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Le bureau du DPP désavoue la police

28 août 2018, 22:25

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Le bureau du DPP désavoue la police

Les propos à relents «communaux» qu’il avait tenus au sujet des logements de la NHDC l’ont rattrapé. L’ancien vice-Premier ministre fera face à un procès. C’est une première dans les annales du judiciaire dans le combat contre la discrimination raciale.

La décision du Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, est tombée hier. Showkutally Soodhun, ancien vice-Premier ministre et ex-ministre du Logement et des terres, est poursuivi devant la cour intermédiaire dans le cadre de ses propos à relents «communaux». L’affaire sera appelée le 24 septembre.

Ce faisant, le bureau du DPP prend à contrepied les enquêteurs de la police de Mario Nobin qui avaient conclu, après leur enquête, qu’il n’y avait pas de case contre l’ancien ministre du Mouvement socialiste militant (MSM). Or, le bureau du DPP, en épluchant le dossier Soodhun et la version des différents témoins, estime qu’il y a suffisamment d’éléments pour que l’affaire soit portée devant la cour intermédiaire.

Contraint de démissionner de son poste le 11 novembre 2017, Showkutally Soodhun n’est donc pas au bout de ses peines. Un autre procès vient s’ajouter à ses démêlés avec la justice, outre celui auquel il fait face suivant les menaces de mort proférées contre le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval.

Le procès a été logé hier devant la cour intermédiaire. Une accusation d’abuse of authority by public officer (Breach of Section 77 of the Criminal Code) a été retenue contre lui.

Le président du MSM aura à expliquer si ses propos, tenus le 17 juil- let 2017, dans le board room du ministère du Logement et des terres ne constituent pas une entorse à la Constitution, selon les dispositions des articles 16(2) et 16(3). «Mo donn zot garanti ki pou ena 90 % d’une section de la population qui aura droit à ces logements NHDC, à Bassin, et le reste des 10 % sera un mix des différentes communautés», avait dit en substance Showkutally Soodhun.

L’éclatement de l’affaire

C’est le mardi 7 novembre 2017 que le Premier ministre Pravind Jugnauth a reçu à son bureau le directeur des publications du groupe de presse La Sentinelle Ltée, Nad Sivaramen, et le journaliste Axcel Chenney. Ces derniers ont sollicité cette rencontre pour lui exposer une vidéo, filmée en caméra cachée, dans laquelle le ministre Showkutally Soodhun tenait des propos à forts relents communaux avant d’annoncer des mesures discriminatoires pouvant inciter à la haine raciale. La vidéo, dans laquelle l’on voit clairement le ministre avec ses interlocuteurs, dont un dirigeant d’un organisme parapublic (Gilles L’Entêté de la National Housing Development Company) et des conseillers, a été filmée par un groupe d’habitants venu rencontrer Showkutally Soodhun afin de lui faire part des problèmes de quartier.

«Face à la dureté des propos du ministre et aux répercussions éventuelles sur le tissu social en cas de diffusion, l’express, en tant que journal responsable et ayant à cœur l’intérêt national et la paix sociale, a pris l’engagement de ne pas publier la vidéo mais d’en informer le Premier ministre pour qu’il en assume les conséquences si jamais cette vidéo est diffusée sur les réseaux sociaux», a fait ressortir Nad Sivaramen à Pravind Jugnauth. De son côté, Axcel Chenney a souligné «le risque de diffusion, vu que cette vidéo nous a été remise par une source sur laquelle nous n’avons aucun contrôle».

Devant les deux journalistes de l’express, Pravind Jugnauth n’a pas caché son agacement à l’encontre de Showkutally Soodhun et a remercié l’express de n’avoir pas diffusé la vidéo. Le chef du gouvernement a confié avoir «entendu parler de cette vidéo», en ajoutant qu’il ne l’avait cependant pas vue ni entendue avant sa rencontre avec Nad Sivaramen et Axcel Chenney. Il devait alors ordonner une enquête sur Showkutally Soodhun.

Le 10 novembre 2017, à la suite de la diffusion des propos séditieux de Showkutally Soodhun sur les ondes d’une radio privée, le cardinal Maurice Piat devait réagir en ces termes : «Sans préjuger des intentions de M. Soodhun… ces propos mettent à mal tout le travail et l’engagement de générations qui ont eu à cœur de construire une société authentiquement mauricienne», a-t-il déploré. Pour lui, il s’agissait là d’un brusque frein au mauricianisme. Et de regretter que ce frein provienne d’un vice-Premier ministre. «Nous avons le droit de nous indigner de façon responsable», a fait valoir le cardinal Piat. Ce dernier en a appelé à la paix sociale «fondée sur les relations de confiance».

Le samedi 11 novembre, le vice-Premier ministre et ministre du Logement et des terres, Showkutally Soodhun a soumis sa lettre de démission à la présidente de la République d’alors, Ameenah Gurib-Fakim. Un communiqué a été émis en ce sens durant l’après-midi. L’ex-n°4 du gouvernement s’est résigné à donnersa démissionsuivant un«commun accord» avec le Premier ministre Pravind Jugnauth dans le courant de la journée de vendredi et ce, après qu’une vidéo dans laquelle il tient des propos à relents communaux a été publiée.

Le mercredi 15 novembre, deux officiers du Central Criminal Investigation Department se sont rendus dans les locaux de La Sentinelle Ltée. Ils étaient venus interroger Nad Sivaramen et Axcel Chenney dans le cadre de l’affaire Soodhun. Les deux sont d’ailleurs sur la liste des témoins qui seront entendus dans le cadre de ce procès – qui marque une première dans les annales du judiciaire dans le combat contre la discrimination raciale.