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Une famille nombreuse? Pour la plupart des Chinois, c’est non

28 août 2018, 18:30

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Une famille nombreuse? Pour la plupart des Chinois, c’est non

 

La Chine pourrait bientôt abandonner totalement sa politique de limitation des naissances, vieille de près de 40 ans. Problème: la plupart des parents n’ont aujourd’hui plus envie d’avoir davantage d’enfants.

Inquiet du vieillissement de la population, le gouvernement envisage de mettre fin d’ici 2020 aux restrictions sur le nombre de bébés que les couples peuvent avoir, selon un projet législatif rapporté lundi par la presse officielle.

Le pays le plus peuplé du monde avait lancé sa politique de «l’enfant unique» en 1979. Une mesure coercitive parfois appliquée au prix d’avortements forcés, d’amendes et de stérilisations.

Début 2016, la Chine avait autorisé tous les couples à avoir deux enfants, espérant gonfler et rajeunir sa population (1,4 milliard d’habitants).

Mais les femmes chinoises repoussent de façon croissante l’âge auquel elles ont leur premier bébé, notamment parce qu’elles entendent d’abord privilégier leur carrière professionnelle.

Autre facteur qui contribue à freiner les envies de maternité: les coûts de l’éducation en Chine, bien plus élevés comparativement à l’Occident.

«Beaucoup de gens veulent un deuxième enfant. Mais le plus gros problème, c’est la charge financière», résume une mère de famille qui habite à Dalian (nord-est), qui a demandé à rester anonyme.

Elle aimerait un second, voire un troisième enfant, mais hésite par crainte d’être mal vue par son employeur.

Le nouveau Code civil en préparation en Chine ne devrait faire aucune référence au contrôle des naissances, a rapporté lundi le quotidien juridique Jiancha Ribao, une information confirmée ensuite par l’agence étatique Chine nouvelle.

Ce texte doit être adopté lors d’un vote en 2020 par l’Assemblée nationale chinoise.

Propagande intense

«L’annulation de la politique du planning familial signifie en clair que les couples pourront désormais décider eux-mêmes combien d’enfants ils veulent», déclare Liu Hongyan, chercheuse du Centre de recherche sur la population et le développement, un cabinet de réflexion gouvernemental.

Elle salue ce «droit de l’Homme» en matière de reproduction.

L’agence officielle Chine nouvelle a justifié le nouveau projet de loi par «les changements dans la situation démographique».

Le nombre de Chinois en âge de travailler a chuté de 5,5 millions l’an passé. Une baisse entamée dès 2012, selon les statistiques officielles.

Des économistes pointent ainsi le risque pour la Chine de «devenir vieille avant de devenir riche». Et que les travailleurs soient trop peu nombreux pour payer les retraites d’une population vieillissante.

Selon la Banque mondiale, la proportion de Chinois âgés de plus de 60 ans va ainsi bondir de 15% (2015) à 36,5% (2050).

Il y a déjà «une propagande intense visant les femmes urbaines et éduquées» pour les pousser «à se marier tôt et à avoir des enfants tôt», indique à l’AFP Leta Hong Fincher, auteure d’essais sur le féminisme chinois.

La carrière d’abord

Xi Jinhua et sa femme Qiu Chunjuan, déjà parents de deux enfants dans la métropole de Shanghai (est), ne comptent pas en avoir un troisième.

«On arrive à un point de saturation», explique le père. Son épouse souligne les coûts «très élevés» de l’école et des cours privés. Des dépenses qui mettent à rude épreuve les finances familiales.

Hu Yanhua, une mère de 38 ans, dit être déjà surchargée avec son fils âgé de 6 ans. «Je dois travailler et mon énergie est limitée. Donc je ne pense pas en vouloir d’autre», explique-t-elle.

Quand le gouvernement chinois avait autorisé tous les couples à avoir deux enfants, il s’attendait à un baby boom.

Les naissances ont cependant stagné en 2017, avec 17,23 millions de bébés nés cette année-là. Mais elles devraient repartir à la hausse cette année, à 20 millions, selon les prévisions officielles.

Les sondages qui se succèdent révèlent tous la même tendance: peu de couples sont au final tentés par davantage d’enfants.

La mère habitant à Dalian confie pour sa part avoir peur d’être déclassée au bureau en cas de deuxième grossesse: «Je n’ai pas envie d’abandonner mon travail, et le sentiment d’estime de soi qu’il m’apporte.»