir l’argent sale. Dans plusieurs pays, ils ont recensé des plans plus sophistiqués, combinant des prêts et des hypothèques aux comptes en fiducie d’avocats pour blanchir discrètement des fonds. Ce qui a conduit le gouvernement canadien à enquêter parallèlement sur la hausse faramineuse des prix des résidences. Le rapport déplore une vérification sommaire pour déterminer si l’acheteur est lié au crime organisé ou à une organisation terroriste. Les courtiers ont tendance à se fier à leur instinct, d’après les chercheurs.

Des brebis galeuses

C’est ce qui passerait ici à Maurice également, selon le président de l’association des agents immobiliers du pays. Laval Savreemootoo ne croit cependant pas que la situation soit inquiétante au niveau des petites agences. Mais il reconnaît qu’il y a des brebis galeuses.

«En l’absence d’un Estate Agent Bill, il y a un désordre dans le secteur avec plus de 40 agences immobilières. Il y a trop d’agences qui ne sont pas des professionnelles et qui ne sont pas du tout intéressées à offrir un bon service mais plutôt à obtenir de grosses commissions», soutient Laval Savreemootoo.

Au cours des auditions de la commission d’enquête sur la drogue, plusieurs trafiquants ont d’ailleurs avoué avoir fait l’acquisition de biens fonciers en les enregistrant au nom de prête-noms. Toutefois, il existe des lois mauriciennes pour contrer le blanchiment d’argent. Par exemple, la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act, qui prévoit de ne pas accepter des paiements en espèces de plus Rs 500 000. Il y a également une obligation légale non seulement pour les institutions financières, mais aussi pour les avocats, notaires et agents immobiliers de déclarer leurs soupçons.

Au niveau des promoteurs de l’immobilier de luxe (Integrated Resort Scheme, Real Estate Scheme et Property Development Scheme, entre autres), l’on assure que la réglementation est respectée dans la plupart des cas. «Néanmoins le secteur n’est pas à abri du blanchiment d’argent car nous avons souvent affaire à des étrangers et la question source of funds reste problématique», explique ce promoteur foncier.

 

Construction de villas et d’appartements : coup d’accélérateur

<p style="text-align: justify;">L&rsquo;immobilier de luxe, qui a d&rsquo;ailleurs le vent en poupe, est le plus grand pourvoyeur d&rsquo;investissements directs étrangers. Des Rs 17,5 milliards, Rs 8,7 milliards ont été générées par des activités immobilières avec 217 unités résidentielles de luxe vendues en 2017. La construction de villas et d&rsquo;appartements devrait s&rsquo;accélérer cette année. Pour 2018, l&rsquo;<em>Economic Development Board</em> a évalué une cinquantaine de projets sous le <em>Property Development Scheme</em> (PDS). Le secteur de l&rsquo;immobilier représente plus de Rs 31,3 milliards. Pour 2018, les experts tablent sur une croissance de 4,7 % par rapport à la même période l&rsquo;année dernière.</p>